Affaire Dikolo Bali. Ce que dit le ministère des Domaines 

Alors que les populations impactées par le projet de construction d’un complexe hôtelier à Douala crient à l’escroquerie foncière, un cadre du ministère des Domaines, du Cadastre et des Affaires foncières donne dans une sortie médiatique, les éclairages sur cet investissement qui agite la capitale économique.

«Une expropriation ne peut se faire sans indemnisations », déclare Roger Raoul Belibi, directeur des domaines au Ministère des Domaines, du Cadastre et des Affaires foncières (Mindcaf). Il tente ainsi de faire « entendre raison » à ceux qui qualifient d’escroquerie foncière, l’opération de déguerpissement en mai dernier de plus de 60 familles au lieu-dit Dikolo Bali. Les populations disent être victimes d’une expropriation illégale. Elles ont notamment relayé ce qu’elles considèrent comme incongruités dans cette affaire. Par exemple, le titre foncier n° 750/W présenté comme appartenant à Dame Endale Manga qui porte sur un terrain situé à Donatoné-Deido et non Bali. Ce qui selon eux signifierait que l’Etat s’est trompé de site.  A ce sujet, l’administrateur civil principal soutient que ledit titre foncier ne fait pas partie de la zone concernée. « Dans le wouri vous avez des conservations foncières Wouri a, b et C. Le titre foncier 750/W est différent du titre 750/Wa. Le premier d’une superficie de 1500 m2 qui a connu une diminution de 300 m2 est situé à Douala lieu-dit Bonapriso tandis que le second est de 242 m2 et a été établi en 2019 pendant que le premier a été établi en 1973. Donc celui qu’on exhibe est à Deido et c’est lui qui a été établi en 2019.Donc il n’ y a pas eu confusion de titre foncier est bel et bien sur le site »

S‘agissant de la qualification d’expropriation illégale, il précise qu’une expropriation pour cause d’utilité publique répond à une procédure comprenant la mise sur pied d’une commission impliquant les autorités traditionnelles. Et qu’une fois le décret d’expropriation signé, les concernés ont jusqu’à six mois pour quitter les lieux.  « Lorsque le décret est signé, l’autorité administrative est saisie afin de mettre en branle la commission de constat et d’évaluation du site des biens impactés par l’expropriation envisagée. Ce sont des commissions dont la constitution a été fixée par la loi. Une fois que cette commission pluridisciplinaire se met en place, il y a la délimitation du site, pour savoir le périmètre dans lequel le projet va se faire ».

Le promoteur Olivier Chi Nouako, un camerounais résident au Canada, a déclaré avoir « informé plusieurs fois les populations » du déguerpissement. Il faut dire que le projet d’hôtel Marriott 5 étoiles se réalisera sous forme de bail emphytéotique pour une durée de 50 ans renouvelable.  L’infrastructure va occuper plus de 2 hectares et porte sur un coût de 60 milliards de FCFA pour un montant global d’indemnisations de 322,5 millions de FCFA. Soit 12 262 francs le mètre carré, dans un quartier où la mercuriale officielle va au-delà de 75 000 et le prix du marché à plus de 600 000, se sont indignés certains occupants. Le gouverneur a dû ordonner l’arrêt des travaux et instituer une commission ad hoc qui doit mener des enquêtes sur le terrain et rendre sa copie à la fin de ce mois de juin.

Interview

Roger Raoul Belibi, directeur des domaines au MindcafI

« Il y a des possibilités de réclamations »

L’administrateur civil principal apporte des éclairages sur les incompréhensions soulevées par l’affaire Dikolo Bali, explique la pertinence de ce projet déclaré d’utilité publique et les possibles scénarios en cas d’erreurs dans la procédure d’expropriation.

Une soixantaine de familles se retrouvent sans toit. Elles ont été délocalisées de leurs terres pour y installer un hôtel. Est-ce vraiment pour un intérêt général, surtout que l’ hôtel  appartient à un particulier ? Que répondez-vous à cela ?

