Hermann Mouangi, urbaniste : « L’Etat doit prendre des mesures pour empêcher les populations de se mettre en danger »

Géographe aménageur, il analyse les circonstances qui ont conduit à un éboulement de terrain à Mbankolo et propose que pistes de solutions pour éviter prochainement pareil sinistre.


Après Damas, il y a environ un an, un éboulement de terrain, cette fois ci causé par la cession de la digue d’un lac, fait une trentaine de morts au quartier Mbankolo à Yaoundé, dans la soirée du 8 octobre, selon un bilan provisoire dressé dans la matinée du 9 octobre par le gouvernement. Quelle appréciation l’urbaniste que vous êtes fait-il au sujet de ce sinistre ?
Nous nous inclinons d’abord devant la mémoire des victimes et souhaitons nos condoléances les plus sincères aux familles attristées. Revenant à votre question, nous pensons que ; certes les catastrophes peuvent arriver, mais on aurait pu anticiper sur celle-ci déjà en prenant en compte les prévisions météorologiques, mais aussi en prenant des dispositions de renforcement et de sécurisation de la digue qui a lâché. Nous n’avons certes pas l’information exacte mais on peut avoir quelques interrogations sur les mesures d’entretien de cette digue. Était-elle fissurée ? montrait-elle déjà des signes de détérioration ? autant de question que nous pouvons vous posez.
Selon le constat fait sur le terrain par notre reporter, le sinistre s’est produit dans une zone accidentée, déclarée dangereuse. Doit-on construire sur des zones pareilles ? Si oui dans quelles conditions ?
Je vais vous surprendre ici en vous répondant oui on peut construire sur des zones pareilles on a plusieurs exemples dans des pays comme le Brésil ou encore l’Italie et même la France ; ceci à condition de respecter un cahier de charge précis pour la construction de logement sur le flanc des montagnes malheureusement dans notre contexte c’est généralement les plus démunis qui occupent ces parcelles, alors cela devrait être le contraire.
Yaoundé, encore appelé ville aux sept collines, présente des quartiers à la physionomie semblable, on évoquait encore le cas de Damas. Quelles sont les précautions nécessaires préalables que doivent prendre les populations avant de bâtir dans les endroits dangereux ?
Déjà comme précaution préalable l’obtention d’un certificat d’urbanisme avant toute implantation sur une parcelle est primordiale. Rappelons que la ville de Yaoundé à un Plan Directeur d’Urbanisme et des Plans d’Occupations des Sols nouvellement élaborés. Le certificat d’urbanisme vous donne les règles ou la règlementation urbanistique sur la parcelle que vous voulez occuper. Malheureusement, malgré les certificats d’urbanisme qui indiquent clairement les zones à risque ou interdites de construction, les populations usent très souvent de la corruption pour s’implanter à leur risque et péril. Autre précaution, c’est l’accompagnement des professionnels, urbaniste, architecte, ingénieur pour tout type d’implantation sur une parcelle.
Quelle est la responsabilité de l’Etat dans ce type de catastrophe ?
La responsabilité de l’Etat ici c’est garantir la sécurité des personnes et des biens, il doit mettre tout en œuvre pour protéger la vie des camerounais. D’où l’urgence d’une véritable décentralisation. Nos CTD ont-elles les capacités financière, matériel, humaine (ressource humaine bien formée) pour contrôler l’occupation anarchique ? J’en doute. Il ne suffit pas seulement à dire zone à risque, ne pas construire. Il faut prendre des mesures opérationnelles de sécurisation dans ces zones afin d’empêcher efficacement les populations de se mettre en danger.
L’Etat insiste sur la sensibilisation des populations afin qu’éviter qu’elles construisent sur des sites dangereux. Ne faut-il pas aller au-delà de cette sensibilisation ?
L’Etat a raison d’insister sur la sensibilisation ; nous pensons même qu’il faille accélérer la sensibilisation. Je vais vous amuser interroger un jour les gens dans la rue en leur demandant s’ils connaissent le métier d’urbaniste ? Savez-vous que pour construire en ville, il vous faut une autorisation ? vous serrez très surpris de leurs réponses.
Comment doit-on construire/concevoir le plan d’urbanisation d’une ville à hauteur comme Yaoundé étant donné qu’on ne peut pas toujours prévoir les caprices de la nature qui évoluent avec les dérèglements climatiques ….
Revenir juste à la norme et donner les moyens aux professionnels des métiers de la ville de travailler. Chez nous c’est un médecin, un historien qui construit la ville les enseignants construisent les maisons. On est dans un pays où la plupart des gens ne sont pas à leur place d’où le résultat que nous voyons avec des catastrophes qu’on aurait pu éviter
Pensez-vous que l’Etat, la communauté urbaine, les communes d’arrondissement, jouent vraiment leur rôle en matière urbanisation au Cameroun ?
La réponse à cette question est beaucoup plus compliquée que ça. Je répondrais à la camerounaise par une question aussi. Est-ce que les CTD ont les moyens matériels humains et financière urbanistique pour vraiment jouer leur rôle en matière d’urbanisation au Cameroun ? A cette question et avec ma modeste expérience je dirais non.

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