Financement extérieur: Le gouvernement alerte sur les risques du marché international des crédits carbone

A en croire le ministère de l’Environnement, de la Protection de la nature et du Développement durable, les prix bas pratiqués actuellement sur ce marché, impactent négativement son attractivité.

La définition unanimement acceptée présente les crédits carbone comme des certificats attribués pour chaque tonne de gaz à effet de serre compensée par un projet durable.  Adopté il y a une trentaine d’années dans le cadre du protocole de Kyoto, ils permettent aux entreprises de compenser leurs émissions excessives. A titre d’exemple, un Etat comme celui du Cameroun, ou encore une entreprise privée camerounaise, peut ériger sur le territoire des infrastructures qui séquestrent les gaz à effet de serre. Les émissions ainsi captées sont revendues aux gros pollueurs (souvent de grosses multinationales étrangères) à des prix qui sont décidés sur un marché international, baptisé marché du carbone. en 2022, Louis Paul Motaze, le ministre Finances, a annoncé que le Cameroun se prépare à aller à l’assaut de ces financements extérieurs, afin d’en faire une source de financements plus importante du budget de l’État, dès l’année 2023. «Il s’agit de faire l’état des lieux, d’interroger la situation à date et de proposer des palliatifs ou des thérapies, pour endiguer les carences et autres manquements constatés dans le processus d’adhésion de notre pays au marché du carbone», a-t-il expliqué lors d’un atelier de sensibilisation.

Depuis lors, cette initiative n’a pas connu de véritable évolution, restant au stade de la simple volonté politique. Contrairement à des pays comme la Cote d’Ivoire ou le Gabon qui ont mis sur pied une stratégie d’investissement public matérialisée par la construction d’infrastructures qui intègre des mécanismes de financement de projets de réduction d’émissions de gaz à effet de serre, l’Etat du Cameroun hésite  encore à investir ce nouveau marché ou les pays africains pourraient mobiliser 6 milliards de FCFA chaque année. Il hésite même à soutenir ou à subventionner les entreprises privées qui s’y lancent, en leur conseillant la prudence.

Evoluer avec prudence

Pour le ministère de l’Environnement, de la Protection de la nature et du Développement durable, les fluctuations généralement baissières des prix pratiqués sur le marché international du carbone, impactent négativement l’attractivité dudit marché. Surtout que pour y vendre les émissions séquestrées, il faut au préalable les capter. Ce qui n’est possible qu’en construisant des infrastructures adaptées, qui nécessitent des investissements colossaux. A titre d’illustration, un haut responsable de ce ministère qui s’est confié à nos confrères de Cameroon Business Today, prend l’exemple de l’entreprise Hysacam qui a contracté un prêt de 2 milliards de FCFA auprès d’une banque française pour la construction d’une centrale de captage d’une capacité de 250 tonnes par jour à Yaoundé avec un prix garanti de 12 euros (environ 7800 FCFA) la tonne sur le marché du carbone. La même entreprise a contracté un autre prêt de 3,5 milliards de Fcfa  auprès d’Ecobank pour un projet de même envergure à Douala. Sauf qu’au moment de vendre, les acheteurs n’ont pas respecté  le prix unitaire de 12 euros sus-évoqué proposant plutôt un prix dérisoire qui oscillait autour de 1 euro (600 FCFA) la tonne. «Insuffisant pour couvrir ne serait-ce que les charges d’investissement. Passer de 200 à 1 dollar…. Vous imaginez les pertes. Nous ne voulons donc pas appeler à se lancer sans calculs et abandonner le domaine le plus important. (…) Notre pays absorbe déjà les émissions d’autres pays à travers ses forêts, sans que cela soit compensé en attendant de pouvoir transférer notre contribution», a confié à Cameroon Business Today, Timothée Kagonbe, sous-directeur du monitoring écologique et du suivi du climat au ministère de l’Environnement, de la Protection de la nature et du Développement durable.

La touche de la Bdeac

Néanmoins, la Banque de Développement des Etats de l’Afrique centrale (Bdeac) reste convaincue de l’opportunité unique que représentent les crédits carbone pour les pays du bassin du Congo. D’ailleurs,  du 23 au 25 janvier 2024, elle a organisé à Yaoundé,  des assises francophones sur les marchés du carbone, en partenariat avec l’Institut de la francophonie pour le développement durable (Ifdd) et la Convention-cadre des nations unies sur les changements climatiques (Ccnucc). L’objectif qui sous-tendait cette réunion était de renforcer l’action climatique et de développer une alliance « centre-africaine » pour les marchés du carbone et la finance climat en Afrique centrale, dans le but ultime de permettre particulièrement aux pays du bassin du Congo d’accéder à ces financements.

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