Le
ministre des Finances révèle les contours des discussions avec le Fonds
Monétaire international dans le cadre de la Facilité Rapide de Crédit qui a
débouché sur l’approbation d’un décaissement de 135 milliards en faveur du
Cameroun.
Monsieur
le ministre, le FMi a approuvé lundi dernier le décaissement de 226 millions de
dollars, environ 135 milliards de F, pour soutenir le Cameroun dans la lutte
contre le Covid-19. A quoi vont servir ces fonds ?
Il faut déjà savoir que la
négociation avec le Fonds Monétaire International était bien claire. Il
s’agissait de négocier un financement extrêmement rapide pour faire face à la
crise sanitaire et j’insiste sur la crise sanitaire. C’est donc essentiellement
pour nous aider à y faire face. Il faut pouvoir soigner les Camerounais,
relever le plateau technique des hôpitaux et toute autre action sur le plan
sanitaire. En tant que ministre des Finances, je ne vais pas faire la liste. Il
revient aux autorités compétentes, notamment le ministre de la Santé publique,
de nous dire quels sont les projets qu’il veut réaliser, quels sont ses besoins
et tout cela sera financé. Il y aura un contrôle et en tant que gouverneur du
FMI, je devrais faire un compte rendu périodique tous les six mois pour dire
comment l’argent a été utilisé.
A
l’observation, le Cameroun n’a reçu le même montant que les autres pays de la
sous-région ou d’autres parties de l’Afrique. Qu’est-ce qui peut expliquer la
différence dans les montants ?
Au niveau du FMI, il y a
deux principes importants. Le premier est que les pays ont chacun une
quote-part. C’est comme une société par action où chacun a ses parts. S’il
arrive que vous partagiez les bénéfices, chacun aura en fonction de ce qu’il a
apporté, de sa quote-part. Deuxième principe, dans la réglementation actuelle
au niveau du FMI, aucun pays ne doit recevoir, dans un intervalle de 12 mois,
plus de 100 % de sa quote-part. C’est ça qui fait que le Cameroun, qui est déjà
sous programme avec le FMI et a déjà bénéficié de plusieurs décaissements cette
année, à hauteur de 40 % de sa quote-part, ne pouvait plus avoir droit qu’aux
60 % restants. C’est donc ses 60 % qui nous permettent d’avoir 135 milliards.
Nous avions le choix de demander moins, mais nous avons décidé de négocier pour
les 60 % auxquels nous avions encore droit cette année, tout type de
financement compris. D’autres pays avaient encore leur 100 % de quote-part
disponible, d’autres moins. Ce sont ces facteurs combinés qui expliquent les
différences observées.
L’examen
du dossier du Cameroun avait été programmé le 28 avril dernier, mais a été
reporté. Que s’est-il passé ?
Quand le FMI a commencé à
réagir, des pays ont été servis en premier lieu et certains en ont profité pour
dire que le dossier du Cameroun a été rejeté, alors qu’il s’agissait des pays
les plus pauvres. Et puis, il faut prendre en compte le temps de négociations.
La première lettre est partie du Cameroun vers le 17 mars et le FMI nous a
répondu favorablement. C’est alors que les négociations ont commencé par
visioconférence, le contexte ne permettant pas les déplacements. Ces
négociations étaient sur le point d’aboutir, mais le 27 avril, en tant que
représentant de l’Etat, j’ai trouvé à redire dans le projet soumis. Il s’agit
de prêts et non des dons ; donc nous devons faire attention. C’est nous qui
avons demandé le report, le temps de corriger rapidement certains détails, cela
nous a été accordé et le dossier du Cameroun est passé au conseil suivant,
c’est-à-dire lundi 4 mai dernier. Et les choses se sont bien passées.
Le
Cameroun est ainsi le 19e pays en Afrique à bénéficier du financement du FMI
dans le cadre de la lutte contre le Covid-19. Quid des financements attendus
des autres partenaires au développement ?
J’en ai parlé ce mardi avec
le ministre de l’Economie qui me disait que les négociations avancent plutôt
bien. Que ce soit avec la Banque africaine de développement, qui a ouvert une
ligne de financement de 10 milliards de dollars pour les pays africains. Le
ministre de l’Economie étant le gouverneur du Cameroun auprès de la BAD et de
la Banque mondiale, c’est lui qui conduit les négociations. En même temps que
le FMi a approuvé un décaissement en faveur du Cameroun, il a prorogé le
programme économique et financier du Cameroun.
