mercredi, avril 30, 2025
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JEAN-MARC CHÂTAIGNER :« Le Cameroun a une balance commerciale excédentaire avec l’Union Européenne»

Dans un contexte de renforcement des relations entre l’Europe et l’Afrique, l’ambassadeur de l’Union Européenne au Cameroun, Jean-Marc Châtaigner, revient sur les dynamiques commerciales favorables au Cameroun, les ambitions européennes pour le secteur privé local, et les grands projets d’infrastructures comme le Bus Rapid Transit de Yaoundé́. Il évoque également l’élection présidentielle camerounaise de 2025.

Vous avez pris part au début de l’année (le 19 février 2025) à une discussion avec la GIZ et les autorités Camerounaises sur « la coopération dans un monde en mutations ». Ce débat est-il déclenché par le chamboulement géopolitique qui bouscule les positions de l’Europe sur le continent africain ? Comment analysez-vous ces évolutions ?

Les positions européennes n’ont pas à être bousculées sur le continent africain. L’Europe et l’Afrique sont des partenaires de longue date et le resteront, dans le cadre d’une relation qui évolue naturellement avec le temps et qui tient compte de l’évolution des relations internationales. Nos deux continents sont en train de réinventer leur relation et leur coopération, pour mieux l’adapter à ce que vous qualifiez justement de « chamboulement géopolitique », de sorte à définir un avenir commun et prospère dans l’intérêt foncier de nos peuples. Plus que jamais, nous travaillons ensemble dans l’écoute et le respect mutuel, loin des solutions de force et des diktats que d’autres cherchent à imposer unilatéralement. Nous sommes deux grands ensembles, deux grands marchés, deux unions avec une seule et même vision : la construction d’un monde plus prospère, plus juste, plus pacifique pour nos enfants et nos petits-enfants.

Redoutez-vous un recul de l’influence de l’Europe au Cameroun particulièrement ? Quelles stratégies mettez-vous en œuvre pour contrer les nouvelles puissances qui prennent pied en Afrique et plus particulièrement au Cameroun ?

L’Europe ne considère par l’Afrique comme une partie du monde qui a besoin de l’influence de qui que ce soit pour s’affirmer. L’Europe voit avant tout le continent africain comme un partenaire fiable avec lequel elle peut échanger d’égal à égal, pour mieux affronter des défis globaux comme la lutte contre la pauvreté et les inégalités ou encore le changement climatique, dans le respect bien évidemment de nos valeurs et de nos différences. En dépit des grandes mutations que connait le monde, l’Union européenne et ses Etats membres sont encore aujourd’hui le premier partenaire économique et commercial du Cameroun. Nous ne voyons pas d’un mauvais œil la diversification des partenariats qui est une bonne option choisie par le gouvernement camerounais. Nous y voyons la possibilité d’une complémentarité positive tant les besoins en développement et particulièrement en infrastructures sont considérables. Plusieurs crises internationales majeures ces dernières années comme celle du COVID-19 ou encore l’invasion de l’Ukraine par la Russie nous ont rappelé la nécessité d’accroitre le dialogue et d’être davantage à l’écoute les uns des autres.

Presentations des lettres de creances devant le chef de l’Etat le president de la Republique SEM Paul Biya de six nouveaux ambassadeurs et haut-commissaires accredites au Cameroun vendredi, 29 decembre 2023 au Palais de l’Unite

L’année 2025 au Cameroun est lourde d’enjeux électoraux. Quelles sont vos appréhensions par rapport à l’échéance majeure qu’est la présidentielle ?

Tout d’abord, l’Union européenne ne s’ingère pas dans les affaires politiques internes du Cameroun. Le peuple camerounais élit ses dirigeants en toute souveraineté et n’a besoin de personne pour lui donner de quelconques conseils. En tant que partenaire et ami du Cameroun, dans le cadre des principes démocratiques que nous partageons à travers l’accord de Samoa, nous souhaitons, tout comme le peuple camerounais, des élections présidentielles et régionales en 2025, puis législatives et municipales en 2026, libres, équitables, transparentes et inclusives.

Quelles sont les retombées de la Cameroon – EU Business Week organisée l’année dernière ?

