Céline Magnéché Ndé Sika, auteure de « Les combattantes » : « Je donne une voix aux femmes qui souffrent en silence »

Fervente défenseure des droits des femmes et ingénieure sociale, elle dédicaçait son deuxième roman, le 21 mars dernier à l'Institut français du Cameroun.

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Vous venez de procéder à la dédicace de votre roman, « Les combattantes ». Quel est message vous voulez transmettre à travers cette production ?


« Les Combattantes » n’est pas seulement une œuvre littéraire ou alors une chronique des infidélités répétées. Elle incarne un combat personnel pour la recherche de la paix et de la justice. En écrivant cette œuvre, j’avais, en tête le désir de donner une voix aux femmes qui souffrent souvent en silence et aux hommes en général, parce que là, je défends les droits humains.
Pas seulement les droits d’une minorité parce que ce ne sont pas seulement les femmes qui souffrent lorsqu’il y a problème. C’est toute la société qui souffre, les hommes, les enfants, entre autres. Pour moi, écrire c’est inviter à la réflexion, susciter une prise de conscience collective afin que les uns et les autres sachent que si les femmes sont bien, si les droits des femmes sont respectés, c’est tout le monde qui s’en sort bien.
Je voudrais aussi transmettre un message de résilience parce que les actrices de « Les combattantes » loin d’être figées, elles se battent. Elles essaient de se remettre en question, pas de façon frontale, parce qu’on peut résister en évitant de donner des coups de poing. Elles résistent et questionnent ce système social qui les opprime et ne trouvent pas cela normal dans une société où l’on parle de droit, de démocratie etc.
Elles voudraient changer leur propre vie, mais aussi celle de toutes les autres qui souffrent de la même problématiques dans la société.

« Les combattantes », c’est titre de votre roman.. Contre quoi combattent les femmes ?


Les femmes combattent un système social qui les oppriment, les oppressent et les écrasent depuis toujours. Un système qui n’a pas sa raison d’être dans ce monde. Voilà ce pourquoi nous luttons.


D’aucuns estiment que votre pensée est plus occidentale qu’africaine. Qu’en dites-vous ?


La culture est universelle. Il n’y a pas de culture occidentale, il n’y a pas de culture africaine. Quand j’invoque la culture, je reste sur la position intellectuelle. Pas la culture en tant qu’art, écriture, architecture, gastronomie, entre autres. Quand on lit, on écrit, on regarde, on voyage, on rencontre les gens, on échange avec des gens, tout cela contribue à faire de nous ce que nous sommes. Nous vivons dans un monde devenu un village global et nous ne devons pas rester dans nos cuisines en espérant que le monde va nous attendre. Non, il faut s’ouvrir, il faut sortir, non seulement pour grandir en tant que personne, mais aussi pour devenir un être utile à toute l’humanité.


Comment envisagez-vous la femme de demain ?


La Camerounaise de demain que je voudrais voir est celle-là qui est consciente de ses droits et devoirs. Le tout n’est pas seulement de réclamer ses droits, mais aussi, il faut reconnaître que nous avons des devoirs que nous devons assumer. Une Camerounaise qui ne plie pas l’échine et qui ne se résigne pas. J’aime bien utiliser cette expression de cette célèbre avocate français Gisèle Halimi qui disait « ne vous résignez jamais. Vous ne devez pas le faire non seulement pour vous-mêmes, mais aussi pour ceux qui vous regardent ». Il y a toujours quelqu’un qui vous regarde et qui se sert de vous comme un exemple, comme un modèle à suivre.


Votre deuxième à savoir « Les combattantes » paraît 19 ans après le premier. Pour avoir attendu aussi longtemps ?


L’écriture n’est pas une mince affaire. Et, lorsqu’on est une femme, une mère, une fille, une travailleuse, membre d’une communauté, il n’est pas facile de muter d’un roman à un autre. Toutefois, il faut le faire parce qu’en tant qu’auteure, je me sens interpelée, pas comme sénatrice, mais comme actrice pour le changement. Je pense que chacun de nous doit offrir quelque chose dans la construction du monde. Si chacun de nous allume une bougie, tout le monde sera éclairé. C’est pour cela qu’après le premier roman, je me suis demandé s’il fallait que je m’arrête au regard de mes occupations parce que je suis ingénieure sociale. Je dirige depuis 2022, une ONG dans mon arrondissement à Penka-Michel [comme située dans la région de l’Ouest et le département de la Menoua], pour soutenir le développement de mes frères et sœurs. Mais j’ai compris qu’il fallait continuer.


Y a-t-il un rapport entre la journée internationale des droits des femmes et cette dédicace
 ?


Nous venons de célébrer la journée internationale des droits des femmes qui est commémorée chaque année le 8 mars pour célébrer les acquis réalisés par les femmes sur le chemin qui nous mène vers cette société que nous voulons juste où chacun aura la possibilité de se développer et de se déployer . Nous la célébrons chaque année, c’est vrai que nous mangeons, nous dansons, mais nous ne voulons pas nous limiter à cela. Nous voulons voir d’où nous venons depuis 1908 où les femmes sont descendues dans les rues de New-York pour réclamer non seulement le droit de vote mais aussi de meilleures conditions de travail.
Qu’est-ce qu’il s’est passé depuis cette date jusqu’aujourd’hui ? Quels sont les acquis ? Je suis assise ici aujourd’hui je peux parler parce que des femmes se sont battues pour que je puisse m’asseoir là, pour que je puisse aller à l’école jusqu’au doctorat, pour que je puisse ouvrir un compte bancaire sans demander l’autorisation de mon mari, pour que je puisse voyager sans demander l’autorisation de mon mari.


On a l’impression que vous enfoncez une porte ouverte. Si nous prenons, le domaine des études, les femmes sont plus nombreuses dans les filières autrefois réservées aux hommes.


Au départ nous sommes nombreuses dans les salles de classe, mais au fur et à mesure qu’on avance, le nombre diminue et au finish, nous somme combien qui, si je me limite au doctorat, combien de mes camarades de classe du primaire ou de la sixième ont atteint ce niveau ? En réalité des femmes ont des problèmes spécifiques. Quand je rentre chez moi le soir, je me débarrasse de ma toge de professionnelle et ma journée n’est pas finie, je fais à manger. Je dois m’assurer que mes enfants ont passé une bonne journée et que mon mari est bien. S’il y a un souci, je vais appeler ma fille pour venir m’aider à la cuisine et non mon fils.

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