Quelles sont les différentes sources de financements climatiques ?
D’emblée, la finance climatique est entendue comme un financement visant à promouvoir les actions et initiatives d’atténuation (réduction des émissions/séquestration des GES) et d’adaptation (renforcement des systèmes humains et naturels face aux risques climatiques). On distingue ainsi deux principales sources : publiques et privées. Les sources publiques peuvent provenir des bailleurs de fonds internationaux (GCF, GEF, AF, etc.), du financement national (budget national, impôts et taxes, etc.) ou encore de la taxe carbone. Les sources privées incluent des donateurs privés (philanthropies, RSE), des institutions financières (banques, compagnies d’assurance, fonds de pension, gestionnaires d’actifs, etc.), des entreprises, des ménages et même les marchés du carbone. Notons toutefois une troisième catégorie appelée financements innovants, pour laquelle des discussions sont en cours concernant leur encadrement. Parmi ces mécanismes, on trouve les obligations vertes (Green Bonds), les échanges de dette contre action climatique (Debt-for-Climate Swaps), la taxe carbone internationale, la taxe sur les transactions financières, le financement basé sur les résultats (Results-Based Finance), le financement mixte, les mécanismes d’assurance climatique, les fonds souverains climatiques, ou encore les cryptomonnaies vertes, entre autres.
Des objectifs de financement climatique ont été fixés pour préserver l’environnement, notamment le projet des 100 milliards de dollars, qui n’a pas atteint les résultats escomptés. Aujourd’hui, les perspectives portent sur une augmentation de la cagnotte à 1300 milliards de dollars, soit dix fois plus que la précédente recommandation, est-il possible de croire que les prochaines, qui seront adoptées lors de la COP 29, pourront aboutir ?
Nous restons optimistes quant à l’aboutissement des recommandations de la COP29, prévue du 11 au 22 novembre 2024. Il faut noter que le projet des 100 milliards USD était avant tout politique et visait à rétablir la confiance entre les parties. Il n’était ni fondé sur des éléments scientifiques, ni dérivé des besoins des pays en développement. Actuellement, des discussions et négociations sont en cours pour la validation et l’adoption d’un nouvel objectif collectif chiffré (NCQG en anglais), qui serait davantage aligné sur les besoins des pays en développement (PED), d’où le montant de 1300 milliards USD/an jusqu’en 2030. Les parties et observateurs continuent d’en débattre tout en tirant les leçons de l’objectif des 100 milliards de dollars, notamment en ce qui concerne la mobilisation du financement climatique. Lors de la COP26 à Glasgow en 2022, un programme de travail ad hoc avait été lancé pour initier les délibérations du NCQG, lesquelles devraient théoriquement aboutir à la COP29. Les pays en développement plaident pour une augmentation du financement pour l’adaptation, afin de rééquilibrer l’allocation des fonds entre atténuation et adaptation. Bien que des fonds comme le Fonds Vert pour le Climat (FVC) aient commencé à adopter des stratégies plus équilibrées, le financement climatique reste disproportionnellement orienté vers l’atténuation. Ce déséquilibre est regrettable, car les PED ont davantage besoin de fonds pour l’adaptation. Nous espérons que les recommandations de la COP29 changeront la donne grâce à un NCQG révisé.
Les acteurs de la lutte contre la détérioration de l’environnement, notamment Greenpeace Afrique, ont formulé des doléances auprès du président du groupe africain de négociation (AGN) concernant le nouvel objectif collectif et quantifié, qui inclut l’obligation pour l’industrie des combustibles fossiles et d’autres secteurs fortement émetteurs de payer des taxes pour les dommages causés par leurs produits. Si ces doléances venaient à être adoptées lors de la COP29, quelles seraient les mesures prises pour contraindre les pollueurs à s’acquitter de ces taxes ?
