Plus que quelques heures avant la proclamation du résultat de l’élection présidentielle du 7 octobre dernier, par le Conseil constitutionnel. Si un ou deux candidats à ce scrutin peuvent encore retenir leur souffle, les électeurs eux, ne savent où donner de la tête. La guerre des chiffres ayant eu lieu au cours des derniers jours, avec des chiffres – supposés officieux mais crédibles – qui ont foisonné sur les réseaux sociaux ou dans certains supports médiatiques. Selon ces tableaux récapitulatifs des suffrages exprimés lors de cette élection, la victoire de Paul Biya serait sans appel. Des chiffres qui, à en croire ceux qui les divulguent, seraient issus du rapport de la Commission nationale de recensement après décompte des voix exprimées sur l’ensemble du territoire camerounais et dans la diaspora, donnant vainqueur le président sortant avec 71,28 % des voix, contre 14,23 % pour Maurice Kamto, candidat du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC), 6,28 % pour Cabral Libii, challenger de l’Union nationale pour l’intégration vers la solidarité (Univers) et 3,35 % pour Joshua Osih du Social democratic front (SDF). Un petit calcul permet également de comptabiliser 3 537 717 personnes dont les votes ont été pris en compte, pour un fichier officiel de 6 587 383 électeurs.
Biya vainqueur à quelques anomalies près
Or, toujours sur les mêmes réseaux sociaux, un second tableau « récapitulatif des suffrages exprimés par candidat sur le territoire national » fait état d’une victoire du candidat Paul Biya avec 71,09 % cette fois, devant Maurice Kamto (14,40 %), Cabral Libii (6,32 %) et Joshua Osih (3,19 %). Pour un total de 3 462 773 suffrages valablement exprimés. Le problème, c’est que, l’addition de tous les suffrages exprimés tels que présentés dans le tableau donne un total de 3 479 564 voix au lieu du total noté sur le document. Pire encore, l’ensemble des pourcentages des différents candidats sensé être de 100 % atteint les 100,48 %.
Une stratégie politique du régime?
Selon des commentateurs, le fait que des chiffres sensés provenir des rapports de la Commission nationale de recensement et dont la publication est interdite par la loi, se retrouvent sur l’espace public serait une stratégie politique mise en place par le pouvoir de Yaoundé qui voudrait préparer les Camerounais à accueillir le triomphe du président-candidat sortant. « Certes, les travaux de la commission nationale de recensement général des votes étaient publics, mais, prendre la décision de publier, ex-cathedra, les résultats de l’élection présidentielle, travail qui est dévolu au conseil constitutionnel, instance ayant le rôle de la publication des résultats, il y a, sans conteste, anguille sous roche », argue Serge Aimé Bikoi, sociologue.
Par Arthur Wandji