L’absence de Paul Biya, président du Cameroun, n’est pas passée inaperçue. Depuis sa dernière apparition lors du Forum de coopération sino-africaine début septembre 2024, aucune communication officielle n’avait été faite sur sa localisation ou son état de santé. Cette situation a alimenté les rumeurs sur sa mort présumée, exacerbées par un silence prolongé des autorités. Certains rapports faisaient état d’une possible hospitalisation en France ou en Suisse, accentuant le flou autour de la situation. Cette rumeur, bien que rapidement démentie par le gouvernement, a eu des répercussions importantes sur les marchés financiers.
LES OBLIGATIONS DU CAMEROUN EN CHUTE LIBRE
Selon nos confrères de Bloomberg, les obligations souveraines en dollars du Cameroun ont subi une baisse significative pour le troisième jour consécutif mercredi dernier, à cause des incertitudes concernant la santé du président Biya. A en croire le média américain, la spéculation autour de son décès potentiel a engendré une volatilité accrue, avec un impact direct sur la performance des euro-obligations camerounaises. «Ce mouvement de marché est symptomatique de la crainte des investisseurs face à l’éventualité d’une instabilité politique dans un pays où le pouvoir est extrêmement centralisé depuis plus de 40 ans», souligne le média susmentionné.
Pour expliquer cette chute, il est important de comprendre ce que sont les obligations souveraines. Il s’agit de titres de dette émis par un État pour lever des fonds sur les marchés internationaux. Les investisseurs qui achètent ces titres prêtent de l’argent à l’État en échange d’un remboursement futur avec intérêts. Ainsi, lorsque la stabilité politique d’un pays est remise en question, comme c’est actuellement le cas au Cameroun, les investisseurs redoutent que le pays ait des difficultés à honorer ses engagements financiers, d’où la baisse de la valeur de ces obligations.
INQUIETUDES DES INVESTISSEURS
Face à une potentielle crise de succession Plusieurs acteurs du marché ont exprimé leurs craintes quant aux répercussions potentielles d’une vacance du pouvoir. Thys Louw, gestionnaire de portefeuille chez Ninety One UK Ltd, a souligné que «le président Biya a concentré beaucoup de pouvoir autour de lui, et une crise de succession pourrait provoquer une grande volatilité sur les marchés», rapporte Bloomberg.
Quant à Sam Singh-Jami, stratège pour l’Afrique à Rand Merchant Bank, également interrogé par Bloomberg, il a ajouté que si «les indicateurs macroéconomiques du Cameroun sont relativement solides, l’incertitude politique pourrait remettre en question la capacité du pays à maintenir sa politique budgétaire et à respecter ses engagements envers ses créanciers internationaux»
La réaction des marchés est donc compréhensible. Une forte incertitude plane sur la question de savoir qui succédera à Paul Biya, et cela influence directement la perception de risque des investisseurs. A Yaoundé, on essaie de relativiser. Un fonctionnaire camerounais, sous couvert d’anonymat, contacté par nos confrères de Jeune Afrique a commenté la situation en déclarant que «c’est une réaction normale du marché», insistant sur le fait que les autorités camerounaises suivent de près cette situation.
PAUL BIYA VA BIEN !
Face à la tempête de spéculations, le gouvernement camerounais, à travers son porte-parole René Emmanuel Sadi, est finalement sorti de son silence. Dans un communiqué publié le 8 octobre 2024, le ministre a dénoncé les «manœuvres de désinformation» orchestrées pour déstabiliser le pays. Selon lui, Paul Biya se trouve en Europe pour un bref séjour privé après sa participation au sommet sino-africain. Le Cabinet civil de la présidence a également publié un communiqué pour rassurer les Camerounais et la communauté internationale, affirmant que le président, en excellente santé, continue de travailler depuis Genève, où il séjourne.
LE CAMEROUN, UNE DESTINATION MOINS RISQUÉE MALGRÉ
TOUT Malgré cette conjoncture politique tendue, le Cameroun reste, selon plusieurs analystes, une destination relativement attractive pour les investisseurs. Le pays a fait preuve de résilience économique malgré des crises récurrentes, et ses indicateurs économiques sont stables comparés à d’autres économies africaines plus fragiles. Les secteurs clés tels que l’agriculture, l’exploitation minière et l’énergie continuent de stimuler l’économie, offrant des perspectives d’investissement intéressantes. Ce contexte rend les marchés camerounais moins risqués, bien que les incertitudes politiques actuelles ajoutent une dose de volatilité non négligeable.