Consommation: Controverse autour des politiques de lutte contre la vie chère

A l’opposé des actions du ministre du Commerce visant à infléchir la courbe de l’inflation, l’économiste Louis-Marie Kakdeu propose trois mesures dont la lutte contre les pertes post-récoltes.



Ce n’est pas un poisson d’avril. Le ministre du Commerce, Luc Magloire Mbarga Atangana, a annoncé le 1er avril 2024 la baisse du prix de l’huile raffinée conditionnée en bidons de 20 et 25 litres. Selon le membre du gouvernement, les quantités susmentionnées de ce produit de grande consommation passent respectivement de 22 000 et 27 500 FCFA, soit à 1 100 FCFA le litre au lieu de 1 600 FCFA tel qu’il était vendu avant la mesure du 1er avril. L’opérationnalisation de cette mesure, précise le Mincommerce, s’effectue dans le cadre de « La foire aux huiles raffinées en bidon » qui se tient dans les villes de Yaoundé et Douala sur certains points précis dont le Boulevard du 20 mai, entre autres, pour ce qui est de Yaoundé et l’Esplanade de la délégation régionale du Commerce de Littoral, entre autres, s’agissant de Douala.
La décision du Mincommerce comme bien d’autres prises précédemment [vente promotionnelle des denrées alimentaires au profit des étudiants et ventes promotionnelles des produits de première nécessité sur trois sites à Yaoundé à savoir le Boulevard du 20 mai, le Carrefour MEEC et l’Esplanade de l’ancienne sous-préfecture de Kondengui] s’inscrit dans le prolongement d’une campagne contre la vie chère, à en croire le Mincommerce.
Sauf que, d’après Louis-Marie Kakdeu, ces mesures du gouvernement sont loin de résoudre le problème de l’inflation généralisée qui, selon l’Institut national de statistique, se situait à 7,2% fin janvier 2024. Ainsi, le deuxième vice-président national du Social Democratic Front, suggère-t-il trois choses pour inverser la courbe sans cesse croissante de la vie chère.
43% de pertes post-récoltes
D’abord, indique-t-il, « lutter contre les pertes post-récoltes ». Selon lui, « l’on enregistre officiellement 43% de pertes post-récoltes au Cameroun depuis bientôt une décennie. Cela signifie que près de la moitié de la production agricole du pays pourrit bord champ ». L’action de ramener toute cette production sur le marché garantirait l’augmentation automatique de l’offre et donc, la baisse généralisée des prix, souligne-t-il.
Ensuite, l’économiste suggère de subventionner l’agriculture plutôt sous forme de prime à la production. « Le ministère en charge de l’agriculture dispose depuis quelques années d’environ 119 milliards de FCFA de budget annuel sans compter une enveloppe plus importante qui arrive sous forme de projets. Le pays dispose des projets dont l’enveloppe avoisine ou dépasse les 50 ou 65 milliards de FCFA et qui finissent sans impact. Par exemple, le projet PACA avait pour vocation de produire le riz. Ce projet a été clôturé en 2015 et l’argent a été dilapidé. Il est impossible en 2024 de montrer un seul bénéficiaire qui continue la production. 40 milliards en fumée. Je ne parle pas projet PIDMA (50 milliards) ou encore d’Agropole (usine à gaz encore en cours) », déplore Louis-Marie Kakdeu.
Le Cameroun dispose d’après le recensement de 2005 (20 ans en arrière) de 3 millions d’exploitations familiales. Ce sont ces exploitations familiales qui ravitaillent des ménages de nos jours, souligne l’économiste. Si vous voulez avoir un impact immédiat sur la consommation des ménages, alors vous ciblez plutôt ces exploitations familiales. Vous leur apportez une subvention. Ces exploitations produisent en moyenne un demi-hectare chacune. Si vous les subventionnez pour qu’elles doublent simplement leurs productions (et passent à un hectare chacune), alors vous doublez l’offre sur le marché et agissez durablement sur la baisse des prix, propose-t-il.
Mirap
Enfin, indique-t-il, la promotion des semences améliorées. Comment pouvons-nous comprendre que le taux d’utilisation des semences améliorées au Cameroun soit de 3% alors que ce matériel végétal et animal est bel et bien disponible à l’IRAD ? Comment la SEMRY peut-elle continuer de produire un riz en décalage avec la demande du marché alors que l’IRAD a déjà développé 26 variétés de riz directement utilisables ? Pour que l’on se comprenne bien, le Cameroun dispose par exemple de plus de 300 variétés traditionnelles de manioc. Le problème est qu’il faut attendre entre 18 et 24 mois pour que ces variétés produisent au plus 5 tonnes à l’hectare.
Indiquons que des économistes ont généralement, entre autres, proposé le désenclavement de grands bassins de production pour lutter contre la vie chère. L’Etat dans sa politique privilégie plutôt des ventes promotionnelles. Outre les campagnes du Mincommerce, la Mission de régulation des approvisionnements des produits de grande consommation qui ne fait plus trop parler d’elle, se déployait aussi dans ce sens.

- Publicité -

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.