La loi de finances 2025, qui prévoit un abattement de 50 % sur la valeur des véhicules électriques importés, s’inscrit dans une démarche double : lutter contre le changement climatique et stimuler l’adoption des technologies propres. Si cette mesure fiscale vise à réduire le coût d’acquisition des véhicules électriques, les acteurs du secteur pointent du doigt un obstacle majeur : la disponibilité insuffisante des bornes de recharge sur les axes routiers. « La disponibilité des bornes de recharge, c’est justement la principale contrainte évoquée aujourd’hui pour l’arrimage à l’électrique », souligne Wadih Assaad, directeur général de 3S Motors Cameroun dans les colonnes de l’hebdomadaire gouvernemental Cameroon Business Today.
Ce constat met en exergue la nécessité de développer rapidement des infrastructures adaptées, notamment sur des axes stratégiques comme Douala-Yaoundé, où Total s’investit activement dans l’installation de points de recharge. Dans le cadre du lancement du programme pilote de promotion de la mobilité électrique, le ministre des Transports, Jean Ernest Massena Ngalle Bibehe, avait déclaré en juillet 2024 : « C’est une initiative importante pour notre pays. Nous allons adjoindre dans ce projet les collaborateurs de l’Environnement, de la Protection de la Nature et du Développement Durable (Minepded) pour que le travail soit réalisé en parfaite synergie. Je tiens à dire que je n’ai aucun doute sur sa faisabilité. »
Cette collaboration interinstitutionnelle témoigne d’une volonté forte de créer un écosystème propice à l’essor de la mobilité électrique, en associant les différents acteurs pour surmonter les défis techniques et logistiques. Néanmoins, certains experts restent prudents quant aux retombées économiques de ces mesures. Julien Bikouth, ingénieur général en construction automobile, met en garde : « Il faut reconnaître que les véhicules électriques coûtent cher à l’acquisition par rapport aux moteurs thermiques. Faire un abattement de 50 % sur les frais de douane ne va pas nécessairement galvaniser les importateurs. En comparant les coûts, l’importateur se rendra compte rapidement qu’il est plus avantageux d’opter pour un moteur thermique. » Ce constat met en lumière le besoin de repenser l’ensemble de la chaîne de valeur pour que l’électrification devienne réellement compétitive sur le marché.
UN CONTEXTE ÉNERGÉTIQUE EN PLEINE MUTATION
Le projet s’inscrit dans un contexte énergétique complexe. Le Cameroun fait face à des défis liés à un approvisionnement en électricité parfois insuffisant en raison d’infrastructures vieillissantes. Pour pallier ces lacunes, l’État a engagé d’importants investissements dans la construction de barrages, comme celui de Nachtigal, qui devrait permettre de doubler, voire tripler, la capacité actuelle de production. Par ailleurs, des partenariats, notamment avec Total Cameroun, visent à intégrer la recharge solaire aux côtés des réseaux classiques, capitalisant sur l’abondance du soleil dans la région. Avec l’adoption de la loi de finances 2025, une première vague d’importations de véhicules électriques, principalement des motos et des taxis, est prévue.
L’objectif est de représenter entre 10 et 15 % des ventes totales de véhicules dès les premiers temps de cette transition. Selon Vivacar, entité de Société Générale spécialisée dans le financement innovant, le classement des 10 voitures électriques à petit prix en vente en 2025 situe leurs coûts entre 11 millions de FCFA (16 900 euros) et 22,4 millions de FCFA (34 000 euros). Toutefois, le véritable potentiel du marché résiderait dans les motos, tricycles et camionnettes de livraison, qui, grâce à leur faible émission de bruit et l’absence de gaz CO₂, devraient rapidement conquérir les villes. Des initiatives de déploiement dans d’autres villes africaines, telles que Abidjan, sont également envisagées, afin de renforcer la présence des véhicules électriques sur des axes stratégiques comme celui reliant Douala et Yaoundé.