Le
pays est-il prêt à renégocier un nouveau programme ?
Oui. C’est ce que les chefs
d’Etat de la Cemac ont décidé le 22 novembre dernier lors du d’une conférence
ici à Yaoundé. Le constat qui a été fait est que manifestement, avec les
premiers programmes négociés, les choses se sont améliorées. On parlait depuis
un moment d’une dévaluation du franc CFA, mais on n’en parle plus tellement. Ça
veut dire que ces programmes qui ont été négociés suite au sommet
extraordinaire des chefs d’Etat de la Cemac de décembre 2016 ont eu un impact
positif. Les choses étaient incomplètes parce qu’à ce moment, il avait été
décidé que tous les Etats iraient sous programme. On en avait déjà deux : la
RCA et le Tchad. Les autres devaient suivre. Ce qu’ont très vite fait le
Cameroun et le Gabon. Il restait le Congo et la Guinée équatoriale. Ça a un peu
tiré, mais les choses se sont faites. Il fallait cet effet de masse pour que
les résultats soient beaucoup plus probants. De plus, on s’est rendu compte que
les programmes qui avaient été conclus visaient essentiellement la
consolidation budgétaire, afin que les déficits soient réduits, etc. Les chefs
d’Etat ont maintenant instruit qu’on aille vers des programmes où on parle
beaucoup plus de croissance, de lutte contre la pauvreté, de l’accélération de
la résolution du problème d’emploi. C’est ce que nous appelons les programmes
de deuxième génération. La crise du Covid-19 est venue nous trouver, mais
l’orientation avait déjà été donnée par les chefs d’Etat, en novembre 2019
d’aller vers une deuxième série de programme. Donc le Cameroun est tout à fait
partant. J’ai déjà reçu l’instruction du président de la République de lancer
les négociations. Les idées doivent être corrigées à l’aune de la situation
actuelle car nous ne pouvons plus négocier comme au départ parce que nous ne
savons pas dans quel état sera notre tissu économique après cette pandémie.
Monsieur
le ministre vous avez dit plus haut que la question de la dévaluation du F CFA
n’est plus d’actualité. Mais depuis quelques jours, le sujet anime à nouveau
les débats, à la suite d’un rapport de la Beac qui semble donner l’alerte…
Nous ne pouvons interdire
les débats de s’ouvrir. Ce que nous savons c’est que les mesures que les chefs
d’Etat avaient prises en décembre 2016 ont eu de l’effet. Nous étions arrivés à
un niveau de réserves qui tournaient autour de deux mois et cela était vraiment
dangereux équivalant à deux mois d’importations, à une légère remontée. Nous
étions déjà à 3,5, on allait vers quatre mois et le Cameroun à lui seul était
déjà vers les six. C’est pour cela que, pensons-nous, le risque qui planait sur
nos têtes à propos de la dévaluation a été un peu évacué. Maintenant, les chefs
d’Etat ont posé plutôt un autre problème s’agissant du CFA, travail qui a été
mis sous la responsabilité du président de la commission de la Cemac et du
gouverneur de la Beac. Il se fait maintenant qu’il y a une crise dont personne
ne connait encore les conséquences ultimes mais cela m’étonnerait que la
réponse soit seulement celle-là. Les Etats sont en train de travailler pour
mitiger les effets de cette crise.
Depuis
fin mars, après la réunion des ministres en charge des finances et de
l’économie de la Cemac, on parle de collectif budgétaire, qui devait prendre en
compte notamment la chute de cours du pétrole, base de calcul du budget de
l’Etat. où en est-on à ce jour ?
Nous travaillons dessus et
sommes même avancés. J’espère à mon niveau avoir la dernière réunion avec mes
collaborateurs ce mercredi. Si nous tombons d’accord sur tout, nous allons
saisir la hiérarchie. Le collectif budgétaire nous semble impératif parce que
les conditions dans lesquelles le budget s’est fait en 2019 ne sont plus du
tout les mêmes. Il y a des recettes qui vont subir un coup, que ce soit le
pétrole, les recettes douanières, fiscales etc. Et malheureusement dans le même
temps, les dépenses vont augmenter. Il faut voir ce qu’il y a lieu de faire et
intégrer des réformes indispensables. Mais également intégrer l’apport de
certains de nos partenaires. Nous sommes presqu’au bout de ce travail et la
suite vous sera donnée.