Le Cameroun perd la carte Monjowa Lifaka

La vice-présidente rdpc de l’Assemblée nationale est décédée en début de semaine dernière. elle laisse en friche le chantier de la résolution du conflit séparatiste .


Emilia Monjowa Lifaka n’est pas à proprement parler le premier nom qui viendrait à l’idée d’un téléspectateur assidu des débats du dimanche. Aussi, la nouvelle de son décès n’a pas vraiment ébranlé la scène politique à la dimension de l’importance de la personnalité dans le jeu parlementaire au Cameroun et dans le Commonwealth au cours de la dernière décennie au moins. C’est vrai que manque de pot pour manque de pot, l’élue de la circonscription de Buea rural dans le Sud-Ouest a rendu l’âme, le 20 avril soit le même jour que le président tchadien Idriss Déby Itno .

Malgré une mort sobre, la disparition de l’honorable Monjowa Lifaka est un coup dur pour les autorités camerounaises embourbées sur le sentier de la résolution politique de la crise au Nord-Ouest et au Sud-Ouest. La vice-présidente de l’Assemblée nationale manœuvrait ces derniers mois en coulisses afin d’inscrire la question de la crise anglophone dans l’agenda des travaux de la Chambre. Un combat que beaucoup dans les couloirs de la l’hémicycle considéraient comme perdu d’avance.

Aussi, lors de la clôture de la session de mars dernier, les journalistes ont-ils été relativement surpris d’entendre Emilia Monjowa Lifaka leur annoncer que les députés allaient se réunir en juin 2021 dans le cadre d’une plénière spéciale consacrée à la question anglophone.

Leadership politique

Le but annoncé d’un tel rendez-vous est de donner aux élus l’opportunité d’interroger l’essentiel des parties prenantes au sein du gouvernement sur l’exécution des politiques publiques destinées à mettre un terme aux violences. Les députés pourraient par exemple interpeller les ministres non seulement sur l’implémentation des recommandations du Grand Dialogue National de septembre 2019, ou encore sur des questions plus infrastructurelles. À ce titre, certains ont d’ores et déjà commencé à remonter leurs inquiétudes sur les atermoiements dans les Centres de désarmement, de démobilisation et de réinsertion des ex-combattants. Des questions que l’honorable Monjowa n’aura pas l’heur d’écouter ou même de formuler elle-même !

Elle s’en va après avoir pourtant fourni un effort immense pour parvenir à convaincre le bureau de l’Assemblée nationale – c’est-à-dire Cavaye Yeguié Djibril et le groupe Rdpc – d’aller vers cette plénière ! D’abord parce que dans l’esprit de beaucoup, une telle sortie ne peut être validée que si le président Paul Biya marque explicitement son accord. Et surtout, la revendication d’une session spécialement consacrée à la crise anglophone est en réalité un combat que porte l’aile radicale du Social Democratic Front depuis la dernière législature. On se rappelle encore des saillies de Joseph Wirba devant ses collègues en 2016 au tout début de la crise. L’ancien député, désormais réfugié à Londres, a d’ailleurs depuis rejoint les rangs des hérauts de l’irrédentisme au Noso.

Pour madame Monjowa donc, arriver à dépasser ce contexte et à récupérer cette idée a été un tour de force politique. Un tour de force qu’en réalité, elle était la seule à pouvoir impulser dans le contexte actuel, souligne un député .

Pétition américaine

Patronne politique de fait de la région avec le désengagement progressif du Mfon Mukete, ces dernières années, elle a pu assister aux premières loges à la complication de la situation sur le terrain. Son initiative n’a pas pu être soupçonnée d’arrière-pensées puisqu’en même temps, madame Monjowa Lifaka était considérée, jusqu’à sa mort subite, comme l’une des militantes les plus fidèles au Rdpc et au président Biya – malgré quelques couleuvres qu’il lui aura fait avaler .

C’est elle qui est à la manœuvre au mois de février dernier pour apporter une réponse à la pétition des membres du Congrès américain initiée par des associations d’immigrés camerounais. La démarche est certes très polémique et ne convainc pas tout le monde, même dans les rangs du Rdpc. Qu’importe ! L’enjeu pour Emilia Monjowa Lifaka est de faire une contre-pression au gouvernement américain afin qu’il rapatrie les Camerounais en situation irrégulière aux États-Unis où une frange de compatriotes expatriés est soupçonnée de financer les insurgés dans le bush.

Accessoirement ( ?), elle a pris le lead politique sur la question anglophone jusqu’ici restée la chasse-gardée de quelques faucons de la trempe de Paul Atanga Nji. Preuve de son efficacité, la femme forte de Bonjongo à Buea avait réussi à convaincre son collègue Joshua Osih, accessoirement 1er vice-président du SDF à signer cette lettre. Un baroud d’honneur avant d’être emportée par un malaise quelques semaines plus tard.

Par Jean Omb Njéé

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