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C’est une grande innovation dans l’histoire de la République… et de l’audiovisuel camerounais. Pour la première fois avant le top départ de la campagne présidentielle, les candidats au scrutin du 7 octobre prochain s’affrontent dans un débat télévisé. Et c’est sur le plateau de l’émission « 100 % Présidentielle » diffusée par la Crtv, un mardi sur deux. « 100 % Présidentielle » et sa version anglaise «Face the nation », expliquait Charles Ndongo, le directeur général de l’Office national, sont des émissions mises en place pendant la période de précampagne pour exposer l’offre politique des candidats à l’élection présidentielle ». Et d’ajouter : « ces espaces sont entièrement réservés aux différents candidats ». Le problème, c’est qu’après deux diffusions, le candidat du parti au pouvoir a été représenté autant de fois, par des cadres de sa chapelle politique. Un « déni de démocratie » selon ses adversaires qui dénoncent une tactique pour ne pas prendre de risque alors qu’il part largement favori à cette élection.

Paul Biya a-t-il Peur du débat ?

Pour certains acteurs du microcosme politique camerounais, les débats publics, en période électorale, sont davantage l’occasion pour les « petits » candidats de s’assurer une bonne exposition médiatique et de présenter leurs idées devant plusieurs millions de téléspectateurs. Ce sont eux diton, qui ont le plus à gagner ; étant entendu qu’ils n’auraient pas les moyens humains et financiers de se déployer à travers les quatre coins de l’Etat. Ce qui n’est pas le cas du parti au pouvoir, le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc). « Le débat n’est pas obligatoire : c’est une opportunité que les médias donnent aux candidats pour faire large diffusion de leurs idées. Cela veut dire que chaque candidat est libre de ne pas faire le débat avec les autres », explique Elimbi Lobe, conseiller municipal à la mairie de la commune d’arrondissement de Douala V. L’ancien militant du Social democratic front (SDF) justifie par conséquent le silence du président sortant de la République par le fait que son parti couvre toutes les dix régions du pays. « Paul Biya a parfaitement le bon droit de ne pas faire la campagne électorale sur le même prisme que ses adversaires », dit-il. « Ses challengers ont besoin de se faire connaitre, lui non ». Pourquoi ? « Parce qu’il possède à lui seul 8 921 conseillers municipaux, sénateurs et députés, c’est-à-dire des gens qui ont un mandat populaire et qui se trouvent dans 315 communes sur les 360 que compte le pays. Il couvre déjà les ¾ du pays. Il est par conséquent libre de ne pas juger de l’opportunité de s’asseoir avec ses challengers pour une confrontation d’idées ».

La stature, l’âge, le Prestige

Beaucoup d’acteurs politiques, membres aussi bien du Rdpc que des partis de l’opposition, recalés pour cette élection soutiennent en effet la thèse selon laquelle le candidat du parti au pouvoir n’a aucune obligation à descendre dans une arène publique pour une confrontation d’idées avec ses challengers. Enfin, rien ne l’y disposerait. « On ne peut pas dire que Paul Biya a peur du débat ; puisque ses partisans prennent part à ce débat pour soutenir ses idées et son projet. Depuis toujours, il n’a pas été au-devant de la scène médiatique. Ce n’est pas à son âge actuel qu’il le fera. Tant qu’à faire, on peut respecter un patriarche. Si les cadres du Rdpc portent le message, le discours ou le projet qui est le sien, je pense qu’il n’y a pas lieu de s’indigner sur le silence du chef de l’Etat », soutient un cadre de l’Union pour la fraternité et la prospérité (UFP) d’Olivier Bile. Au Rdpc dit-on, le candidat Biya est encore à la tête de l’Etat et doit par conséquent poursuivre ses missions face aux situations sécuritaire, économique et sociopolitique jusqu’au dernier jour de son mandat. Du coup, tranche-ton, il devrait être plus préoccupé par la vie de ses compatriotes, plutôt que par des sorties médiatiques « qui lui feront perdre son temps », dit-on. « Un chef de l’Etat ne débat pas avec des candidats qui viennent à une élection pour se faire un nom comme c’est le cas avec les huit candidats qui vont l’affronter le 7 octobre prochain. Il y en a qui vont à cette élection pour des formalités. Le président Biya ne peut pas gâcher une heure de travail, pour un débat avec des gens qui ne sont pas capables de diriger ce pays », indique Jean-Baptiste Atemengue, vice-président de la section Rdpc Mefou-Akono Ouest. Pour lui, le candidat du parti au pouvoir a un programme assez connu ; puisqu’il s’inscrit dans une sorte de continuité. « Mais on peut aussi relever comme facteur permettant d’expliquer son retrait des milieux de la presse par sa stature. Les gens n’imaginent quand même pas le président Paul Biya s’asseoir à la même table de débat qu’un Cabral Libii par exemple. Même si c’est au nom de la démocratie, monsieur Biya n’a pas à le faire ».

Opposition : les Candidats s’esquivent-ils ?

Pourtant, pendant que certains candidats de l’opposition crient leur volonté d’affronter Paul Biya dans un face-à-face inédit, certains acteurs de la vie politique du Cameroun s’étonnent de la façon avec laquelle lesdits candidats « font tout pour ne pas confronter les idées entre eux ». Bon nombre d’observateurs ont l’impression que les adversaires de Paul Biya s’esquivent. « Tous les candidats dits de l’opposition qui veulent faire le débat face à Paul Biya, sont eux-mêmes incapables de faire le débat entre eux. Ils sont incapables de faire une coalition, de s’unir afin que l’opposition soit représentée par un seul candidat. Mais ils veulent s’unir pour faire le débat contre Biya ? C’est hallucinant ! », lance Elimbi Lobe, l’air moqueur. Même attitude dans les rangs du Mouvement africain pour la nouvelle indépendance et la démocratie (Manidem). « Nous n’avons encore vu aucun candidat débattre. Surtout ceux de l’opposition : ils font tous des monologues », assure Anicet Ekane du Manidem. « Chacun vient, déroule son programme puis s’en va. Si Paul Biya ne débat pas, pourquoi ne débattent-ils pas entre eux ? Pourquoi Joshua Osih ne demande pas un débat contradictoire avec Akere Muna par exemple ? ». Pour ce dernier, les huit candidats qui espèrent battre le chef de l’Etat au scrutin du 7 octobre prochain « se comportent comme s’ils faisaient partie d’une coalition de huit candidats contre le candidat Biya. Or il nous semble qu’ils n’ont pas accepté la coalition. Comment peuvent-ils donc se comporter comme si l’élection présidentielle était une affaire de huit contre un ? ». Selon les experts des questions politiques, un débat présidentiel, est une discussion organisée, qui oppose les différents candidats à l’élection. C’est une sorte de duel. Les candidats débattent sur des sujets précis, décidés à l’avance, et doivent répondre aux questions du ou des journalistes sur le plateau et généralement lors d’émissions diffusées en direct.

Par Arthur Wandji

Source: Défis actuels

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