En tant qu’humain, on ne peut qu’être compatissant lorsqu’un compatriote se retrouve sans toit.  Mais une fois passé ce moment d’émotion on se demande pourquoi on le fait et qu’est ce qui est envisagé pour accompagner celui-là qui se retrouve dans cette situation délicate.  J’ai également vécu cette histoire tout petit où un beau jour de retour des classes à Midi, j’ai trouvé que notre domicile familial n’existait plus.  On mettait en œuvre un décret d’expropriation pour cause d’utilité publique. Et quelques années après, c’est le lycée de Nkol Eton qui a été bâti sur ce site où j’ai obtenu mon probatoire et mon bacc. Je ne suis pas sûr que je me rappelais alors qu’on avait détruit notre maison. C’est pour dire qu’il faut voir en quoi cette démarche est utile, même s’il y a des dégâts. Intérêt public/intérêt particulier. On pourra faire ce débat jusqu’à demain. Mais ce qui est utile c’est que l’Etat a récupéré le terrain, l’a mis à la disposition d’un partenaire privé qui doit construire un hôtel, créer des emplois, et même au plan architectural, cet endroit est prévu dans le cadre du plan directeur d’urbanisme de la ville de Douala pour des complexes hôteliers. C’est dire que c’est un intérêt public parce qu’il y a un aménagement urbain d’abord et puis nous aurons et des emplois, et des capacités d’accueil plus grandes et l’Etat pourra engranger des revenus pour l’accroissement de ses recettes.

Avez-vous souvent reçu des réclamations dans les cas d’expropriation et y a t-il possibilités de réévaluation si par exemple le comité ad hoc mis sur pied par le gouverneur constate des irrégularités ?

 A chaque fois qu’il y a une procédure, il y a des possibilités de réclamations.  C’est lorsque nous avons des réclamations que nous sollicitons à nouveau la commission compétente. Et oui, il y a beaucoup de réclamations. Pourquoi ? A cause du niveau de développement de notre pays. Vous avez par exemple une procédure d’expropriation pour cause d’utilité publique dans certaines régions où des personnes n’ont pas de CNI. Il est difficile pour la commission d’identifier les personnes. Et lorsque les uns et les autres se retrouvent dans cette situation, il y a des requêtes qu’ils peuvent prévoir   Il y a des erreurs qui peuvent arriver et dans ces cas, il y a une procédure de révision des travaux de la commission de constat et d’évaluation.  C’est-à-dire s’il y a eu omission de telle ou telle personne dans les évaluations des personnes impactées ou tel bien qui n’a pas été pris en compte, la commission fera un travail complémentaire et son rapport sera transmis dans les mêmes conditions que le rapport principal, pour qu’on puisse préparer un décret d’indemnisation additif.  Si c’est la superficie qui n’est pas ce qu’elle devrait être, ce sera un décret rectificatif du décret d’expropriation pour cause d’utilité publique.

Les populations se plaignent également du montant des indemnisations qui selon elles ne correspond pas au prix réel des terres. Comment sont fixés les prix ? Nous avons des barèmes de prix. Par exemple, en ce qui concerne l’évaluation des terrains, ce sont les prix minima c’est-à-dire le prix minimal du domaine privé de l’Etat lorsqu’ un titre foncier a été élaboré par voie d’immatriculation directe. C’est le prix minimum du M2 du domaine privé de l’Etat dans la localité qui est comme base de calcul majoré de 25%.   Donc vous voyez qu’à ce niveau, il est parfois difficile de vous mettre dans une dynamique de réévaluation on peut juste évaluer, revoir si on a oublié quelque chose ou si on a peut-être par erreur baisser le prix. Maintenant les prix par rapport aux concessions, il y a un arrêté du ministre qui fixe les barèmes d’évaluation. Par rapport aux cultures, il y a un décret de 2003 qui fixe les barèmes d’évaluation donc ce n’est pas au prix du marché. Nous suivons les textes en vigueur.  C’est pour dire que nous devons tous citoyens œuvrer à ce que les décisions pour le développement du pays soient prises dans le cadre du respect strict des textes et lois en vigueur. Peut-être ne sont-ils pas tel qu’on aurait souhaité mais tant que les politiques n’ont pas encore cru bon de les aménager nous devons les respecter.  Car vous ne pouvez pas vous opposer à une expropriation. Mais vous avez droit à une juste et préalable indemnisation.

Source: STV

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