Manœuvres : que gagne Infantino dans l’élection de la CAF ?

Enjeux d’une élection à laquelle le président de la fifA travaille à placer ses « pions ». Après Ahmad qui a « déçu », le patron du football mondial lui a trouvé un remplaçant.

Gianni Infantino tient à contrôler la CAF

Sauf miracle, Patrice Motsepe sera le prochain président de la Confédération africaine de football (Caf). Ils sont officiellement quatre candidats à la succession d’Ahmad Ahmad, mais le Sud-Africain a presque toutes les chances réunies pour le poste. Suite au deal scellé dimanche soir à Rabat entre les différents candidats. Lequel prévoit le Sénégalais Me Augustin Senghor comme 1er vice-président et le Mauritanien Ahmed Yahya, 2ème vice-président. L’Ivoirien Jacques Anouma, lui, se contente du poste de conseiller spécial du président de la Caf. Ce consensus dit « Protocole de Rabat » a été obtenu au terme de concertations organisées officiellement par Fouzi Lekjaa le président de la Fédération royale marocaine de football, mais en réalité une commande de Gianni Infantino, le président de la FIFA. Le patron du football mondial qui vient de faire une tournée africaine au moment où les candidats à la présidence de la CAF eux-mêmes restaient casaniers pour certains, et muets pour d’autres, avait des yeux à Rabat. Le « Protocole de Rabat » a été signé en présence de Veron Mosengo-Omba, le directeur de la division Associations membres de la Fifa, et du principal assistant du président de la Fifa, le Suédois Mattias Grafström. Des personnalités qui trahissent la main noire d’Infantino dans ces assises non annoncées à l’avance.

Rien n’a filtré des discussions. On sait simplement que les travaux étaient supervisés par le Faouzi Lekjaa, jadis réputé être un protégé d’Ahmad Ahmad. Un signe de la distance entre le président en sursis de la CAF et son allié d’hier? Rien n’est moins sûr. Olivier Pron de Radio France International (RFI) indique que « la confirmation de ces clauses se fera après consultation de leurs présidents respectifs ». Gianni Infantino avait déjà au préalable rencontré la plupart de ces chefs d’Etats lors de sa tournée de janvier dernier, sans que le menu de leurs échanges ne soit divulgué.

Le clan Ahmad phagocyté

Il règne un froid entre Infantino et Ahmad Ahmad qu’il avait placé à la tête de la CAF en mars 2017 par le même procédé. En un seul mandat, les relations se sont détériorées. La CAF a même été placée sous tutelle de la Fifa pendant six mois. Le temps pour le «normalisateur» de faire un audit des comptes de la maison. Audit qui a constaté des failles dans la gestion. De quoi fonder le Comité d’éthique de la Fifa à suspendre le président de la CAF pour une durée de cinq ans. L’éliminant du coup de la course pour sa propre succession. Mais le Malgache a attaqué avec succès la décision auprès du TAS. D’où son retour au siège de l’instance au Caire. Aussi, le TAS a suspendu les effets de sa suspension par la FIFA. Le relançant provisoirement dans la course pour sa succession. Même si une décision du TAS reste attendue avant l’élection prévue le 12 mars prochain. Mais Ahmad Ahmad qui a tenu à présider en personne la finale du Championnat d’Afrique des nations (Chan) à Yaoundé le 16 février dernier, n’a plus manifesté officiellement son engagement de concourir. Alors qu’Augustin Senghor et Ahmed Yahya avaient déclaré s’être présentés uniquement en raison de la mise à l’écart de leur candidat Ahmad Ahmad. Sauf que depuis, aucun des deux ne s’est désisté. Ahmad Ahmad le réformateur a-t-il jeté l’éponge?