La visite de Nachtigal l’an dernier pendant la Cameroon – EU Business Week par les responsables des banques européennes de développement, notamment ceux de la Banque Européenne d’Investissement (BEI), les a définitivement convaincus de s’engager pour une centrale hydroélectrique et un barrage encore plus grands, à savoir celui de KIKOT (une puissance de 500 MW). Nous sommes en train de travailler étroitement avec les autorités camerounaises et nos Etats membres à la maturation définitive de ce projet afin que les travaux puissent être lancés. Des milliers d’emplois seront créés. Il s’agit à l’évidence d’une première retombée significative de la Cameroon – EU Business Week. Les visites de la BEI et de la Facilité Européenne AGRIFI (pour le financement de l’agriculture) ont aussi permis de sécuriser un financement de 50 millions d’euros (soit près de 33 milliards de FCFA) pour le financement des chaînes de valeurs agricoles à travers les banques locales. La possibilité de création d’une fenêtre nationale de la Facilité AGRIFI, avec une enveloppe de 9 millions d’euros (environ 6 milliards de FCFA) pour le secteur de l’agriculture, est par ailleurs étudiée et envisagée.

Concernant particulièrement la Team Europe Initiative – Investing in Young Businesses in Africa (en sigle TEI-IYBA), où en est sa mise en oeuvre ? Y a-t-il déjà quelques acquis ?

Il s’agit d’un instrument novateur qui offre à la jeunesse camerounaise l’assistance technique dont elle a besoin en termes d’encadrement, de préparation et d’élaboration des documents de projets (Business Plan). Cet instrument peut aussi fournir une assistance financière à travers des dons en phase de démarrage des activités et un accompagnement vers des financements commerciaux. Le lancement de la Team Europe Initiative – Investing in Young Businesses in Africa (TEI-IYBA), ainsi que du projet Women Entrepreneurship for Africa (WE4A) qui en fait partie, a permis dans une première opération pilote d’appuyer 110 femmes entrepreneures camerounaises qui bénéficient de subventions d’amorçage pour leurs activités. Et nous irons rapidement plus fort et plus loin en élargissant l’accès aux jeunes hommes et femmes qui ont des initiatives dans les différents secteurs d’activités prioritaires pour le développement du pays comme le digital, l’agro-industrie, les services et les infrastructures. .

Dans un entretien il y a un an avec Défis Actuels, vous indiquiez que certaines possibilités de financement offertes par les institutions financières européennes sont souvent méconnues. Quelles sont-elles et comment saisir ces opportunités ?

C’est une question très ouverte. Les réponses peuvent en effet varier selon le domaines d’intervention. L’Union européenne a un portefeuille de projets et programmes très diversifié. Elle est aussi représentée par plusieurs institutions et agences de coopération qui interviennent pour son compte. Donc, j’invite vos nombreux lecteurs à visiter nos sites et nos plateformes de communication digitale, pour mieux comprendre ce que nous faisons et quelles opportunités nous offrons en lien toujours avec les priorités du Cameroun, en termes d’investissement, de développement durable et de promotion de l’emploi.

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Un des projets les plus attendus de l’UE au Cameroun est celui du BRT de Yaoundé. Quelles sont les avancées dans ce projet qui devrait changer le visage de la capitale Camerounaise ?

Le programme « Yaoundé Move » de l’Agence Française de Développement (AFD), avec notre appui financier, est en pleine phase de recrutement de personnel camerounais qui sera amené à suivre le développement du bus à transit rapide (BRT), en partant bien sûr des indispensables études de faisabilité et consultations des usagers jusqu’à la mise en service définitive de ce nouveau moyen de transport. Alors que les études sont en cours, les formations pour les personnels, pour assurer un meilleur suivi du projet, se mettent en place.  Comme tous les autres partenaires engagés dans ce processus, nous sommes enthousiastes à l’idée de voir ce projet passer du rêve à la réalité. Les exemples développés dans d’autres pays, comme la Colombie et le Sénégal, sont très encourageants. Il s’agit très concrètement de créer un système de transport répondant aux besoins des usagers locaux, diminuant à la fois les embouteillages de la ville de Yaoundé et les impacts environnementaux du transport urbain, tout en améliorant la qualité de vie des citoyens.

Dans le cadre du développement des infrastructures et de la stratégie d’investissement ‘‘Global Gateway’’, quels sont les autres projets mis en place ou envisagés par l’Union Européenne au Cameroun ?

