Le gouvernement camerounais tire la sonnette d’alarme face à l’inefficacité persistante du système de gestion des déchets. « L’année dernière, et cette année encore, près de 24 milliards de FCFA ont été mobilisés par l’État pour aider les populations à se débarrasser des ordures », a déclaré Célestine Ketcha Courtès, ministre de l’Habitat et du Développement urbain, lors du lancement, le 6 mai à Yaoundé, des états généraux consacrés à la gestion des déchets urbains. Un investissement colossal que la ministre juge insuffisamment valorisé. « C’est beaucoup », a-t-elle déploré avec fermeté, dénonçant le fait que ces fonds ne servent qu’à l’acheminement des déchets vers des centres de dépôt, sans aucune transformation ni valorisation.
Face à cette situation, le gouvernement a décidé de réunir les acteurs clés – ministères, collectivités locales, urbanistes et experts – pour réfléchir à des solutions concrètes. Coorganisées par les ministères de l’Habitat et de la Décentralisation, ces assises visent à poser les bases d’une stratégie nationale concertée, capable de rompre avec la dépendance chronique à l’appui étatique et d’intégrer pleinement les déchets dans une logique d’économie circulaire.

UNE URGENCE AMPLIFIÉE PAR L’URBANISATION
Le défi est de taille. Le Cameroun, confronté à une urbanisation rapide et à une croissance démographique soutenue, voit sa production de déchets exploser. En 2022, le taux d’urbanisation atteignait 59,4 %, contre 28,5 % en 1976. À Yaoundé, cette pression se traduit par 20 000 tonnes de déchets supplémentaires par an, une charge que les infrastructures de collecte et de traitement peinent à absorber. Parallèlement, la diversification des activités urbaines entraîne une augmentation des déchets non biodégradables, notamment les plastiques. Leur accumulation obstrue les systèmes d’assainissement, exacerbe les risques d’inondation et dégrade l’environnement urbain.
La ministre insiste sur le fait que seule une refonte stratégique du système peut répondre durablement à ces enjeux environnementaux et sanitaires. Selon les données officielles, le Cameroun produit environ six millions de tonnes de déchets chaque année. À Douala et Yaoundé, les deux plus grandes villes du pays, les taux de collecte ne dépassent respectivement pas 70 % et 50 %.
Pourtant, ces déchets représentent une ressource inexploitée. « Lorsque l’on entre dans l’économie circulaire, on découvre que 80 % des ordures ménagères peuvent être transformées en compost biologique », a souligné la ministre, s’exprimant également en tant qu’ancienne maire de Bangangté. Pour elle, ce recyclage offre des bénéfices multiples, notamment l’embellissement des villes, protection des infrastructures, l’amélioration de la santé publique et la préservation de l’environnement.
UNE CONSULTATION NATIONALE POUR DES SOLUTIONS CONCRÈTES
En amont de ces états généraux, une vaste consultation a été menée à l’échelle nationale. Les gouverneurs ont mobilisé les parties prenantes régionales, tandis que les ministères ont recueilli les contributions de la diaspora et d’experts internationaux. Entre le 15 et le 30 avril, ces propositions ont été analysées pour formuler des recommandations alignées sur les ambitions du président de la République.
Loin d’une rencontre théorique, les discussions se sont articulées autour de trois axes majeurs à savoir ; la gouvernance, les infrastructures et la mobilisation citoyenne. Un plan structuré sera mis en place, intégrant des propositions à court, moyen et long terme, avec une estimation des coûts et des perspectives concrètes pour faire des déchets une véritable ressource économique. L’objectif est de transformer ces ordures en richesses, réduisant ainsi progressivement la dépendance au financement public et favorisant un modèle plus durable et autosuffisant. Afin de bâtir, espère le membre de gouvernement, un système cohérent et pérenne capable de transformer les ordures en ressources, tout en assurant un cadre de vie sain aux populations urbaines.