jeudi, septembre 12, 2024
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Route Yabassi Bonepoupa : gestion et qualité des travaux  remises en question

Tandis que la livraison de cette infrastructure en construction était attendue après plusieurs rallonges sur le délai, ce tronçon reliant Douala à Yabassi dans le département du Nkam,  a connu il y a quelques jours un imprévu majeur.

Tout n’est pas à refaire. Mais d’importants travaux vont être entrepris  sur  l’axe Bonepoupa-Yabassi dont la réception était pourtant imminente.  Le 14 août 2024 en effet,  une partie de la chaussée s’est effondrée  sur ce tronçon en chantier,  reliant la ville de Douala, à Yabassi, chef-lieu du département du Nkam dans la région du Littoral.  

L’incident a affecté une centaine de mètres selon les déclarations des responsables de Buns, l’entreprise camerounaise de BTP en charge des travaux.  L’entreprise a également justifié cet effondrement par l’abondance des pluies.   Les intempéries selon cette source auraient provoqué une fissure de la route. Ce qui a occasionné une rupture de remblais.   

Ces raisons avancées sont remises en question par une certaine classe critique qui intervient alors que deux prestataires se sont déjà succédés pour l’exécution des travaux de cette route. Une sortie de l’Ordre national des ingénieurs de génie civil du Cameroun  renforce d’ailleurs ce doute sur la qualité des travaux ou sur l’expertise.  « Les routes doivent désormais être pensées pour être plus résilientes face à ces nouveaux défis. Cela implique des études hydrologiques plus approfondies et des solutions innovantes en termes de drainage et de stabilisation des sols » écrit  Kizito Ngoa, le président de l’ordre. Mais, l’ordre fait une nuance sur les responsabilités. « La situation actuelle souligne plutôt l’importance de la collaboration entre tous les acteurs, incluant les ingénieurs, les administrations et les équipes de maintenance».

    De toute évidence, cet imprévu majeur affecte la livraison des travaux qui étaient exécutés par Buns.   D’un linéaire de  51,3 kilomètres, ce sont  39 milliards de  FCFA qui ont été mobilisés pour financer ce projet. Le ministre des Travaux Publics a prescrit plusieurs mesures dont la poursuite des travaux qui vont forcément retarder la livraison de cet axe  dont le chantier a démarré en 2017  avec pour date de livraison fixée en 2019.  Cette section  représente le lot 2 de la route Douala-Yabassi. Le lot 1 étant Douala-Bonepoupa long de 33 km.  

 C’est donc depuis 7ans que la réalisation de cet ouvrage est en cours tandis qu’il était prévu pour durer 3ans.  Le ministère des Travaux publics a fini par résilier l’an dernier,  le  contrat de la société tchadienne Encobat qui avait lancé les travaux.  D’aucuns se demandent si là n’est pas  l’origine de cet incident qui cacherait alors des failles dans la réalisation  de cet ouvrage.

 Après la survenue de l’incident, le ministre des Travaux Publics a prescrit  la remobilisation de l’entreprise  BUN’S, pour l’aménagement d’une déviation pour les véhicules de plus de 3,5 tonnes ; la conduite immédiate des études techniques en vue de la reconstruction de la section routière effondrée. Le Labogenie est également sollicité  avec la Mission de Contrôle Beta Consult,  pour y mener une campagne de sondage géotechnique pour anticiper sur les éventuels risques avec des solutions appropriées.

Interview

 Joachem BIN MEH, économiste

 L’expert  nous livre son analyse sur l’incident survenu sur le tronçon Bonepoupa-Yabassi en jetant un regard global sur les marchés publics au Cameroun pour en dégager des leçons pour le long terme.

Pensez-vous que l’effondrement de la route Bonepoupa-Yabassi avant sa réception est causé par des manquements dans la passation du marché ou à la qualité des travaux?

La route Bonepoupa-Yabassi le 14 août 2024 avant son inauguration officielle suscite des inquiétudes quant à certaines transactions souterraines qui ont lieu dans le cadre de l’attribution des contrats de construction et de la prévalence de la corruption dans le secteur des travaux publics au Cameroun. Les allégations selon lesquelles des pots-de-vin auraient été versés par des entrepreneurs, allant de l’attribution des contrats aux approbations finales, indiquent un problème systémique qui compromet la qualité des projets d’infrastructure, ce qui confirme le rapport de la Banque mondiale (2007) sur la construction, la corruption et les pays en développement. Cet incident nous rappelle l’importance de la transparence et de la reddition de comptes dans l’octroi des contrats publics. Des mesures telles qu’une application plus stricte des lois et des règlements, une transparence accrue dans le processus d’appel d’offres et des sanctions sévères en cas de corruption devraient être mises en œuvre pour lutter contre ce problème. De plus, des mécanismes de surveillance et d’inspection appropriés sont essentiels pour s’assurer que les entrepreneurs respectent les normes et les spécifications convenues. Des inspections régulières et des audits indépendants peuvent aider à identifier les problèmes potentiels et à s’assurer que les projets sont exécutés selon les normes requises.

 Faut-il questionner les procédures d’attribution des contrats ?

L’effondrement de la route Bonepoupa-Yabassi met en lumière la nécessité de réformes dans l’attribution des contrats et l’exécution des projets d’infrastructures au Cameroun. La transparence, la responsabilisation, une surveillance adéquate et l’éducation du public sont des éléments essentiels pour assurer la mise en place d’infrastructures durables et de haute qualité dans l’intérêt du pays et de ses citoyens. Des campagnes d’éducation et de sensibilisation du public sur les conséquences de la corruption peuvent  aussi contribuer à favoriser une culture de responsabilisation et de transparence. En informant le public de l’impact de la corruption sur les projets d’infrastructure, les citoyens peuvent jouer un rôle actif dans la surveillance et le signalement de toute activité suspecte. Cela peut contribuer à un système de gouvernance plus propre et à des infrastructures plus durables au Cameroun.

Quelles leçons tirer pour l’avenir?

À partir des informations fournies, plusieurs leçons peuvent être tirées pour l’avenir:

a) On ne saurait trop insister sur l’importance de la transparence et de la responsabilité dans l’attribution des contrats publics. Non seulement la corruption compromet la qualité des projets d’infrastructure, mais elle gaspille également les ressources publiques.

 b) Des mécanismes appropriés de surveillance et d’inspection devraient être mis en place pour s’assurer que les entrepreneurs respectent les normes et les spécifications convenues.

c) Les investissements dans les infrastructures doivent être accompagnés de plans d’entretien robustes pour assurer la longévité et la durabilité des projets.

d) Les partenariats public-privé devraient être structurés de manière à inciter les entrepreneurs à fournir un travail de haute qualité, plutôt qu’à les encourager à faire des économies pour compenser les pots-de-vin.

e) Le gouvernement devrait envisager de mettre en place des sanctions plus sévères pour la corruption et les pots-de-vin, à la fois comme moyen de dissuasion et pour amener les responsables.

f) Enfin, des campagnes d’éducation et de sensibilisation du public sur les conséquences de la corruption peuvent contribuer à favoriser une culture de responsabilisation et de transparence.

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