Quelles que soient les mesures qui pourraient être adoptées à l’issue de la COP29, il faut tenir compte des rapports de force déséquilibrés, des influences et des enjeux nationaux, qui illustrent la complexité de leur mise en œuvre. Celle-ci dépend de plusieurs facteurs, parmi lesquels la volonté politique des États, qui est primordiale. Ensuite viennent des facteurs secondaires tels que la coopération internationale, la capacité à surmonter la résistance des industries concernées et les réalités économiques et de développement propres à chaque continent, notamment en Afrique. Parmi les mécanismes qui pourraient contraindre les pollueurs à payer, on pourrait envisager : des comités de conformité pour surveiller les engagements et imposer des sanctions économiques ou diplomatiques aux pays non-conformes ; un cadre juridique international imposant des obligations légales aux États signataires, qu’ils devraient transposer dans leur législation nationale ; la création d’un tribunal chargé de poursuivre les entreprises pour dommages climatiques et permettre des litiges transnationaux ; des obligations de divulgation pour les entreprises quant à leurs émissions et leur exposition aux risques climatiques ; des conditionnalités pour l’accès aux aides et financements, conditionnées à la conformité avec les objectifs climatiques ; des accords sectoriels fixant des objectifs et sanctions spécifiques pour les secteurs fortement émetteurs ; ou encore des fonds de compensation financés par des taxes sur les industries polluantes. Cette liste n’est pas exhaustive.
Les COP se succèdent, des recommandations sont adoptées sur les financements climatiques, mais rien ne fonctionne. Qu’est-ce qui bloque, selon vous ?
La principale entrave, selon moi, est le manque de volonté politique. Ce sont les États qui signent les accords et s’engagent à mettre en œuvre les recommandations. Les manquements observés jusqu’à présent découlent souvent de laxisme de la part des États, qui sacrifient l’environnement sur l’autel du développement « à toutva ». Par ailleurs, il y a une forme d’hypocrisie chez certains acteurs, notamment les pays développés, qui devraient fournir les financements publics aux PED. Il est incompréhensible que l’objectif des 100 milliards n’ait pas été atteint, alors que plus de 2 000 milliards USD ont été alloués à l’armement, 7 000 milliards USD aux hydrocarbures, et plus de 11 000 milliards USD à la relance des économies après le COVID-19. Il est donc évident qu’avec un peu de volonté, mobiliser 1 300 milliards USD n’est pas hors de portée pour les pays développés.
La fiscalité environnementale est largement utilisée dans les pays développés. Existe-t-il une politique fiscale similaire dans les pays en développement ?
Oui, plusieurs pays en développement ont adopté des politiques fiscales environnementales, bien que souvent à une échelle plus limitée et avec des approches différentes. De nombreux pays africains, par exemple, ont mis en place des taxes sur l’extraction des ressources naturelles, des droits d’accise sur les carburants, des taxes sur la pollution de l’eau ou de l’air, ou encore des incitations fiscales pour les énergies renouvelables. Au Cameroun et en Afrique Centrale, des systèmes de paiement pour services écosystémiques sont en cours de mise en œuvre, ainsi que des fonds environnementaux alimentés par des taxes spécifiques. Cependant, des obstacles subsistent, notamment des capacités administratives limitées et des préoccupations sur l’impact de ces politiques sur la compétitivité économique.
Quels types de mesures fiscales peuvent être utilisées pour la gestion de l’environnement ?
Plusieurs mesures fiscales peuvent être utilisées comme instruments de politique environnementale. Parmi celles-ci, on trouve :
– Les taxes environnementales directes visant à dissuader les activités polluantes, comme la taxe carbone sur les émissions de GES, les taxes sur les polluants atmosphériques (NOx, SO2), ou les redevances sur l’extraction de ressources naturelles.
– Les incitations fiscales qui encouragent les comportements respectueux de l’environnement, tels que les crédits d’impôt pour les installations d’énergies renouvelables ou les exonérations fiscales pour les entreprises engagées dans le recyclage.
– Les systèmes de tarification basés sur le marché, comme les mécanismes de développement propre (MDP), les systèmes de plafonnement et d’échange (cap-and-trade) pour les émissions de CO2, ou les systèmes de compensation carbone.