Délai de traitement des dossiers, coûts du crédit, conditions de soumission, adhésion des banques… Les opérateurs économiques affichent un scepticisme face au mécanisme de garantie de l’Etat.
Lors des échanges au siège du Gicam à Douala le 13 septembre dernier, les chefs d’entreprises ont salué l’initiative prise par l’Etat de mettre en place une facilité de garantie. Si elle est perçue comme une solution à l’épineux problème de garantie auquel font face divers entrepreneurs, des préoccupations demeurent. Surtout après l’échec de la première initiative du même genre portée par le gouvernement. « On espère simplement que ce sera lisible, facile à bénéficier et que les banques notamment joueront le jeu de la transparence afin que les potentiels porteurs de projets puissent être conscients de ce à quoi ils sont en droit de s’attendre », déclare Célestin Tawamba. Ses propos résument l’essentiel des inquiétudes formulées par les opérateurs économiques au cours des échanges.
L’une des principales inquiétudes porte sur le délai de traitement de la demande au regard de la procédure qui a été présentée par le conseiller technique du ministère des Finances. « Il faut saisir son banquier et le banquier fait son travail indépendamment du ministère des finances. Après examen, le banquier nous envoie le dossier pour un préaccord, le dossier va passer par le comité de garantie qui va siéger au plus vite. Étant donné que les garanties font partie de la dette publique, nous envoyons ce dossier au comité de la dette publique. Lorsque ce comité a validé, c’est à ce moment que le ministre des finances signe et vous accorde donc un accord de garantie qui est matérialisé par un certificat de garantie. Et c’est ce certificat qui est l’élément principal et le banquier vous décaisse donc l’argent en fonction de la politique bancaire », explique Serge Abouem. Mais ce parcours est perçu comme interminable pour d’aucuns qui demandent des assurances sur la célérité dans le traitement de la demande. En face, le secrétaire Général de l’Apecam indique qu’en une dizaine de jours maximum, le demandeur de la garantie de l’Etat pourra être fixé. « Le dispositif a été simplifié par ce que nous avons demandé que la commission de validation puisse se tenir le plus régulièrement possible au ministère et la fréquence hebdomadaire a été retenue. Par ce que nous estimons qu’à la banque quand nous terminons les comités de crédit, on notifie d’abord au client que le processus est engagé. Donc, ils ont consenti à alléger les procédures de sorte qu’au bout d’une semaine on puisse avoir le retour définitif du ministère », rassure Pierre Kam.
Considérées comme les principales bénéficiaires de cet appui de l’Etat, les PME se montrent plus inquiètes. Certes, elles ont de quoi faire face au blocage lié à la garantie matérielle qu’elles ne parviennent pas toujours à mobiliser. Mais, les banques sont-elles disposées à leur donner plus de chances ? Pour Pierre Kam, les PME ont leur partition à jouer. « ce mécanisme était très attendu. Le compartiment des PME souffre énormément et il faut également dire que c’est celui qui cause un certain nombre de problèmes. Pour que la donne change, il y a une part des responsabilités des PME, par ce que sur un taux de sinistralité évaluée en moyenne à 13,9%, la part des PME s’élève à 20%. L’impact du taux de sinistralité sur le crédit se traduit par l’exigence de primes de risque et de taux d’intérêt plus élevées par les établissements de crédit ».
Les promoteurs de PME, ajoute- t-il, doivent s’assurer que les projets soumis à la banque sont bien élaborés, s’attacher si possible des services de spécialistes. Ils pourraient aussi partager l’actionnariat de leurs entreprises avec d’autres personnes par ce que les PME reposent généralement à 100 % sur une seule personne. Grâce à ces méthodes, les PME pourraient, elles aussi, aider à réduire le taux de sinistralité et rétablir la confiance des banques.
Réaction
Eric Ngah ELOUNDOU, administrateur Ecam
« La garantie est un excellent signal pour soutenir la production locale»
« La mise en œuvre de la garantie de l’État aux Établissements publics et aux Entreprises publiques et privées est un excellent signal du gouvernement pour soutenir le développement du tissu de production locale et la transformation industrielle de notre économie. Cela est d’autant plus important que l’arrêté du 17 juillet 2023 signé par le ministre des Finances précise les filières identifiées comme prioritaires dans le cadre de la Stratégie Nationale de Développement 2020 2030 (SND30). Ce qui permet à toutes les parties prenantes de s’organiser plus efficacement pour focaliser les énergies vers ces activités et organiser les différents marchés concernés. La difficulté réside cependant dans l’application effective de ces dispositions par les institutions financières, qui butent sur la procédure de recouvrement inhérente à cette garantie de l’État et redoutent une accumulation des créances et des délais longs de recouvrement en cas de défaut des entreprises financées. Les banques auraient certainement préféré disposer d’un mécanisme cash collatéral (garantie financière) adossé à un compte séquestre ouvert auprès de la BEAC. Ce qui permettrait d’avoir plus de visibilité sur le processus de recouvrement. Toutefois, dans le contexte qui est le nôtre, une telle disposition pourrait encourager des comportements opportunistes et dévier les objectifs recherchés par le Gouvernement.
En définitive, l’origine des pesanteurs observées réside dans le fait que ce mécanisme ne traite pas le problème de fond, qui est celui du risque réel de défaut auquel les entreprises, et notamment les PME, exposent les institutions financières dans le cadre d’une stratégie de développement de leurs activités.
La garantie, même avec une procédure de recouvrement efficace, n’efface pas le risque de défaut. Or, ce dernier hante les banquiers dès lors qu’on évoque le financement des entreprises, quelle que soit leur taille. Par conséquent, le seul critère qui puisse les rassurer, dans un contexte comme le nôtre, c’est un dispositif plus exhaustif qui intègre à la fois la garantie de l’État et un écosystème sécurisé qui favorise l’organisation industrielle des entreprises et la maîtrise des flux financiers, d’informations et des biens et services. Un tel dispositif ne peut pas être envisagé sans un secteur privé structuré et organisé autour des mêmes objectifs que le gouvernement et les institutions financières. »