Péages automatiques : le gouvernement veut exclure le privé

Après avoir sollicité un partenariat public privé pour le financement et la construction de 14 postes péages automatiques, les autorités  sont en voie de muter le contrat de partenariat en marché public.

 Rendu pratiquement à l’échéance fixée pour la fin des travaux de construction de 14 postes de péage automatique, le gouvernement envisage de changer le mécanisme de financement. Des responsables du ministère des Finances  et du ministère des Travaux publics  étaient en concertation le  05 février dernier à Yaoundé. L’objet de ladite réunion  initiée par le ministre des Travaux publics, tel qu’indiqué aux concernés, portait sur la mutation en marché public du  contrat de partenariat public privé (PPP) relatif à ces péages.

Si rien n’a filtré  pour le moment sur l’issue de cette réunion, l’on s’interroge sur  les raisons de cette mutation et ses implications. Car, ce sont d’importants engagements  qui ont été pris jusqu’ici  par les deux parties. Le groupement français Fayat (Razel Bec) et Egis (Egis Projects) avec qui le gouvernement a conclu le PPP, devrait assurer le financement, la conception, la construction, l’équipement, l’exploitation et la maintenance des 14 postes de péage automatique.  Ce groupement a pour la mise en œuvre du PPP, créé une coentreprise de droit camerounais Tollcam.  Ce partenaire privé réalise les travaux de construction et doit entièrement financer l’investissement initial estimé à 42 milliards de FCFA. Tollcam devrait gérer ces infrastructures pendant 20 ans.  2 années pour l’exécution des travaux à compter de juin 2022, et 18 années pour l’exploitation des ouvrages.

Du côté  du gouvernement, les obligations financières de l’État du Cameroun dans le cadre  de ce PPP  portaient sur le paiement d’un montant total de près de 200 milliards de FCFA TTC pendant les années d’exploitation. Soit en moyenne 8,5 milliards par an.   Selon les simulations faites en termes de gains financiers, les recettes cumulées des 14 péages à automatiser sont projetées à 632,6 milliards de FCFA  à la fin du PPP en 2041.  Le  gain net est estimé à  437,6 milliards (impôts, taxes et autres prélèvements non inclus). Tandis que, si ces péages ne sont pas modernisés, ce sont  210,7 milliards qui sont attendus sur les 18 prochaines années. Le gain est donc projeté au double. Ceci en maintenant le tarif du péage à 500 FCFA. En d’autres termes, ces postes pourraient générer plus de recettes en cas de modification tarifaire, par exemple selon le gabarit des véhicules.

L’objectif du projet  d’automatisation du péage routier  est de garantir la collecte optimale des recettes et le financement adéquat de l’entretien routier. Les nouveaux postes de péage comprennent entre autres une chaussée en structure rigide de deux voies chacune; deux accotements de 2.00 m de largeur chacun ; un parking et une voirie d’accès sécurisée spécifique ; des zones de stationnement avec les espaces marchands.  La réflexion devra être menée sur comment compenser ces investissements réalisés par le partenaire privé,  en cas de mutation du contrat. Il est aussi important de voir quels  sont les bénéfices pour l’Etat de passer  en mode marché public.

Interview

 Joachem BIN MEH, économiste

 « Les marchés publics  permettent une meilleure maîtrise des coûts »

 L’expert  décrypte les deux principaux mécanismes de financement, dévoile les avantages d’un  marché public et les possibles implications du changement envisagé.

Le gouvernement a décidé de faire passer en marché public le partenariat public privé du chantier de construction des péages automatiques au Cameroun. D’entrée de jeu qu’est ce qui fait la différence entre ces deux mécanismes de financement ?