Il faut déjà d’abord expliquer que le « Global Gateway », ou « portail mondial » en bon français, est une initiative européenne qui ambitionne de connecter les pays et les peuples à travers le monde, avec des projets innovants et structurants dans des domaines clés comme ceux des infrastructures, de l’énergie, du transport, du digital… Nous croyons en effet à la force de projets communs, qui nous rapprochent et qui nous permettent de tirer ensemble des bénéfices économiques et commerciaux plus importants. Le protectionnisme, les barrières douanières et l’unilatéralisme n’ont jamais constitué, nulle part, des moteurs de développement. Ils sont au contraire des freins et des facteurs d’isolement. Pour la mise en œuvre de « Global Gateway » au Cameroun, outre les projets que j’ai déjà évoqués, comme ceux des barrages de Nachtigal et demain Kikot, ou encore le BRT dans le cadre du programme « Yaoundé Move », nous avons défini avec le Gouvernement un portefeuille ambitieux d’investissements. Je ne vous en citerai que trois exemples qui répondent au développement de corridors commerciaux stratégiques entre le Cameroun et les pays de la région : la construction déjà achevée du pont sur le fleuve Logone avec le Tchad reliant Yagoua à Bongor, la construction de la voie de contournement de Yaoundé et enfin la construction du pont sur le Ntem pour faciliter l’accès à la partie continentale de la Guinée Equatoriale.

Avez-vous mené avec vos partenaires du Cameroun une évaluation de la mise en œuvre de l’APE ? Quels sont les indicateurs et les impressions de part et d’autres ?

Chaque année, les parties européennes et camerounaises élaborent un rapport de suivi basé sur les informations et les statistiques de leurs services respectifs. Le rapport se base sur une quarantaine d’indicateurs qui vont de l’évaluation de la mise en œuvre jusqu’au climat des investissements, en passant par la coopération au développement, le commerce général, les parts de marché, l’impact de la libéralisation, l’impact fiscal, l’impact socio-économique et la diversification. Je note pour ma part que le Cameroun a une balance commerciale excédentaire avec l’Union européenne, c’est-à-dire que le niveau de ses exportations dépasse celui de ses importations. L’Accord de Partenariat Economique (APE) est un véritable atout pour certaines filières agricoles du pays comme la banane ou le cacao. Alors que nous risquons une guerre commerciale mondiale, l’APE permet au Cameroun d’exporter vers l’Europe sans verser un seul franc CFA de droits de douane. Vers les Etats Unis, depuis quelques jours, c’est 11%. L’APE est donc un avantage pour le Cameroun, comme pour la Cote d’Ivoire et plus récemment le Kenya.

L’Union européenne soutenait un mécanisme de mise à niveau des industries camerounaises pour qu’elles ne s’effondrent pas avec l’arrivée des produits plus compétitifs de l’industrie européenne. Où en est ce processus ?

L’APE Union européenne-Cameroun est ce qu’on appelle un accord asymétrique qui exclut plus de 20% des marchandises européenne du bénéfice de l’Accord. Cette exclusion est basée sur le fait que ces marchandises sont produites ou bien susceptibles d’être produites au Cameroun. En cela, l’Accord ne crée pas de stress compétitif et il n’y devrait pas y avoir de raison particulière de soutenir les entreprises camerounaises en raison de l’Accord. D’ailleurs, l’effondrement annoncé par certains n’a jamais eu lieu. Aussi, l’Union européenne représente 50% des exportations camerounaises à qui l’APE permet de rester compétitives sur le marché européen grâce aux droits de douanes nuls et à l’absence de quotas. Notre coopération met par ailleurs l’accent sur le soutien au secteur privé camerounais, la mise en place de facilités de crédits dans le système bancaire pour le financement des PME, la mise à niveau qualitative des chaînes de production.

Vous êtes probablement très attentif à l’évolution de la situation politico-militaire en République démocratique du Congo où vous avez servi précédemment comme ambassadeur. On y assiste à une progression du M23 appuyé par les forces Rwandaises. Quelle solution selon vous ? L’Union Européenne va-t-elle voler au secours de la RDC ?

C’est une situation profondément regrettable, qui ne peut laisser indifférent ou insensible. Les populations civiles congolaises sont les premières victimes de cette agression, dont on ne peut trouver, pas plus que pour l’Ukraine, aucune justification dans le droit international. La souveraineté, l’intégrité territoriale, l’indépendance politique de la République démocratique du Congo (RDC) ne doivent souffrir d’aucun compromis. Nous appelons toutes les parties concernées à reprendre le chemin de la discussion et de la négociation pour trouver une solution pacifique à ce conflit. Ceux qui s’opposent à l’ouverture d’un dialogue sincère sur cette crise vont devoir faire face aux sanctions européennes, telles que celles prises le 17 mars dernier contre plusieurs dirigeants rebelles et contre des généraux de l’armée rwandaise.

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