BC-PME: pourquoi la Cobac a suspendu le DG

Pour non-respect de certaines règles en vigueur dans l’exercice de la profession en zone CEMAC, l’agrément de Agnès Ndoumbè Mandeng a été retiré par la Commission bancaire de l'Afrique centrale pour une durée de 10 ans.


La Banque camerounaise des Petites et Moyennes entreprises (BC-PME) est sans directeur général. C’est du moins la conséquence immédiate qui découle d’une décision de la Commission bancaire de l’Afrique centrale (Cobac) prise à l’issue d’une session disciplinaire tenue le 21 juillet à Douala. Selon la décision sus-évoquée, l’agrément de Agnès Ndoumbè Mandeng, en qualité de directeur général de la BC-PME, a été retiré, à titre disciplinaire, par la Commission bancaire de l’Afrique centrale (Cobac). A cet effet, elle est interdite, pour dix ans, « de contrôler les opérations ou d’exercer des fonctions au sein de la direction générale ou du conseil d’administration d’un établissement de crédit ou de microfinance sur l’ensemble du territoire des Etats membres de la Cemac ».
La décision signée par le président de la Commission bancaire, Abbas Mahamat Tolli, apprend-on, vient ainsi clore la procédure disciplinaire ouverte à l’encontre du directeur général de BC-PME, en raison du non-respect de certaines règles inhérents à l’exercice de la profession en zone CEMAC.

Selon la correspondance susmentionnée, le directeur général de BC-PME est accusé de non-respect des dispositions de l’article 26 du règlement n°04/08/CEMAC/UMAC/COBAC relatif au gouvernement d’entreprise dans les établissements de crédit et de non-respect des dispositions des articles 15 et 22 du règlement n° 04/08/CEMAC/UMAC/COBAC modifiant et complétant certaines conditions relatives à l’exercice de la profession bancaire dans la sous-région Afrique centrale.
Il est également reproché à cette dame qui, depuis le 6 juin 2014 dirige la BC-PME, le non-respect des dispositions des articles 15, 45, 68,71 et 91 du règlement COBAC R-2016/04 relatif au contrôle interne dans les établissements de crédit et les holdings financières ; ainsi que le non-respect des dispositions des articles 13 du règlement COBAC R-2018/01 relatif à la classification, à la comptabilisation et au provisionnement des créances des établissements de crédit et l’article 3 de la décision COBAC D-2020/104 portant mesures d’adaptation de la réglementation prudentielle applicable aux établissements assujettis à la COBAC, prorogée par la décision COBAC D-2021/302.
Enfin, la COBAC accuse Agnès Ndoumbè Mandeng de n’avoir pas respecté les dispositions de la sous-région sur la prévention et la répression du blanchement des capitaux et du financement du terrorisme et de la prolifération, ainsi que les dispositions relatives aux diligences des établissements assujettis à ladite structure en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme en Afrique centrale.
Non-respect des résolutions du conseil d’administration
De manière précise concernant le premier grief sus-évoqué à savoir le non-respect du règlement relatif « au gouvernement d’entreprise dans les établissements de crédit », la Cobac indique que la direction générale de la BC-PME n’a pas appliqué certaines résolutions prises par le conseil d’administration de la banque, notamment la résolution du 29 septembre 2020 portant sur les opérations internationales de trade finance, en l’occurrence la demande d’arrêt des émissions de garanties financières à l’international, dans l’attente que ces opérations complexes soient couvertes par des procédures dûment validées par l’organe délibérant. Bien avant cela, précise la COBAC, une demande d’explication avait déjà été adressée au directeur général par le président du conseil d’administration le 9 mai 2018, aux fins d’apporter des clarifications sur ses actes de gestion en désaccord avec la stratégie définie par le conseil.
Absence de collégialité dans la gestion
Pour ce qui est du non-respect de certaines dispositions du règlement modifiant et complétant certaines conditions relatives à l’exercice de la profession bancaire dans la Cemac, la Cobac révèle l’absence de collégialité dans la gestion de la BC-PME. « En effet, le directeur général adjoint est souvent tenu à l’écart de la gestion courante de l’établissement. Ainsi, le principe des « quatre yeux » n’est pas respecté », indique la commission bancaire. Par ailleurs la BC-PME ne dispose pas de commissaires aux comptes régulièrement agréés depuis fin 2019 par conséquent la certification du compte de l’exercice 2020 n’a jamais été effectuée.
En réponse à cette accusation, écrit la Cobac, lors de son audition le DG de la BC-PME a indiqué qu’il ne peut y avoir des divergences de vue entre le DG et son adjoint dans le traitement des dossiers. Toutefois, en tant que premier dirigeant responsable de la gestion courante de la structure, il lui revient de prendre la décision finale en cas de divergence d’opinion.
S’agissant de la désignation des commissaires aux comptes, le DG de la BC-PME se défend en indiquant qu’un appel à manifestation d’intérêt a été réalisé en 2019 par la banque, des commissaires aux comptes ont été cooptés lesquels ont reçu les avis conformes de la Cobac, par conséquence l’absence de désignation des commissaires aux comptes ne dépend pas de la BC-PME.

Contrôle interne
Invoquant le non-respect des dispositions des articles 15, 45, 68, entre autres, du règlement relatif au contrôle interne des établissements de crédits et des holdings financières, la Cobac souligne, des divergences sont nées entre le DG et le conseil d’administration sur la poursuite des objectifs stratégiques de BC-PME, notamment en ce qui concerne le respect du plan des affaires de la banque.
La Cobac dénonce d’ailleurs le manque de collaboration du DG de la BC-PME et le responsable d’un audit interne réalisé au sein de la banque. « Dans un mail du 25 juin 2021, le directeur de l’audit rappelle que le directeur général lui avait clairement signifié au cours d’une réunion d’urgence le mercredi 23 juin 2021, que les opérations internationales font partie de son domaine réservé, et que l’audit interne ne doit pas s’en mêler », indique la correspondance de la Cobac.
Blanchiment des capitaux
Enfin, s’agissant du non-respect des dispositions de l’article 58 du règlement portant prévention et répression du blanchiment des capitaux et du financement du terrorisme et de la prolifération en Afrique centrale, ainsi que les diligences des établissements assujettis à la Cobac en matière de lutte contre ces fléaux, la BC-PME, indique la Cobac, a ouvert des comptes bancaires à des établissements tels que Micro Capitals Bank, Vantu Ban, Exim Credit Limited et Group of Compagnies an Bank sans que ceux-ci n’aient fourni la preuve de leur agrément et de leur assujettissement à une autorité de contrôle bancaire. « De même, ces comptes dits de correspondants fonctionnent comme des comptes de particuliers », note la Cobac.
Dans le même sens le dispositif de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme de la BC-PME sont desservis par l’absence d’outils de traitement automatisé relatifs à la surveillance des opérations en fonction du profil du client. Par conséquence la banque a permis un rapatriement de 12 000 euros (7,9 millions de FCFA) ordonné une société dénommé Suite Asset Management domiciliée en Suisse. Cette société, révèle la Cobac, exerce comme intermédiaire de service financiers, semble avoir un caractère frauduleux.
Des rumeurs sur le retrait de l’agrément du DG BC-PME ont fuité mi-août dernier. Dans une interview accordée à Défis actuels, elle avait rassuré sur la bonne tenue des activités de la structure qu’elle dirigeait, tout en niant toute sanction à son encontre.

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