En attendant, le plus déterminé dans cette élection reste Gianni Infantino. Une ingérence mal vue en Afrique, surtout que sous Ahmad Ahmad, le visage colonisateur de l’ancien secrétaire général de l’Union Européene de Football Association (Uefa) s’est vite dévoilé. « Nulle part dans ces statuts (de la Fifa) il est dit qu’il appartenait à la FIFA de désigner les candidats à la présidence d’une Confédération. Le contrôle d’éligibilité que fait la Commission de la Gouvernance de la Fifa pour les candidats à un siège dans ses propres organes (article 40.4) ne peut être un obstacle pour le droit de chaque confédération d’élire son président, même s’il est prévu que ce dernier sera d’office vice-président du Conseil de la Fifa», a dénoncé le Pr Abdoulaye Sakho, spécialiste du droit du sport. Le successeur de Sepp Blatter a un agenda caché. Lui qui avait déjà dicté la réforme de la CAF, en essayant de faire sauter les verrous placés par Issa Hayatou en son temps sur la CAN. Avec le décalage de la CAN en juin-juillet comme le souhaitait l’Uefa et la Fifa depuis des lustres. La périodicité de la CAN n’a pas (encore) prospéré car la plupart des Africains s’accordent sur deux ans, contre quatre « proposés » par l’Uefa et soutenu par la Fifa. Et même Motsepe que l’on voit comme le candidat d’Infantino, s’est clairement prononcé pour le statuquo. Tout en promettant d’autres réformes tant à la CAF qu’au niveau de la CAN. Sans être explicite.

L’Afrique, un vivier électoral

Le journaliste Alain Foka s’est inquiété de la campagne que menait Infantino pour l’élection à la CAF, en affichant l’illusion d’un accompagnement. « Ne nous aimez plus, s’il vous plait, respectez-nous en nous disant la vérité sur vos réelles motivations. Si c’est échange gagnant-gagnant, alors nous ferons affaire en bonne conscience », a lancé le journaliste camerounais de Rfi. En invitant les candidats à « ne pas se laisser manipuler», mais aussi les présidents africains à « ne pas se laisser amadouer ». C’est que, en réalité, Infantino veut avoir sous son contrôle le poids électoral de l’Afrique. La CAF compte 54 fédérations (contre 55 pour l’Uefa). Et le candidat sortant de la Fifa sait que l’Afrique avait failli faire pencher la balance pour le Cheickh Salman en 2016. Au second tour, Infantino avait eu 115 voix (104 étaient nécessaires) contre 88 pour Salman, et 4 voix pour le prince Ali et zéro pour Jérôme Champagne. Au premier tour, Infantino en avait eu 88 contre 85 pour le Saoudien que l’Afrique soutenait.

Pour le Pr Sakho, le nouveau président de la CAF devra s’atteler à « agir dans trois directions entre autres : restaurer la crédibilité de la CAF, rationnaliser la gestion et la gouvernance et instaurer une justice sportive de proximité ». Pour le premier aspect, il est question de « lever toute ambiguïté sur ses rapports vis-à-vis de la FIFA. S’organiser pour ne plus apparaître comme un exécutant de la FIFA ». En ce qui concerne le second point, « le football africain, dans tous ses segments, a souffert et continue de souffrir de la seule gestion par des élus certes légitimes, mais dont les compétences pour la gestion du football moderne ne sont pas évidentes », relève-t-il. Insistant sur le dernier axe d’action, celui qui est vice-président du Jaraaf, club de football le plus titré du Sénégal, et premier président de la Chambre nationale de résolution des litiges de la Fédération sénégalaise de football, souligne que « les observateurs déplorent les difficultés d’accès à la justice sportive pour le football africain (coûts, éloignement. Il est temps de contribuer à ce que le Tribunal arbitral du Sport s’adapte à l’évolution et au progrès du football africain en décentralisant des bureaux et en associant de plus en plus d’arbitres africains aux nombreuses sentences rendues ». L’homme propose qu’« à défaut, la CAF ou le mouvement olympique peuvent créer une structure alternative de résolution des litiges du football ou du sport en général en Afrique». Un aspect qui peut bien intéresser le Cameroun.

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