La probité, l’expérience et le côté indépendant et autonome des magistrats qui composent cette institution ont fait pencher la balance.
Elle est indépendante par rapport au gouvernement et au Parlement et autonome par rapport à toute autre juridiction. Elle décide seule de la publication de ses avis, décisions et rapports. Elle est l’Institution Supérieure de Contrôle de chaque Etat.
Réaliser un audit de la gestion du «fonds spécial de solidarité nationale pour la lutte contre le coronavirus et ses répercussions économiques et sociales» ? Le gouvernement y a songé bien avant que la polémique sur d’éventuelles malversations ne prenne corps au sein de l’opinion. «Contrairement à ce qu’on peut penser, l’audit n’a pas été commandé parce qu’on a appris qu’il y aurait des malversations», dixit Louis Paul Motaze.
Lors de son passage devant les sénateurs le 18 juin dernier, le ministre des Finances a expliqué que l’idée d’effectuer un audit sur l’utilisation des fonds affectés à la gestion de la crise sanitaire a été précisée dans la lettre d’intention qu’il a lui-même envoyée au directeur général du FMI, dans le cadre des négociations en vue du prochain Programme Economique et Financier (PEF) avec l’institution de Bretton Woods. «Nousmêmes, nous avions déjà accepté le principe de l’audit. Et nous avons dit, un audit indépendant», a insisté le ministre des Finances.
Le gouvernement aurait alors pu confier cette tâche à l’un des organes de l’Exécutif à savoir le Contrôle Supérieur de l’Etat (Consupe). Mais, à entendre le Minfi, la synthèse du rapport de cette Institution de contrôle des finances publiques, n’aurait pas convaincu les partenaires du Cameroun au développement. «C’est la raison pour laquelle dit-il, nous avons choisi la Chambre des comptes de la Cour suprême. C’est-àdire les magistrats». L’indépendance de la Chambre des comptes a justement été le facteur déterminant pour le gouvernement. «Pour nous, il n’y a pas plus indépendants que les magistrats», tranche Louis Paul Motaze .
Créée en 1996 à la faveur de la révision de la Constitution du 2 juin 1972, puis mise en place en 2003, la Chambre des comptes de la Cour suprême jouit en effet d’une très bonne réputation au Cameroun, apprendon. Ses différents rapports annuels sur les comptes de l’Etat ne font jamais (ou très rarement) l’objet de contestation. De quoi renforcer son rôle d’assistant de l’Exécutif et du Législatif. Un rôle qui cadre bien avec les directives Cemac élaborées en 2011 et qui précisent désormais le statut de la juridiction financière au sein de la Communauté économique et monétaire. Ainsi donc, l’article 72 de la Directive relative aux lois des Finances par exemple dispose que le contrôle juridictionnel des opérations budgétaires et comptables des administrations publiques est assuré par une Cour des Comptes qui doit être créée dans chaque Etat membre. «Cette Cour des Comptes est une juridiction, et ses membres ont le statut de magistrat. Elle est indépendante par rapport au gouvernement et au Parlement et autonome par rapport à toute autre juridiction. Elle décide seule de la publication de ses avis, décisions et rapports. Elle est l’Institution Supérieure de Contrôle de chaque Etat ». En clair, cette juridiction ne doit pas être inféodée dans une autre juridiction. Elle est chargée : du contrôle et jugement des comptes de gestion des comptables de l’Etat, des Collectivités Territoriales Décentralisées et des établissements publics administratifs ; de l’élaboration des rapports d’observations sur les comptes des entreprises du secteur public et parapublic ; du conseil et assistance aux pouvoirs publics notamment par l’avis sur la loi de règlement avec déjà un embryon de l’évaluation des administrations, les fora et les rencontres permanentes avec l’Assemblée nationale, le Sénat et le ministère des Finances ; la certification des comptes de l’Etat etc. Ses attributions ont été élargies à la faveur de la réforme du régime financier de l’Etat il y a trois ans. Examen de gestion portant sur la performance et sur la régularité de la gestion des organismes publics, jugement des fautes de gestion des ordonnateurs et des contrôleurs financiers, évaluation des politiques publiques…