Dans une région où les aléas climatiques compromettent chaque année les récoltes et la survie des exploitations, l’innovation apparaît comme une bouée de sauvetage. C’est dans ce contexte que l’application, baptisée « Ndemri » – qui signifie agriculture en langue Fulfuldé – s’inscrit dans une démarche de transformation digitale et d’adaptation aux défis environnementaux. Mise sur pied par la startup Maroua Innovation Technology (MIT), un incubateur novateur destiné à accompagner les agriculteurs dans l’amélioration de leurs rendements, cette initiative est portée par Isaac Touza, doctorant en informatique de 29 ans à l’université de Maroua, qui a décidé de mettre son expertise technologique au service des agriculteurs de sa région.

Conçue pour être accessible et pratique, l’application offre aux producteurs divers outils numériques permettant d’analyser la qualité des sols, de détecter précocement les maladies des plantes et de gérer l’irrigation de façon optimale. Il s’agit d’une solution aux multiples problématiques auxquelles font face les agriculteurs, en particulier ceux du septentrion. La sécheresse des sols, l’assèchement des zones de pâturage, les variations climatiques majeures, les perturbations des cycles de croissance et la rareté des températures favorables au repos des cultures en sont quelques exemples.
Ces phénomènes, accentués par les effets du changement climatique, affectent lourdement la production agropastorale et imposent aux agriculteurs une remise en cause permanente de leurs méthodes traditionnelles. « Mon équipe et moi avons développé, grâce à l’intelligence artificielle et au machine learning, plusieurs applications innovantes adaptées aux réalités locales. Nous avons déjà constitué un réseau de plus de 100 agriculteurs ayant testé et apprécié Ndemri pour son apport dans l’amélioration de leurs rendements. Nous avons établi des partenariats avec des ONG agricoles et des coopératives locales pour la collecte des données et la promotion de l’application. Par ailleurs, nous multiplions les collaborations avec des institutions telles que l’université de Maroua pour tester et valider les modèles scientifiques intégrés à l’application, ainsi que des campagnes de sensibilisation et des démonstrations dans les zones rurales pour encourager son adoption », a confié Isaac Touza.
L’aventure Ndemri débute modestement, avec un fonds initial constitué d’un million de francs CFA, complété par environ cinq millions de francs CFA provenant des apports personnels des membres fondateurs de MIT. Ces ressources ont permis d’acquérir le matériel nécessaire, de concevoir les logiciels et d’intégrer des modèles avancés d’intelligence artificielle dans l’application. Par ailleurs, la participation à des compétitions telles que le Y’ello Digital Talent, organisé par la Fondation MTN, et l’AgriTech Innovation Challenge a permis de remporter des fonds supplémentaires, facilitant ainsi l’achat de capteurs agricoles et de kits d’analyse de sol pour recueillir des données essentielles sur le terrain.

L’objectif est d’étendre l’utilisation de Ndemri dans toute la région de l’Extrême-Nord et, plus largement, sur l’ensemble du territoire camerounais. À moyen terme, Isaac Touza envisage l’ajout de fonctionnalités avancées, telles que la détection par drone et des prévisions agricoles plus précises grâce à l’intelligence artificielle. Enfin, sur le long terme, la vision est ambitieuse : faire de Ndemri le leader africain des solutions numériques pour l’agriculture.