Robert Kona est formel : « Le président national du Pcrn ne va jamais candidater à l’élection présidentielle. Jamais. Il ne sera jamais investi par le Pcrn ». Face à la presse pour la première fois ce 14 décembre 2023, le co-fondateur du Parti camerounais pour la reconcliation nationale (Pcrn) a craché son vénin contre Cabral Libi’i. « Cet homme, qui se drape dans la légitimité d’un poste comme un manteau trop grand pour lui, a usurpé sa place par des artifices et par la ruse, et maintenant, il brandit l’épée de la division pour garder son trône ébranlé », dénonce Robert Kona au cours d’un point de presse à Yaoundé. Le torchon brûle entre les deux hommes depuis quelques semaines. A peine quatre ans de mariage politique. L’homme qui en 2020 avait, de concert avec les autres membres de l’exécutif du parti, remis l’appareil de l’organisation à Cabral Libi’i, tient à reprendre le flambeau aujourd’hui.
Su les antennes de Radio France international (RFI), Robert Kona avait laissé entendre qu’il avait informé de hauts cadres du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc), parti au pouvoir, de sa démarche, qui vise à reprendre le contrôle du parti. Une allusion suspecte tant le Pcrn dirigé par Cabral Libi’i se voit dans le camp de l’opposition. Rejetant tous les soupçons le rapprochant du parti au pouvoir. Cela survient au moment où le Pcrn préparait un Congrès dans la ville de Kribi, du 15 au 17 décembre 2023. Le sous-préfet de Kribi 2ème a interdit la manifestation, au motif de « divisions internes» au parti, qui sont sources de « menaces de troubles à l’ordre public».
Rendez-vous à Kaélé
Cela survient dans un contexte de préparation de l présidentielle 2025. Les partis politiques s’organisent pour cette échéance qui devrait voir le Cameroun vivre une alternance à la tête de l’Etat. Robert Kona ne veut plus voir Cabral Libi’i à la tête du Pcrn, mais ne compte pas lui-même reprendre le bâton de commandement. « D’ici mars au plus tard à Kaélé, il se passera le choix de notre candidat à l’élection présidentielle prévue en 2025 », annonce le co-fondateur du parti créé le 14 février 2003. Avec à ses côtés plusieurs anonymes qui se présentent comme de simples militants, tous déterminés à l’accompagner dans sa mission.
Il est reproché aux « courageux» d’hier son « ingratitude» envers ses bienfaiteurs d’hier. « Ce camarade jusqu’à ce jour ne connaît pas la maison du père fondateur du parti», dénonce Garga Yagui, un des accompagnateurs de Robert Kona. Il se dit que Cabral Libi’i et les élus du parti devraient construire une villa à chacun des deux co-fondateurs du Pcrn. Clause que l’homme n’aurait pas respectée. Sur les antennes de Vision 4 TV, Rolande Ngo Issi, député du parti, indiquait dimanche dernier que « au Pcrn, nous savons comment entretenir les anciens». En guise de réponse à cette promesse non tenue à l’endroit des pères-fondateurs. « On veut arracher à ce papa le titre de père-fondateur. Cabral a qualifié le père-fondateur de simple militant», relève Garga Yagui. Alors Cabral « n’est plus la personne indiquée pour pouvoir mener à bien l’esprit qui anime le Pcrn qui est la réconciliation », a-t-il ajouté. Ainsi, « nous engagerons toutes les actions judiciaires nécessaires pour mettre fin à ce cirque (…), nous avancerons, avec la fermeté de la loi et la force de nos convictions, pour reprendre ce qui nous a été usurpé », a-t-il averti.
Brouille avec Nkou Mvondo
Cabral Libi’i n’en est pas à sa première déconvenue du genre. Pour la présidentielle 2018, l’ancien chroniqueur de Radio Equinoxe avait été investi par l’Univers de Nkou Mvondo. Après avoir mené une campagne autour du projet « Dix millions d’inscrits » qui a amené plusieurs jeunes à s’engager en politique, du moins à s’inscrire sur les listes électorales. Mais au sortir de l’élection, l’étudiant et son enseignant se sont brouillés. Pour le compte du double scrutin législatif/municipal 2020, l’ancien candidat arrivé en 3ème position à l’élection présidentielle avait rejoint le Pcrn en qualité de président, à un meeting de cadre du parti à Guidiguis dans l’Adamaoua. Après avoir échoué à se doter d’un parti propre. Près de quatre ans après, Cabral Libi’i se brouille aussi avec le Pcrn. Mais le jeune harrangueur de foules a pu donner de la visibilité au Pcrn. Avec cinq députés, 206 conseillers municipaux et 7 communes.
Les signaux montrent qu’il sera difficile à l’homme de poursuivre son bail à la tête du parti. Lui qui a pourtant pour secrétaire général le fils de l’un des deux co-fondateurs du parti : Boubakari Massardine, fils d’Albert Fleury Massardine. Le congrès de mars 2024 est un mauvais tournant pour celui qui n’a pas pu tenir un congrès à Kribi ; alors que le camp d’en face a pu tenir une conférence de presse à Yaoundé. De quoi convaincre Cabral Libi’i qu’une main noire manipule dans l’ombre pour déstabiliser celui qui a surpris en 2018 en se positionnant derrière Paul Biya et Maurice Kamto, et surtout devant Joshua Osih du Social democratic front (SDF). A Kaélé, l’on annonce la révision des textes fondateurs du parti. Mais surtout, le remplacement de Cabral Libi’i. Deux noms circulent : le Pr Eric Essono Tsimi et un certain Etondè Etondè. En attendant, Robert Kona annonce un exécutif provisoire pour gérer les affaires courantes.
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