Dans le cadre de la lutte contre le Covid-19,
le Gouvernement a, pour la troisième fois, pris une série de mesures le 30
avril 2020. Ces nouvelles mesures, dix-neuf (19) au total, étaient très
attendues par les syndicats et les organisations patronales, dont certaines
n’ont pas hésité à tenter des manipulations et intimidations des pouvoirs
publics. Ces derniers ont su garder la tête froide et partir de la réalité
économique, qui se fonde en grande partie sur le secteur informel. Les mesures
prises revêtent un caractère tant socio-économique que fiscal.
MESURES
A CARACTERE SOCIO-ECONOMIQUE
Certaines de ces mesures visent à relancer
l’économie, tandis que d’autres visent l’amélioration du pouvoir d’achat de
certains citoyens.
Les
mesures visant la relance de l’économie
Ce groupe de mesures emporte l’ouverture
au-delà de 18 heures, des débits de boissons, des restaurants et des lieux de
loisirs, avec obligation pour les clients et usagers de respecter les mesures
barrières, notamment le port du masque de protection et la distanciation
sociale ; la levée de la mesure réduisant le nombre règlementaire de
passagers dans tous les transports en commun par bus et taxis, le port du
masque restant obligatoire et la surcharge interdite ; l’allocation d’une
enveloppe spéciale de 25 milliards de francs CFA, pour l’apurement des stocks
de crédits de TVA en attente de remboursement ; la mise en place d’un
cadre de concertation Minfi-Minepat, avec les principaux acteurs économiques,
afin d’atténuer les effets de la crise et de favoriser une reprise rapide de
l’activité.
De tout cet ensemble, l’ouverture des
lieux de plaisance au-delà de 18 heures est celle qui fera le plus d’effets,
tant positifs que négatifs. Parmi les effets positifs, il y a notamment la
relance de tout le secteur informel dont le pic de l’activité se situe après 18
heures. Ici les pouvoirs publics devraient veiller au respect des horaires
dévolus à chaque catégorie de licence d’exploitation (20 heures, 22 heures,
minuit ou 03 heures du matin selon le cas…). Parmi les effets négatifs, il y a
le risque d’une plus grande contamination suite au non-respect des mesures
barrières. Mais comme on le dit de plus en plus couramment, « si on ne
meurt pas de Covid-19, on mourra de faim », sachant que du point de vue
des pouvoirs publics, les conséquences sociales d’une « mort par la
faim » sont de loin plus complexes que celles d’une « mort par le
COVID-19 ».
Les
mesures tendant à améliorer le pouvoir d’achat
Il s’agit notamment de l’augmentation de
61 % des allocations familiales, qui passent de 2 800 de francs CFA à
4 500 francs CFA, et de l’augmentation de 20 % du niveau des anciennes
pensions n’ayant pas bénéficié de la revalorisation générale survenue en 2016.
Pour ce cas des pensions, il faudra
simplement respecter la règle du recensement annuel pour en bénéficier.
S’agissant du premier cas, les allocations
ne sont payées à l’employé que si l’employeur est en règle avec la Cnps. Mais
exceptionnellement, ces allocations familiales (revues) seront payées aux
employés jusqu’en juillet 2020, pour les entreprises ne pouvant s’acquitter des
cotisations sociales ou ayant mis leurs personnels en congé technique en raison
de la baisse conjoncturelle d’activités, notamment dans la restauration,
l’hôtellerie, les transports. Mais pour y parvenir, les entreprises concernées qui
sollicitent le bénéfice de cette disposition pour leurs salariés devront au
préalable demander à la Cnps, justificatifs à l’appui, l’étalement sur trois
mois du paiement de la dette des cotisations sociales et l’annulation des pénalités
de retard de paiement y afférents. A partir du mois d’août 2020, les employeurs
devront être en règle vis-à-vis de la Cnps, pour permettre à leurs employés de
bénéficier des allocations familiales.
Il sera nécessaire de revoir le budget de
la Cnps pour l’exercice 2020. D’une part le Budget général évolue en termes de
décaissements, du fait des deux relèvements ci-dessus, qui n’étaient sans doute
pas pris en compte lors de l’élaboration du budget initial. D’autre part, le
budget des recettes connaitra un glissement des échéances dans le temps, du
fait des étalements, et peut-être une diminution du fait de la prolongation des
congés techniques.