En général, les gouvernements peuvent financer des projets publics tels que la construction de gares, de péage de différentes manières. Voici deux mécanismes courants : les partenariats public-privé (PPP)  et le financement public traditionnel. Dans le cadre d’un PPP, le gouvernement s’associe à une entreprise privée pour financer, construire et exploiter un projet d’infrastructure publique. L’entreprise privée fournit généralement la majorité du financement du projet et assume le risque de la construction et de l’exploitation. En échange, le gouvernement accepte de permettre à la société privée de percevoir des revenus du projet, tels que des péages, pendant une période déterminée. À la fin de la période contractuelle, la propriété du projet revient généralement au gouvernement. Dans le cadre du financement public traditionnel, le gouvernement finance le projet en utilisant ses propres ressources, telles que les recettes fiscales ou les prêts accordés par les institutions financières. Il peut également solliciter des subventions ou des prêts auprès d’organisations internationales ou de gouvernements étrangers pour l’aider à financer le projet. Une fois le projet achevé, le gouvernement en est propriétaire et l’exploite, percevant les recettes et supportant les risques liés à l’exploitation et à l’entretien. Donc les différences essentielles sont la répartition des risques : dans le cadre d’un PPP, l’entreprise privée assume généralement une plus grande part des risques liés à la construction et à l’exploitation du projet. Dans le cadre d’un financement public traditionnel, en revanche, le gouvernement assume la majeure partie des risques. La propriété : À la fin de la période contractuelle, la propriété du projet revient généralement à l’État dans le cadre d’un PPP. Dans le cadre d’un financement public traditionnel, le gouvernement possède et exploite le projet dès le départ.  En termes d’avantages, dans un PPP, les entreprises privées peuvent apporter des technologies et des pratiques de gestion avancées pour rationaliser les opérations et réduire la congestion. Il y a aussi l’innovation financière : les PPP peuvent attirer des capitaux privés, ce qui permet d’élargir les possibilités de financement et d’accélérer l’achèvement du projet.

Malgré les avantages du PPP qu’est ce qui peut expliquer que le gouvernement choisisse désormais de changer le mécanisme de financement ? Quels bénéfices peut-on tirer des contrats de marché public ?

Le gouvernement camerounais peut avoir décidé de changer le mécanisme de financement pour un contrat de marché public pour plusieurs raisons. Parmi les raisons possibles, on peut citer a) le contrôle des coûts : les contrats de marchés publics permettent au gouvernement de mieux contrôler les coûts associés au projet. Dans les PPP, les partenaires privés ont souvent la liberté de fixer les prix et de gérer les finances, ce qui peut parfois entraîner des coûts plus élevés pour le gouvernement. b) Flexibilité : les contrats de marchés publics offrent au gouvernement une plus grande flexibilité en termes de gestion de projet et de prise de décision. Il peut superviser directement le projet et apporter les changements nécessaires sans dépendre de l’approbation ou de l’implication des partenaires privés. c) responsabilité : les contrats de marchés publics garantissent que le gouvernement reste responsable de la réussite ou de l’échec du projet. Ils permettent une plus grande transparence et réduisent le risque de corruption ou de mauvaise gestion qui peut parfois être associé aux PPP. Les avantages des marchés publics sont notamment une meilleure maîtrise des coûts, une plus grande flexibilité et une plus grande responsabilisation des pouvoirs publics.

Étant donné  que les travaux de ces péages sont déjà presque achevés et entièrement financés par le partenaire privé, quel type d’accord le gouvernement pourra-t-il faire envisager pour se séparer de son partenaire ?

Le gouvernement peut être amené à négocier un accord de règlement avec le partenaire privé pour sortir de l’accord de PPP. Les termes de l’accord de règlement dépendent de divers facteurs, notamment les termes de l’accord de PPP initial, le stade actuel du projet et les intérêts des deux parties. Les conditions que le gouvernement pourrait envisager d’inclure dans l’accord de règlement sont notamment les suivantes : le paiement d’une redevance au partenaire privé pour le dédommager de son investissement dans le projet ; le transfert de la propriété des postes de péage au gouvernement, permettant à ce dernier de prendre en charge l’exploitation et l’entretien des installations ; l’accord sur un plan de transition pour assurer un transfert en douceur du projet du partenaire privé au gouvernement ; la libération du partenaire privé de toute autre obligation découlant de l’accord de PPP.

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