Les principaux enseignements du budget 2024

Par Henri KOUAM, Directeur Exécutif CEPI

Introduction

Le budget pour l’année 2024 est estimé à 6.679,5 milliards. Les recettes sont passées de 84,431 milliards à 60,600 milliards. Les dépenses courantes devraient passer de 5 283 249 999 à 5 027 430 000. Certains aspects récurrents du budget doivent être salués en fanfare. Les jeunes entreprises seront exonérées d’impôts pendant un total de trois ans et le budget maintient des subventions généreuses et des programmes spécifiques sous l’égide du ministère des petites et moyennes entreprises ainsi que du ministère du commerce afin de s’assurer que le Cameroun se tourne vers l’exportation. Cependant, les droits à l’exportation pour certains produits sont augmentés et les consommateurs continueront à ressentir les effets de l’inflation car les taxes sur la valeur ajoutée sur le riz, les pâtes et d’autres produits ménagers essentiels ont été maintenues. Parallèlement, le prix des importations de céréales et de produits à base d’avoine a été réduit pour soutenir les familles de la classe moyenne. D’aucuns pourraient juger cette mesure réductrice, mais il est important de soutenir les magasins et les supermarchés bien établis du point de vue de la consommation intérieure.

Action pour le climat et sensibilisation à l’environnement

Dans l’article 9, les droits d’exportation pour le bois non transformé sont de 75 % et de 65 % pour le bois des pays CFA. L’annexe du chapitre 3 présente plusieurs amendes pour les individus qui abusent de l’environnement, allant de 500 000 pour empêcher les contrôles à 30 millions pour les projets exécutés après un avertissement. Le fonds spécial pour les projets environnementaux est plafonné à 900 millions, tandis que le fonds pour le développement forestier est fixé à 3 milliards. Le fonds pour l’environnement et le développement durable est plafonné à 1,5 milliard (articles 39 à 43).

Changement climatique, biodiversité et développement durable

Le ministère de l’Environnement, de la protection de la nature et du développement durable s’est vu allouer un total de 8,6 milliards. Après la COP 28 et alors que le Cameroun risque de ne pas atteindre ses contributions déterminées au niveau national (CDN) dans le cadre de l’Accord de Paris sur le climat, il est impératif d’adopter une approche plus proactive du changement climatique (tableau 1). Le gouvernement semble adopter une approche plus globale du changement climatique, mais il manque encore des orientations sur la manière dont les ministères doivent rendre compte et mettre en œuvre les considérations relatives au changement climatique dans leur gestion. Les émissions par habitant du Cameroun ont augmenté lentement au cours de la dernière décennie, mais le pays est néanmoins très exposé aux inondations, aux glissements de terrain, aux sécheresses et à la désertification. Des dispositions spéciales relatives à la pollution et à l’obstruction ont été définies, illustrant le rôle plus global de la politique dans la lutte contre le changement climatique et la protection de l’environnement.

Compétitivité à l’exportation et Made in Cameroon

Le budget 2024 a prévu 498,5 millions pour améliorer la compétitivité des produits Made in Cameroon, spécifiquement pour les produits identifiés par le ministère du Commerce comme des produits d’exportation importants. La gouvernance institutionnelle au ministère du Commerce a été dotée de 3,9 milliards. Cependant, 790 millions sont alloués pour s’assurer que les prix ne sont pas manipulés illégalement par les acteurs du marché.

Le budget total du ministère du commerce est estimé à 9 milliards

Le développement des exportations et la régulation du marché intérieur ainsi que la gouvernance sont essentiels à un système commercial efficace. 498 millions d’euros et 3 milliards d’euros sont alloués au soutien du système commercial camerounais (tableau 2). Le Cameroun est en proie à un grand nombre de vendeurs informels, de sorte qu’un effort accru doit être fait pour surveiller les prix dans les supermarchés et les magasins. Les petites et moyennes entreprises sont le principal levier de la croissance économique au Cameroun. Au Cameroun, les petites et moyennes entreprises (PME) représentent 99,8 % du tissu économique, contribuent à 36 % du PIB, à 30 % des impôts locaux (Isoh et al., 2020) et ont généré 15 601 emplois pour la seule année 2022.

Parmi les entreprises présentes sur le territoire national, 349 722 sont des PME et représentent 99,8 % du total

Plus de la moitié des PME camerounaises sont situées à Douala et Yaoundé, ce qui montre l’importance de ces entreprises pour ces grandes villes. En 2022, plus de 15 601 emplois ont été créés, illustrant l’importance économique du secteur. Néanmoins, elles continuent à faire face à des défis tels que l’accès minimal au crédit, le renforcement des capacités et de la compétitivité, et la faiblesse des systèmes de suivi. Le budget devrait faire une distinction entre les politiques qui ciblent les zones urbaines et rurales afin de garantir une approche plus équilibrée du développement des PME sur l’ensemble du territoire national (tableau 3). En 2024, comme les autres années, Yaoundé et Douala seront les principaux bénéficiaires de ces fonds.

Le budget est très vague quant à la manière dont il entend promouvoir l’esprit d’entreprise. Bien qu’il ait alloué 2 milliards au soutien des entrepreneurs et 3,2 milliards à la transformation des produits, le ministère devrait se concentrer sur la certification des entreprises et s’assurer qu’elles adhèrent aux normes internationales. L’agriculture contribue de manière importante à la croissance économique et l’agro-transformation n’en est qu’à ses débuts. Le secteur agricole bénéficiera de l’accent mis sur la stimulation de la productivité, mais plutôt que de chercher à gérer les systèmes agricoles actuels, les décideurs politiques doivent s’assurer que des données adéquates sont collectées et diffusées dans les ministères et agences concernés afin d’aider à la prise de décision.

Conclusion

Le budget 2024 peut être applaudi pour l’effort qu’il fait en faveur de l’environnement et de la réduction de la pollution. Le budget, comme d’autres, a maintenu un engagement en faveur des PME, en stimulant le commerce et la compétitivité et en apportant un soutien au secteur agricole. Le budget du ministère du commerce et des PME a augmenté, tandis que celui du ministère de l’agriculture a diminué. Il est important que les futurs budgets fixent des objectifs quantitatifs afin que les ministères puissent voir leur budget augmenter ou diminuer en fonction des résultats, tandis que les ministres seront incités à innover pour devenir plus productifs.

Le budget devrait mettre davantage l’accent sur le libre-échange. Le budget a imposé des restrictions sur les importations et les droits ont augmenté pour certaines catégories telles que le riz et le poisson afin de soutenir la production nationale. Toutefois, l’augmentation de la production nationale dépend de la fixation d’objectifs quantitatifs et de l’assurance que les subventions sont accompagnées de demandes adressées aux entreprises pour qu’elles atteignent des quotas spécifiques.  Cependant, les céréales et les produits laitiers sont encore trop peu nombreux dans les pays en développement.

Le gouvernement devra améliorer la gouvernance d’un seul coup. Par exemple, il n’existe pas de plateforme commune pour tous les employés du secteur public dans tous les ministères. Il est donc impossible de suivre les activités quotidiennes des administrateurs civils. Le gouvernement devrait commencer par fournir aux employés du secteur public des courriels officiels et des rapports d’avancement réguliers devraient être mis à la disposition de la société civile afin de développer une culture de contrôle et d’équilibre.

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