Les interventions directes de la Société Nationale des Hydrocarbures (SNH), inscrites dans les dépenses de l’État, constituent un mécanisme de financement d’urgence destiné à couvrir des besoins exceptionnels, notamment en matière de souveraineté et de sécurité. Ces dépenses, dont seule la présidence de la République et le top management de la SNH connaissent généralement l’ampleur exacte, vont encore s’intensifier en 2025. Cette orientation est clairement annoncée dans le Rapport sur la situation et les perspectives économiques, sociales et financières du Cameroun, document annexé à la loi de finances 2025.
« Les achats de biens et services augmentent de 105,8 milliards en valeur absolue et 11,5% en valeur relative. Cette augmentation prend essentiellement en compte l’organisation des élections en 2025, les loyers des contrats PPP, les charges récurrentes des nouveaux équipements, ainsi que le renforcement de certaines dotations notamment les interventions directes SNH dédiées à la sécurité, des études et maîtrises d’œuvre », peut-on lire dans ce document.
UNE RÉFORME BOUDÉE PAR LE GOUVERNEMENT
Cette politique budgétaire, bien que soutenue par les autorités, suscite de vives critiques de la part du Fonds monétaire international. L’institution de Bretton Woods accompagne pourtant le Cameroun dans un ambitieux programme économique et financier, dans le cadre duquel le pays a déjà bénéficié de 408,9 milliards de FCFA de prêts au 3 juillet 2024. Le décaissement de ces fonds est conditionné par le respect des engagements pris par le pays, notamment en matière de réformes structurelles et de gestion économique rigoureuse.
Or, le Cameroun peine à respecter certaines exigences fixées par le FMI, notamment celles concernant les interventions directes de la SNH et les dépenses exécutées via des procédures exceptionnelles. Depuis 2021, le Cameroun n’a pas pu respecter trois des cinq cibles indicatives fixées par le FMI, notamment les plafonds sur l’accumulation nette d’arriérés de paiements intérieurs, les interventions directes de la SNH et la part des dépenses exécutées via des procédures exceptionnelles.
Par exemple, en 2021, les interventions directes de la SNH avaient déjà atteint 138 milliards de FCFA à fin juin, dépassant largement le plafond initial de 100 milliards. En 2022, malgré des limites fixées à 40 milliards à fin mars et 80 milliards à fin juin, les interventions avaient atteint 91,9 milliards à mi-année. Le gouvernement camerounais explique ces dépassements par la persistance des défis sécuritaires et les subventions aux prix des carburants, qui ont nécessité des dépenses urgentes.
Pour répondre aux critiques du FMI, les autorités se sont engagées à améliorer le suivi des dépenses liées aux interventions directes de la SNH et à réduire l’utilisation des procédures exceptionnelles. Un comité, composé de représentants de la SNH et du ministère des Finances, a été mis en place pour assurer une meilleure transparence et fournir des rapports trimestriels détaillés au FMI.
Malgré ces efforts, le FMI a constaté, lors de la revue suivante, que les plafonds des avances de trésorerie et des interventions directes de la SNH avaient été dépassés, principalement en raison de problèmes de liquidité dans le secteur de l’électricité et de dépenses d’urgence liées à la sécurité intérieure. « Le plafond des avances de trésorerie sans crédit budgétaire a été dépassé principalement en raison de problèmes de liquidité dans le secteur de l’électricité et de dépenses d’urgence liées à la sécurité intérieure. La part des dépenses dans le cadre de procédures exceptionnelles a aussi dépassé l’objectif à la suite d’un montant élevé d’avances de trésorerie et d’interventions directes de la SNH », indiquait l’institution de Bretton Woods.
LA TENDANCE SE POURSUIT
Cette tendance s’est poursuivie en 2024, comme l’a souligné le FMI dans un rapport publié en novembre 2024, indiquant que plusieurs objectifs indicatifs n’avaient pas été atteints, notamment ceux concernant les interventions directes de la SNH et les dépenses exécutées via des procédures exceptionnelles.
« Les dépenses exécutées par procédures dérogatoires y compris par des avances de trésorerie, et les interventions directes de SNH, sont en dépassement des montants conformes avec les objectifs du programme et les engagements des autorités. Les autorités notent que certaines de ces dépenses sont de nature urgent et ne sont pas incluses dans la loi de finances adoptée, et créent un effet d’éviction sur d’autres dépenses importantes, en particulier, les dépenses d’investissement public. », a souligné l’institution financière qui a de nouveau rappelé au gouvernement l’urgence de rompre avec cette politique budgétaire.
Pour mémoire, entre 2020 et 2021, la SNH a dépensé 419 milliards de FCFA pour des interventions directes, un montant qui pourrait encore augmenter en 2025. Le gouvernement va réactiver ce mécanisme de financement d’urgence destiné à couvrir des besoins exceptionnels, notamment en matière de souveraineté et de sécurité. C’est ce que révèle le dernier Rapport sur la situation et les perspectives économiques, sociales et financières, publié par le ministère des Finances