« Nous avons délibéré à huis clos comme le prévoient les dispositions de nos statuts. La réunion du Comité central de l’Union nationale pour la démocratie et le progrès, le Conseil et les membres du secrétariat permanent, le comité directeur, ont délibéré et nous sommes arrivés à la conclusion que notre parti présentera son candidat à l’élection présidentielle ; et que j’ai accepté la proposition : je suis désormais le candidat à l’élection présidentielle(Sic)». En ces mots, Bello Bouba Maïgari a annoncé sa candidature à la présidentielle d’octobre 2025. Au terme de la réunion du Comité central de son parti, élargie au Conseil national et aux représentants des jeunes et des femmes du parti, le 29 juin dernier. Cédant ainsi à la pression de la base de son parti qui n’entendait plus accompagner Paul Biya et le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc) à l’élection présidentielle. En revanche, l’avenir de Bello Bouba au sein du gouvernement est flou. L’homme n’a pas évoqué cet aspect, et a renvoyé la presse à « ses affaires ». Indiquant que ce n’est pas à la presse qu’il l’adresserait éventuellement. Toujours est-il que la logique voudrait que le désormais candidat qui s’est détaché du « joug » de l’alliance avec le parti au pouvoir, se mette dans des conditions de liberté pour pouvoir mieux se déployer dans sa campagne.
Si les militants ont longtemps appelé simplement à la rupture de l‘alliance scellée en novembre 1997 avec le Rdpc, Bello Bouba n’a pas été clair sur cette question. Accord qui a permis l’entrée au gouvernement d’un certain nombre de cadres de l’Undp dont Bello Bouba (Issa Tchiroma et Hamadou Moustapha, qui se sont par la suite brouillés avec Bello Bouba et ont chacun créé son propre parti). Et depuis lors, l’Undp n’a plus présenté de candidat à l’élection présidentielle, préférant soutenir Paul Biya, « candidat naturel » du Rdpc. Aujourd’hui, outre Bello Bouba, l’Undp compte quatre autres militants au sein de l’appareil de l’Etat : Nana Aboubacar Djalloh secrétaire d’Etat auprès du ministre en charge de l’environnement), Rose Dibong (secrétaire d’Etat auprès du ministre en charge de l’habitat), Mohamadou Badjika Ahidjo (ambassadeur itinérant à la présidence de la République, par ailleurs fils de l’ancien président Ahmadou Ahidjo) et son secrétaire général Pierre Flambeau Ngayap, sénateur nommé par Paul Biya. Tous pourraient être appelés à quitter le navire gouvernemental (sauf le sénateur). Mais des négociations souterraines que des sources attribuent au pouvoir, tentant de dissuader Bello Bouba de rompre les accords, pourraient avoir de l’effet sur certains militants engagés dans l’appareil de l’Etat.
Dans cette perspective, Rose Dibong a clairement indiqué sur les antennes de la Crtv que « je n’ai pas été consulté…mais que j’aie été consulté ou non, je continue de gérer en tant que responsable du gouvernement qui travaille pour le Cameroun. Je ne travaille pas pour mon parti». D’ailleurs « aucun texte ne nous oblige de le faire. Si on doit le faire, on le fait personnellement. Et moi je ne le ferai pas. Je ne vais pas démissionner du gouvernement pour ça. Je vais personnellement. Et moi je ne le ferai pas. Je ne vais pas démissionner du gouvernement pour ça. Je vais attendre que mon décret me fasse partir, parce que c’est un décret qui élimine un autre décret », assure Rose Dibong la secrétaire d’Etat auprès du Minhdu.
Toujours est-il que la distance se crée et s’élargit entre le Rdpc et l’Undp, après 28 ans de compagnonnage. « Il n’y a pas d’alliance définitive. Les alliances se construisent à l’aune des échéances électorales importantes, et puis elles se font et se défont», rappelle Célestin Yandal, maire Undp de Touboro dans le département du Mayo-Rey, région du Nord, sur Radio Balafon. Cette alliance était de plus en plus dénoncée par la base du parti depuis le Congrès de 2011 au cours duquel René Emmanuel Sadi, alors secrétaire général du Comité central du Rdpc, avait dû jouer les pompiers pour calmer les congressistes en furie. Mais aux yeux des militants de l’Undp, le partenaire politique n’a pas changé sa politique. « L’Undp voudrait prendre ses responsabilités, au regard d’un certain nombre de manquements et de violations de l’alliance qui existe entre les deux partis depuis novembre 1997. C’est la base militante qui ne veut plus évoluer dans cette plateforme », souligne Célestin Yandal. « Malgré le soutien que nous avons toujours apporté à notre allié, il n’y a pas de retour de l’ascenseur ». Le coup fatal fut asséné lors des sénatoriales 2013 : « Dans l’Adamaoua, le Rdpc a préféré remettre sept sénateurs au SDF qui a toujours été très dur vis-à-vis du Rdpc, plutôt que de permettre à son allié d’avoir ces sept sénateurs », dénonce-t-il. « Et le SDF n’avait aucun conseiller dans la région de l’Adamaoua. 2ème chose ; la ville de Ngaoundéré est la seule dont l’Undp contrôle la mairie de ville ; et l’Undp contrôle également le conseil régional. Ngaoundéré ne bénéficie pas de contrats C2D, Capitales régionales, à cause de l’assise de l’Undp dans cette région. Vous croyez qu’on va continuer dans une telle alliance ? », interroge Yandal. Avec autant de frustrations, « la base a décidé que si le sommet du parti continue dans cette alliance, ce ne sera plus avec elle», assure le maire qui a souffert le martyr dans un département du Mayo-Rey où règne en maitre le très puissant et craint lamido de Rey Bouba, militant du Rdpc et premier vice-président du sénat. Il ne pouvait pas en être autrement, faute d’évaluation. « Il y avait un comité de suivi pour évaluer l’alliance, mais qui n’a jamais fait ce travail», confie Célestin Yandal.