Prisonnier de luxe: le mystère des évacuations sanitaires

Pourtant sollicité par plusieurs prisonniers de l’opération épervier, seuls quelques privilégiés bénéficient d’un bon de sortie
Il faut peut-être être élu parmi les prisonniers de luxe pour bénéficier de l’évacuation sanitaire. Le 22 octobre dernier, l’ancien Premier ministre (2004-2009), Ephraïm Inoni aurait été évacué en France pour subir des soins intensifs. Quelques semaines avant cette évacuation, un des membres de sa famille avait affirmé que l’ancien Premier ministre était dans un état d’agonie. Information confirmée par David Eboutou ancien pensionnaire de la prison centrale de Kondengui qui affirme l’avoir vu dans un état de santé critique. Ephraim Inoni est ainsi le deuxième prisonnier de luxe à bénéficier de l’évacuation sanitaire depuis début 2019. Au mois d’aout dernier, c’est l’ancien administrateur directeur général de la Cameroon Airlines, Yves Michel Fotso qui avait été amené vers le Maroc. Si ces évacuations sanitaires qui relèvent d’une sorte de grâce présidentielle répondent aux demandes des avocats et des organisations des droits de l’Homme, elles entretiennent néanmoins un cafouillage sur les critères qui font que tel prisonnier bénéficie de l’évacuation et que tel autre soit recalé. Plusieurs prisonniers de l’opération épervier sollicitent depuis des années une évacuation sanitaire. Jusqu’ici, ils n’ont reçu qu’une fin de non-recevoir. C’est le cas de Polycarpe Abah Abah, Marafa Hamidou Yaya, Urbain Olanguena Awono, ou encore Amadou Vamoulké. Des sources proches de la famille de l’ancien ministre des Finances, informent que Polycarpe Abah Abah est hospitalisé depuis plus de deux mois à l’hôpital de la Caisse de Yaoundé, ces multiples demandes d’évacuation sanitaire sont restées lettre morte auprès des autorités camerounaises. A côté de lui, l’ancien directeur général de la Crtv, Amadou Vamoulké, « meurt à petit feu, derrière les barreaux », dénonce Reporters Sans Frontières, qui recommande que l’ancien manager de la télévision nationale soit évacué « dans un centre spécialisé ». L’ONG de défense des journalistes appuie sa requête sur deux expertises médicales qui confirment qu’Amadou Vamoulké présente “un tableau déficitaire des deux membres, sévère et évolutif” qui nécessite des examens et des traitements « qui semblent difficiles à réunir sur place ». Elle recommande une « hospitalisation en France ».
              Evacuation à la demande du patient sous l’encadrement du médecin
« C’est le patient qui doit initier la demande d’évacuation sanitaire sous l’encadrement ou l’appui technique de son médecin », explique un médecin en service à l’hôpital central de Yaoundé. Simon Pierre Etemé avocat au barreau du Cameroun soutient que l’évacuation sanitaire se fait au cas où le patient est en danger. Et quand le plateau technique est insuffisant ou alors quand l’expertise locale en ressources humaines ne peut traiter son cas. Il ajoute que le dossier médical présenté en vue de l’évacuation sanitaire doit être validé par le Conseil national de la santé. Mais le juriste précise que « l’évacuation sanitaire doit tenir compte des critères objectifs et non subjectifs ». Or plusieurs dossiers répondant aux critères d’évacuation et validés par les experts ont été rejetés. Un fonctionnaire contacté au ministère de la justice avoue ignorer les critères dont se sert l’administration pour évacuer certains et refuser l’évacuation à d’autres. Il soupçonne que la hiérarchie est guidée la même logique qui conduit aux arrestations. « Si on vous demande ce qui justifie que plusieurs personnes sont accusées de détournement, certains sont arrêtés et d’autres restent en liberté, comment allez-vous répondre », questionne-t-il.
                          Le prix à payer
L’avocat Simon Pierre Eteme, explique que le refus de certaines évacuations peut s’expliquer à cause de la cherté de l’opération. Et ce sont les pouvoirs publics qui la prennent en charge, dit-il. Selon lui, quand le cas est grave, il faut prévoir un avion médicalisé et le cout de l’opération peut s’élever entre 45 et 50 millions de francs CFA pour la France. Dans le cas où il n’y a pas d’avion médicalisé, le malade doit occuper les six sièges arrière de l’avion quand son cas est grave, celle-là peut couter environ 15 millions de francs CFA. Pour les cas moins grave, l’opération peut prendre 5 à 6 millions de francs CFA. A ces frais, il faut en outre prévoir une somme d’environ 40 millions à verser au consulat en guise de caution. Il faut noter qu’une journée d’hospitalisation en France est évaluée à environ 1 millions de francs CFA. Toute chose qui selon lui, expliquerait que tout le monde ne soit pas évacué.

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