La Commission Bancaire d’Afrique Centrale (Cobac) vient de donner sa position sur ce qu’on peut qualifier de «d’épreuve de force» entre la Caisse de dépôts et consignations (Cdec) et les établissements de crédits au Cameroun. En effet, le gouvernement avait donné un délai de six mois, soit jusqu’au 31 mai 2024 aux établissements de crédit et de micro finance pour transférer les fonds publics et les ressources oisives en leur possession à la Cdec. Mais, plusieurs résistent. Le régulateur du secteur bancaire de la Cemac a récemment demandé aux établissements de crédit de suspendre temporairement le transfert des avoirs en déshérence à la Caisse des dépôts. Le secrétaire général de la Cobac l’a fait savoir dans une correspondance adressée le 11 juillet dernier au directeur général de la Cdec, mais aussi aux associations des établissements de micro finance et des banques.
Marcel Ondélé explique que cette démarche vise à clarifier la nature et à définir les modalités de conservation, de gestion, voire de restitution de ces avoirs avant toute action de transfert. Car, selon lui, il n’existe pas de cadre réglementaire communautaire qui définit les modalités de ces transferts. La Cobac, ajoutet-il, a engagé des travaux pour instituer un cadre réglementaire. Celui-ci va permettre de «préserver la stabilité financière dans la Cemac, de maîtriser les risques opérationnels liés à la conservation et la gestion de ces valeurs, ainsi que les risques de contentieux entre les institutions nationales, les institutions financières et les titulaires de ces avoirs ou leurs ayants droit», écrit Marcel Ondele.
La sortie du secrétaire général de la Cobac ne semble pas préoccuper outre mesure, Richard Evina Obam. Pour toute réponse, le directeur général de la Caisse de dépôts et consignations s’est contenté de rappeler la légalité des actions menées par la Cdec depuis son opérationnalisation. Il a par ailleurs insisté sur le fait que ces dernières sont encadrées par des actes pris par l’Etat du Cameroun, en conformité avec les principes fondateurs de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac). Pour finir, il a annoncé que les transferts des fonds oisifs détenus par les banques vers la Cdec vont se poursuivre. Pour marquer sa détermination, il a une fois de plus invité les établissements de crédit retardataires à se conformer à cette exigence.
De la résistance
Cette nouvelle interpellation de Richard Evina Obam arrive dans un contexte où plusieurs entreprises traînent à faire le transfert des fonds vers la Cdec. Le DG de la Caisse nationale de prévoyance sociale (Cnps) dont les avoirs sont aussi concernés, avait fait savoir qu’il était difficile de se plier à cette exigence. Dans un courrier daté du 14 mai 2024, le DG Alain Noël Mekulu Mvondo s’adresse aux Directeurs généraux des banques. Il accuse la caisse de dépôts d’exercer des pressions sur les dépôts de la Cnps logés dans ces banques. Il ajoute que la démarche de la Cdec « s’effectue sous une forme loin de toute forme élémentaire, comme si les fonds de la Cnps appartiennent à la Cdec ». Pour le Directeur général de la Cnps, il faudrait au préalable, « une éventuelle collaboration financière entre la Cnps et la Cdec ». Ce qui devrait permettre de fixer les obligations des parties, les échéanciers etc…. Au 1er juillet 2024, seules quelques entreprises se sont conformées. Ce, malgré les mises en demeure adressées par le DG de la Cdec aux établissements financiers en juin dernier.
Richard Evina Obam, indiquait que ces entreprises ont bénéficié de plus de 15 ans d’un moratoire et qu’il procéderait au recouvrement forcé si rien ne change. «Je voudrais rappeler que la Cdec a été créée en 2008 et les organes sociaux mis en place en 2023. Cela a conféré aux banques et autres acteurs, 15 ans d’un moratoire de fait. En plus, il y a un délai supplémentaire, car si l’on s’en tient au décret, c’est 6 mois après la nomination des dirigeants de la Cdec, donc c’est en juillet 2023 que cette exigence de transfert aurait dû entrer en vigueur.», avait-il écrit. Les avoirs oisifs dévolus à la Cdec sont estimés à environ 1500 milliards de FCFA au Cameroun et autour de 2500 milliards de FCFA en zone Cemac. Des montants jugés colossaux par plusieurs experts financiers qui favorisent un transfert progressif au risque de déséquilibrer le système financier sous-régional.