Dans un communiqué rendu publique ces derniers jours, Boukar Abdourahim, directeur du cabinet de Cavaye Yeguie Djibril, président de l’Assemblée nationale (PAN), annonce le lancement le 10 mai prochain à Maroua, du mouvement « 100 000 jeunes unis derrière le président Paul Biya en 2025 ». Le coordonnateur de ce mouvement entend ainsi lancer « une mobilisation de soutien indéfectible à la candidature et à la victoire de Son excellence Paul Biya »à la prochaine élection présidentielle prévue en octobre prochain. « Eu égard à la dimension politique, cette grande manifestation connaîtra la participation de plus de 100 000 jeunes issus des 47 arrondissements que compte la région de l’Extrême-Nord, la présence de tous est vivement attendue», souhaite-t-il.
Mais l’appel ne passe pas vraiment. Un communiqué portant la signature de Jacques Fame Ndongo, secrétaire à la communication du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc), s’y oppose. Dans le communiqué, feignant d’ignorer l’organisateur, « un certain Elhadj Boukar Abdourahim », il est indiqué que « le Rdpc porte à la connaissance de l’opinion que cette initiative n’a, en aucun cas, été approuvée, ni par les organes compétents du parti au niveau régional, ni par les hautes instances du Comité central». Et d’ajouter que « Le Rdpc rappelle avec toute la clarté, que toute entreprise de mobilisation politique menée en son nom doit rigoureusement respecter les canaux institutionnels établis et faire l’objet d’une validation préalable par les cadres compétents du parti ». Alors « il est formellement demandé à M. Elhadj Boukar Abdourahim de surseoir immédiatement à ladite initiative qui ne relève nullement de sa compétence», embraie-t-il.
Sur ses plateformes numériques et celles de ses proches, Jacques Fame Ndongo dément avoir signé un tel document. De quoi en rajouter une couche de brouillard sur cet événement initié par un homme qui ne détient aucun poste officiel au sein de l’appareil du parti au pouvoir. Et la personne de Boukar Abdouram est très controversée au sein même du Rdpc. Le protégé de Cavaye Yeguie Djibril est un homme clé dans le cercle proche du président de l’Assemblée nationale (PAN). Cela survient au moment où le parti vit des toussotements en interne,en prélude à la prochaine élection présidentielle.
Quoi qu’il en soit, cette interdiction de manifestation interne, si elle n’est pas authentique, pourrait trahir s’il en était encore besoin, des luttes internes, au moment où la question de la tenue d’un congrès divise. Officiellement tous ont les regards rivés vers Paul Biya qui reste muet mais a déjà nommé des membres au Comité central comme le prévoient les textes du parti, en complément de ceux élus au congrès. La vraie fausse interdiction de manifestation sonne ainsi comme un coup dans la guerre de positionnement que se livrent les créatures de Paul Biya. Un parti qui multiplie les initiatives depuis des années, pour maintenir allumée la flame d’un parti de plus en plus contesté, y compris dans ses propres fiefs, comme dans la région de l’Extrême-Nord en proie à une guerre de redistribution des cartes. Avec non seulement un maillage territorial du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC) de Maurice Kamto dont le premier vice-président, Mamadou Mota, monte en popularité depuis la dernière présidentielle, mais aussi, des alliés politiques tels le Front de salut national du Cameroun (Fsnc) d’Issa Tchiroma Bakari.
Un homme puissant désormais craint en interne
Boukar Abdourahim n’est autre que le directeur du cabinet de Cavaye Yeguie Djibril, président de l’Assemblée nationale. C’est un homme sulfureux devenu incontournable auprès de la 3ème personnalité du pays. Appartenant au clan familial du PAN comme, Boukar Abdourahim a été au centre d’une crise en novembre 2023. Le tout puissant directeur du cabinet de Cavaye Yeguie Djibril avait été limogé par un arrêté de son patron, le 8 novembre de cette année-là, en même temps que Djibrilla Maliki, le secrétaire particulier. Tsunami au Palais des verres de Ngoa-Ekelle. L’homme qui trône à la tête du cabinet du PAN depuis huit ans, conteste son limogeage et organise la résistance, convaincu qu’il s’agit de « faux documents ». Parlant avec autorité, tant, il est de notoriété publique que Boukar Abdourahim veille sur tout document qui passe par le cabinet de son patron. Retranché dans son bureau, l’homme refuse de libérer les lieux, autant que Djibrilla Maliki. Ils auront gain de cause car l’arrêté lu sur les antennes du poste national de la Crtv, la radio publique nationale ne prendra jamais effet. Jusqu’à nos jours.
Diplômé de l’Ecole nationale d’administration et de magistrature (Enam) et de l’Ecole nationale d’Administration de Paris, Boukar Abdourahim est un allié de longue date de Cavaye Yeguie Djibril qui l’a appelé à ses côtés dès son élection au perchoir en 1992. Secrétaire particulier pendant quatre ans, l’homme sera promu chargé d’études, et plus tard l’homme sera fait conseiller spécial, hit années durant. Le directeur du cabinet de Cavaye Yeguie Djibril est un homme qui a su bâtir sa force dans son obstination à défendre son mentor, bec et ongle, quel qu’en soit le prix. N’hésitant pas à encaisser les coups destinés à celui-ci. C’est donc ce personnage devenu incontournable auprès du patron politique du Mayo-Sava, et même de la région de l’Extrême-Nord, qui est au centre de ce mouvement que semble redouter le sommet du parti. Dans la région de l’Extrême-Nord, Boukar Abdourahim commenc à prendre du volume, et se positionne comme un des hommes qui pourraient jouer dans le leadership du parti au pouvoir dans les prochaines années. On le voit gagner en popularité, notamment à travers le championnat de vacances qu’il organise annuellement à Tokombéré, dans le département du Mayo-Sava.