Mais sur un plan macro-économique, le
relèvement des allocations familiales et des pensions devrait avoir un effet
positif sur le pouvoir d’achat de leurs bénéficiaires, à même de se retrouver dans
la consommation des ménages. Il s’en dégagerait alors de légers effets positifs
sur les recettes fiscales.
MESURES
A CARACTERE FISCAL
Elles touchent autant la fiscalité de
porte, la fiscalité interne de droit commun que la fiscalité locale.
Les
mesures touchant la fiscalité de porte
La mesure phare est la
suspension temporaire pour trois mois, du paiement des frais de stationnement
et de surestaries dans les ports de Douala et de Kribi pour les produits de
première nécessité. Les biens de première nécessité sont
énumérés à l’annexe 1 du Titre 2 du Code Général des Impôts. Il faudra
néanmoins tenir compte de l’encadrement revu pour l’importation de certains de
ces biens.
Cette mesure vient s’ajouter à une
précédente, prise le 26 mars 2020 en interne, portant suspension de la
perception des intérêts de retard au paiement des droits et taxes de douane.
Les frais de stationnement, de surestaries
et les intérêts de retard ne rentrant pas directement dans la détermination des
recettes prévisionnelles de la Direction Générale des Douanes, ils ne devraient
pas avoir un impact particulier sur son budget. Ces frais constituent des
recettes exceptionnelles. Par contre, les frais de stationnement et de
surestaries, une fois constatés, génèrent des recettes
en fiscalité interne de droit commun.
Les
mesures touchant la fiscalité interne
Ce sont toutes les mesures qui impactent
les recettes gérées au niveau de la Direction Générale des impôts. Certaines entraînent un manque à gagner direct :
déductibilité totale pour la détermination de l’impôt sur les sociétés des dons
et libéralités consentis par les entreprises pour la lutte contre la pandémie
du Covid-19 ; l’exonération de la taxe à l’essieu du 2ème
trimestre, et éventuellement des 3ème et 4ème
trimestre ; l’exonération de la taxe de séjour dans le secteur de
l’hôtellerie et de la restauration pour le reste de l’année 2020, à compter du
mois de mars 2020, dont une fraction revient à l’Etat ; Ces mesures
devraient faire l’objet d’une ordonnance du Président de la République, à
défaut de toute loi, en application de la Constitution et du Régime Financier
de l’Etat.
Une deuxième catégorie de ces mesures
entraine plutôt un glissement des échéances d’encaissement dans le temps, du
fait des reports de délais (dépôt des DSF), de l’octroi des moratoires (et
différés de paiement aux entreprises directement affectés par la crise) et de
la suspension temporaire des vérifications générales de comptabilité.
Les
mesures touchant la fiscalité locale
Il s’agit des mesures qui
auront un impact en termes de manque à gagner sur les recettes des
Collectivités Territoriales Décentralisées (CTD). Elles emportent l’exonération
au titre du 2ème trimestre, de l’impôt libératoire et des taxes
communales (droit de place sur les marchés, etc) au profit des « bayam sellam » ; l’exonération
de l’impôt libératoire et de la taxe de stationnement pour les taxis et motos
taxis du 2ème trimestre, et éventuellement des 3ème et 4ème
trimestre ; l’exonération de la Taxe de séjour dans le secteur de
l’hôtellerie et de la restauration pour le reste de l’année 2020, dont une
partie revenait aux CTD. Comme en fiscalité interne
ci-dessus, ces mesures devraient faire l’objet d’une ordonnance du Président de
la République, à défaut de toute loi, en application de la Constitution et du
Régime Financier de l’Etat.
Certaines autres de ces mesures
entraineront simplement un glissement des échéances d’encaissement dans le
temps, du fait des reports de délais (paiement de la Taxe foncière). Aucune
disposition législative n’est nécessaire pour leur mise en œuvre.
Sur le plan macro-économique, ces mesures
concourent également à relancer les activités du secteur informel et partant,
le pouvoir d’achat. La fiscalité interne pourrait alors en tirer un léger gain.
En conclusion, même si les
pouvoirs publics pourraient par moment bénéficier d’un léger « retour sur
investissement » comme il se dégage ci-dessus, il demeure constant que les
manques à gagner et les différés d’encaissements de recettes fiscales sont
importants. Il faudrait les financer. Une des voies pourrait être le doublement
du droit de timbre d’aéroport collecté par les compagnies de transport aérien. Il
passerait ainsi à 2 000 francs CFA pour les vols nationaux et à 50 000
francs CFA pour les vols internationaux.