Le gouvernement veut renforcer l’autonomie des collectivités territoriales décentralisées au moyen d’une nouvelle loi sur la fiscalité locale qui devrait être votée à l’issue de la session parlementaire en cours. Car si la fiscalité reste la principale source de revenus des collectivités territoriales décentralisées, sa contribution à la prise en charge de leurs dépenses reste insuffisante, comme le souligne l’exposé des motifs du projet de loi sus-mentionné « la limitation du rendement des Centimes Additionnels Communaux restreints à seulement trois impôts d’État ; la pluralité d’impôts communaux à faible rendement ; un dispositif embryonnaire pour les prélèvements régionaux, avec des impôts affectés peu rentables et enfin des prélèvements directs locaux peu efficaces, caractérisés par des assiettes étriquées et des coûts d’administration élevés », peut-on lire dans le document.
Ces réformes fiscales proposées par le gouvernement rentrant dans le cadre du processus de la décentralisation s’appuient sur six propositions pour améliorer le financement des CTD. Parmi celles-ci figure la revalorisation à 1 % du taux du droit d’accises spécial destiné à financer l’enlèvement et le traitement des ordures, au profit des CTD. Dans un décret signé le 24 juillet 2023, le Premier ministre, Joseph Dion Ngute, avait précisé les modalités de recouvrement, de reversement, de répartition et de centralisation du produit du droit d’accises spécial destiné aux CTD pour le financement de la collecte des ordures ménagères. Ce dispositif prévoit que 95 % des recettes issues de ce droit soient allouées aux communautés urbaines et aux communes, répartis comme suit : 17,5 % pour Yaoundé, 17,5 % pour Douala, 35 % pour les autres capitales régionales et communautés urbaines, et 25 % pour les municipalités.
200 MILLIONS DE FCFA POUR LE RAMASSAGE DES ORDURES MÉNAGÈRES À YAOUNDÉ
Le droit d’accise est un impôt indirect perçu sur certains produits spécifiques, généralement de grande consommation, en raison de leur nature ou de leur impact social, économique ou environnemental. Ces produits incluent, entre autres, les boissons alcoolisées, les tabacs, les hydrocarbures, les produits sucrés et d’autres biens jugés non essentiels ou ayant des externalités négatives. « Nous n’avons pas assez d’argent et les charges incombant à la mairie de Yaoundé dans le cadre de la gestion des ordures induisent des coûts », avouait en juillet 2023, le maire de la capitale, Luc Messi Atangana. Ainsi, la Communauté urbaine de Yaoundé (CUY) plaide pour un élargissement de l’assiette fiscale dédiée au financement de la collecte des déchets. Cela pourrait se réaliser soit par la création d’une taxe locale, soit par l’augmentation du taux d’imposition du droit d’accise spécial destiné au financement de l’enlèvement et du traitement des ordures. Parce que la crise de la gestion des déchets persiste dans les grandes villes du Cameroun.
A Yaoundé, le gouvernement a accordé en septembre 2024, un financement spécial pour y faire face. « Est autorisé le mandatement de 200 millions de Fcfa au profit de la Communauté urbaine de Yaoundé (ramassage des ordures ménagères) représentant un appui financier exceptionnel de l’Etat pour l’opération d’éradication de l’insalubrité dans la ville de Yaoundé au titre de l’exercice 2024 », avait écrit Louis Paul Motaze, ministre des Finances. Institué par la loi des finances de 2019, ce taux était initialement fixé à 0,5% de la base imposable de toutes les marchandises importées, à l’exception des importations en franchise prévues par l’article 276 du Code des douanes de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac). Ce taux a été revalorisé à 1% dans la loi de finances de 2022, doublant ainsi le montant collecté cette année-là.
L’on apprend que le droit d’accises spécial sur les importations est collecté et centralisé mensuellement au Fonds Spécial d’Équipement et d’Intervention Intercommunale (Feicom), tout comme les autres recettes de péréquation, notamment les Centimes Additionnels Communaux (CAC). En sa qualité de banque des communes, le Feicom établit trimestriellement des états financiers qu’il transmet à son organe de tutelle, le Ministère de la Décentralisation et du Développement Urbain (Minddevel).
AUTRES INNOVATIONS DU PROJET DE LOI
En vue de renforcer la politique fiscale des communes, l’Impôt Général Synthétique (IGS) a été proposé pour les micros et petites entreprises réalisant un chiffre d’affaires inférieur à 50 millions de FCFA. Cet impôt remplace l’impôt libératoire ainsi que sept autres taxes communales. Parmi les autres innovations prévues, le document met en avant l’affectation aux régions de l’intégralité des recettes issues du droit de timbre sur les cartes grises, ainsi qu’une part des revenus de la Taxe Spéciale sur les Produits Pétroliers (TSPP), destinée à l’entretien routier. En plus, le Feicom sera chargé de centraliser une quote-part de 70 % des taxes perçues par les régions, affectée à la péréquation, à l’exclusion du droit de timbre sur les cartes grises.
Pour les redevances pétrolières, gazières et minières, cette quote-part est fixée à 50 %. Plusieurs mesures de modernisation des procédures fiscales sont aussi envisagées. Il s’agit de la transformation des Centres divisionnaires des Impôts (CDI) en Centres de fiscalité locale et des particuliers (CFLP) pour une meilleure collecte des recettes ; la dématérialisation des processus fiscaux locaux, couvrant l’immatriculation, la déclaration et le recouvrement des impôts et taxes et la suppression des paiements en espèces au profit de modes de paiement sécurisés. Ce projet de loi intervient dans un contexte où, au cours de l’exercice 2022, les recettes de l’État allouées aux CTD s’élevaient à environ 226,9 milliards de FCFA, représentant près de 1 % du Produit Intérieur Brut (PIB). En revanche, les taxes communales recouvrées atteignaient seulement 24 milliards de FCFA, soit 0,1 % du PIB.
Par ailleurs, le rendement des prélèvements constituant les impôts communaux a enregistré une moyenne annuelle de 33 milliards de FCFA entre 2015 et 2019, avec une progression modérée d’environ 4,3 % par an. Le document déposé sur la table des députés le 13 novembre dernier veut réformer le cadre juridique et renforcer l’autonomie financière des Collectivités Territoriales Décentralisées. Cela vise à mieux satisfaire les exigences de la loi N° 2019/024 du 24 décembre 2019, relative au code des CTD, ainsi que celles de la Stratégie nationale de Développement à l’Horizon 2030 (SND 30). Atteindre cet objectif nécessite une augmentation des sources de financement.