L’ancien haut cadre de la banque mondiale qui a travaillé pendant plus de 20 années au sein de cette institution, livre son regard sur les relations entre le Cameroun et la banque mondiale, dans un entretien accordé à équinoxe TV.
«L’une des difficultés que l’on évoque dans les rapports entre le Cameroun et les institutions de breton Woods notamment la banque mondiale est que le Cameroun n’a pas toujours su tirer profit de ses relations avec la Banque mondiale, qui dans le monde, est une institution de référence en matière d’expertise. Il y a un certain nombre de pays qui savent comment se servir de ces institutions. Je vais vous rappeler que jusqu’en 2016, la Chine était le premier emprunteur de la banque mondiale. Mais en même temps, la Chine faisait concurrence à la banque mondiale sur le marché Publique de l’aide au développement en Afrique. Ça peut paraître contradictoire. Mais, la Chine emprunte à la banque mondiale pour des raisons bien précises. Aujourd’hui le plus gros emprunteur de la banque mondiale c’est l’Inde qui est la huitième ou la neuvième puissance industrielle. Le second emprunteur, c’est le Brésil. Donc ces pays-là savent comment utiliser la banque mondiale parce que la banque ce n’est pas que des financements. Il est bon de rappeler qu’aucun pays au monde, je dis bien aucun, n’est sorti des ornières de la pauvreté grâce uniquement à la Banque mondiale. Par contre, tous les pays qui ont pu émerger, qui ont pu sortir des affres de la pauvreté ont eu recours à la Banque mondiale ; pas uniquement pour les financements mais pour l’expertise de la banque mondiale. Quand la Chine a un projet de 2 milliards de dollars, elle vient prendre 200 millions, soit 10% à la banque mondiale pas par ce qu’elle a besoin de financement mais parce qu’elle sait très bien que ces financements viennent avec de l’expertise et ils apprennent. Aujourd’hui grâce à ces financements et leur appui, la chine a pu bâtir une expertise dans le monde.
Les financements de la banque mondiale sont très importants pour des pays comme le Cameroun. Ce d’autant plus que ce sont des financements pratiquement à des taux d’intérêt nuls notamment pour les pays IDA et le Cameroun en est membre. Le mois dernier, on a eu une revue du portefeuille du Cameroun. Sur 1500 milliards engagés, il y a 1200 qui ne sont pas décaissés et qui risquent d’être forclos d’ici trois ans et le taux de décaissement auprès de la banque mondiale se situe autour de 20%. On a évoqué le sempiternel problème de la maturité des projets. On s’endette alors que les projets ne sont pas matures. Le conseil d’administration de la banque mondiale approuve un projet mais on met deux ans pour que ce projet soit effectif par ce qu’il y a un ensemble de lourdeurs administratives et autres. Voilà un certain nombre de tares qu’il va falloir corriger. Il y a aussi les problèmes de passation des marchés. On a dû récemment annuler l’une des composantes du projet du développement du secteur du transport qui finance la route Babadjou Bamenda, la composante sur le transport aérien. Il s’agissait de la construction de et du renforcement de la sécurité à l’aéroport de Douala pour un marché de près de 6 milliards. Ce marché a été simplement annulé par ce que les procédures de passation de marchés étaient difficiles.
Aujourd’hui pour dire les choses telles qu’elles sont, le portefeuille de la Banque mondiale au Cameroun est sinistré. C’est l’un des portefeuilles le plus à problèmes dans la région Afrique Malheureusement ! Des projets qui ont été bien menés existent mais on remarque que sur un portefeuille de 19 projets aujourd’hui, il y a 17 qui sont à problèmes. Ces problèmes sont d’ordre divers. Il y a des problèmes de passation des marchés que j’ai déjà évoqué, les retards dans la mise en œuvre des projets, la faiblesse des décaissements, l’immaturité des projets etc. »