La Commission Musongue s’est donc mise au travail, après la brève cérémonie d’installation de ses membres qui s’est déroulée le 20 août dernier au siège du parti. En fait de Commission de discipline, il s’agit d’un groupe de 15 hauts cadres dont la mission officielle, selon la note du Secrétaire général du Comité central qui la crée, est « de connaître des cas d’indiscipline relevés lors du double scrutin législatif et municipal du 09 février 2020 ». Pour plus de précision sur les attentes du parti quant aux finalités de ce conclave dont les travaux se déroulent à huis clos, Jean Nkuété a tenu à leur rappeler que « votre mission est de corriger et de sanctionner. Mais audelà, (…) vous devez contribuer à l’avènement d’un ordre disciplinaire nouveau au sein du parti, en éveillant la conscience de chaque militant comparaissant devant votre instance sur le bien-fondé de la discipline ». Peter Mafany Musongue, comme la plupart des membres qui composent cette commission, n’ont, en tout état de cause, pas besoin de plus pour se motiver. En 2013, ils étaient déjà appelés aux mêmes fonctions pour solder les comptes des élections législatives et municipales de cette année-là.
Il s’agit donc, de prime abord, de discipline. La Commission y dédiée, installée au niveau du Comité central, est l’instance la plus élevée en la matière au sein du parti. Capable de recevoir les recours émanant des « juridictions » inférieures – les comités de base en l’occurrence -, et dont les décisions, à l’inverse, ne sont susceptibles d’aucune contestation. Certes les textes du parti prévoient que ses travaux soient dirigés par le président national, mais celui-ci peut tout autant déléguer ladite tâche à un militant de son choix. Il en ressort que Paul Biya, le vrai patron de la Commission, est rigoureusement informé desdits travaux. Depuis la création du Rdpc, la Commission s’est réunie de manière aléatoire, accusant parfois de longues périodes d’hibernation. D’où son caractère ad hoc. Mais avec la frénésie électorale observée ces dernières années – avec 7 élections concurrentielles en 7 ans !-, et les débordements qui ont pu être enregistrés çà et là, la voici de nouveau opérationnelle. Aujourd’hui, ce ne sont pas moins de 90 dossiers qui sont à l’étude. Ils concernent principalement les problèmes survenus lors des investitures aux élections du 9 février dernier, ainsi que lors de la désignation des exécutifs municipaux dans les communes remportées par le parti. L’on se souvient que les malentendus y afférents avaient été, à certains endroits, portés sur la place publique, offrant, dans d’autres cas, le spectacle d’une confrontation officielle entre les « camarades ». L’ordre s’imposait donc ! Mais rien n’est cependant anodin en politique. A commencer par le timing même des événements. Six mois après la fin des joutes électorales, certains militants s’étonnent que la hiérarchie du parti ait mis autant de temps à mettre cette commission de discipline en mouvement.
Vers une pluie de sanctions?
C’est le cas de Bonaventure Eloi Bidoung, un de ceux dont le dossier est à nouveau revenu sur la table. « Lors de l’élection du maire la ville de Yaoundé, j’avais déposé ma candidature. Je suis citoyen et conseiller municipal dans la Commune de Yaoundé, donc électeur et éligible. Sauf la dictature de certains conservateurs du Comité national qui tordent le discours et les orientations du président national avec la très ringarde « discipline du parti », rien ne m’interdisait de me porter candidat. J’ai été candidat et sans certaines manœuvres suspectes pour repousser ma candidature, je suis sûr que j’aurais pu l’emporter. C’était-il y a six mois. Mais tous cela c’est du passé, c’est la vie. Mes camarades militants de base et moi sommes déjà à autres choses qui serviront et animeront le parti », fulmine-t-il. De plus, si l’on devait en juger par le précédent de 2013, c’est bien à une pluie de sanctions qu’il faudrait s’attendre. Or certains militants ont encore en mémoire la cruelle condition qui voulut que ceux qui avaient été l’objet d’une sanction de ladite Commission ne pussent faire acte de candidature aux élections de février. Plusieurs militants, dont le très engagé Pascal Messanga Nyamding, durent, de ce fait, refréner leurs ambitions électorales. D’autres, comme l’ancien ministre Patrice Amba Salla pourraient avoir à le faire, compte tenu de son implication dans les batailles d’investiture survenues à la mairie d’Ayos. Dans la perspective des élections régionales annoncées d’ici la fin de l’année, ce sont donc les potentielles victimes de la Commission Musongue qui avancent ce scénario de l’épuration. Eux qui défendent la pluralité des opinions et la diversité des opinions propres à tout parti démocratique, là où leurs accusateurs parlent d’indiscipline. Le verdict attendu pourrait donc influencer bien des carrières. Pour rappel, en 2013, 42 militants avaient été temporairement suspendus et huit étaient définitivement exclus.
Les membres de la Commission de discipline
Président : Peter Mafany Musongue
Vice-présidents : Jacques Fame Ndongo Gilbert Tsimi Evouna Yaou Aissatou Ibrahim Talba Malla
Membres : Madeleine Tchuinte Mba Acha Rose Fogui Jean-Pierre Ndanga Ndinga Badel Baba Hamadou
Rapporteurs : Paul Célestin Ndembiyembe Jean Fabien Monkam Ndong Soumhet Benoît Ngolle Ngolle Elvis Mien Zok Christophe Me Eyango Louis Gabriel
Par Lionel Mvomo