Le non-respect des normes d’urbanisme est pointé du doigt. Annuellement, moins de 10% de constructions sont couvertes par des permis de bâtir.

Deux incidents, dont un ayant fait des morts, ont été enregistrés en l’espace d’un mois dans la ville de Douala. Le cas le plus récent date du 14 juillet dernier. L’échafaudage d’un immeuble au quartier Akwa lieu dit Douala Bar a complètement lâché, faisant deux morts et plusieurs ouvriers blessés. D’après des informations glanées, cet échafaudage en bois avait fini par s’affaiblir du fait de la variation des intempéries. Mais, la véritable cause de ce drame serait le non-respect des dispositions du permis de bâtir. D’après le coordonnateur du guichet de facilitation des actes d’urbanisme à la communauté urbaine de Douala, le promoteur de cet immeuble avait obtenu une autorisation en début d’année 2020 pour la construction d’un bâtiment de type sous-sol, rez de chaussée et deux étages. Pourtant ; il était déjà à quatre étages. « il y a eu des sommations qui ont été faites à ce promoteur d’arrêter ce chantier et à se conformer aux dispositions de son permis de construire. Malheureusement, les travaux ont continué », a expliqué Beb A Ikoue lors d’une sortie médiatique.

Avant le cas d’Akwa, un immeuble R+7 au quartier Bonanjo s’est écroulé en fin juin. Les architectes et urbanistes interrogés sur la question sont unanimes. La construction est un travail de chaîne et une fois qu’une étape n’est pas respectée, ce type de situation peut survenir. En dehors des aspects techniques comme les études préliminaires, le respect des normes, la qualité des matériaux, la mobilisation de diverses expertises, l’un des éléments importants c’est l’obtention du permis de bâtir. Cette pièce semble d’autant plus essentielle qu’elle est délivrée par la communauté urbaine suite à l’avis d’une commission qui regroupe plusieurs acteurs. Notamment les ministères en charge de l’habitat et de l’environnement, les ordres professionnels des ingénieurs architectes, urbanistes, le corps des sapeurs-pompiers, le labogénie, les différentes mairies d’arrondissements.

D’après les données de la CUD, peu de personnes sollicitent ce document. « 600 à 1000 permis de construire sont délivrés dans la ville de Douala alors que les statistiques montrent que les occupations du sol se font à un rythme de 5000 -6000 constructions par an », indique Beb A Ikoué. Interrogés, les habitants accusent les difficultés liées à l’obtention du titre foncier, pièce préalable pour la demande du permis de bâtir. Le circuit d’obtention de ce permis étant lui aussi réputé sinueux. Dans le même temps, la qualité du sol de la ville de Douala est présentée comme un facteur majeur dans la chute des immeubles.

Interview

Robert Medjo Eko, geotechnicien

« Les sols de Douala se tassent assez facilement« 

Le professeur titulaire de géotechnique précise les divers facteurs pouvant contribuer à l’affaissement des immeubles. Il éclaire spécifiquement sur l’impact du sol de Douala et le rôle du géotechnicien dans la prévention des accidents.

Nous avons observé ces dernières semaines, l’effondrement d’immeubles dans la ville de Douala. Comment percevez-vous vous de ce phénomène ?
Chaque fois qu’un bâtiment en construction ou un vieil immeuble s’effondre, on enregistre une onde de choc au sein de la population. Si on s’en tient aux statistiques, il n’y a pas lieu de paniquer parce qu’au cours d’une période donnée, le nombre d’immeubles qui s’effondrent est très négligeable lorsqu’il est comparé à celui des bâtiments qui demeurent stables. C’est un phénomène que connaissent beaucoup de villes à travers le monde. Il est très souvent causé par une combinaison de plusieurs facteurs. Pour le cas spécifique de Douala, les effondrements peuvent être causés par l’un au moins des facteurs suivants : erreurs dans la conception du bâtiment ; usage de matériaux de mauvaise qualité pendant la construction ; mauvaise exécution des travaux couplée à une supervision laxiste ; vieillissement précoce du bâtiment ; absence de maintenance du bâtiment ; défaillance des fondations du bâtiment ; exécution d’une excavation qui déstabilise l’immeuble construit dans la propriété adjacente etc. Il y a également lieu d’attirer l’attention du citoyen ordinaire sur le fait que l’apparition de fissures dans un bâtiment est un signe qui annonce que le ‘’bâtiment est stressé’’. Et ce signe avant-coureur peut se muer en un effondrement plus tard.
Quelles sont les caractéristiques des sols de douala et quelle est leur incidence sur les constructions ?
Les sols fermes de Douala sont généralement des sols constitués d’un mélange de sable et d’argile. Sur le plan technique, on les désigne par les termes d’argile sableuse ou de sable argileux. L’usage d’un terme au détriment de l’autre dépend des proportions de sable et d’argile que l’on retrouve dans le mélange. Une étude récente (Zoa Ambassa et Amba Chills, 2020) a révélé que sur le plan géotechnique, les sols de Douala appartiennent à la famille de sols compressibles. Ces sols se caractérisent par une déformabilité élevée, une faible perméabilité qui varie avec la déformation, une résistance limitée c’est-à-dire que ces sols se tassent assez facilement sous l’effet d’une charge appliquée. Ces sols présentent cependant une résistance de plus en plus élevée vers la base du profil d’un site. Sur la base de ces informations, le Géotechnicien conçoit son système de fondation en veillant que la charge transmise par un élément structural (poteau ou voile) au sol support soit compatible avec la capacité portante de la strate de sol qui supportera cet élément structural. Compte tenu de la faible résistance du sol, il faut s’attendre à ce que les immeubles qui appliquent des charges importantes au sol support (R+4 et plus) soient ancrés suffisamment profondément dans le sous-sol.
En tant que géotechnicien, quelles recommandations pouvez-vous formuler ?
Quelle que soit la taille du projet, pour éviter des inquiétudes et un éventuel effondrement de bâtiment générés par un comportement erratique du sol support, il est conseillé à chaque promoteur de se faire accompagner par un géotechnicien. Selon une adaptation de la norme française NF P 94 500 qui définit les missions des activités géotechniques, l’intervention du Géotechnicien peut être décomposée en 3 phases dans un projet de fondation d’immeuble : étude préliminaire du sol, étude géotechnique de conception et étude géotechnique d’exécution. Le géotechnicien fait l’étude, puis le suivi de l’exécution des travaux de fondation afin de contrôler le contexte géologique du sous-sol réel qui se révèle au fur et à mesure que les travaux évoluent. Il doit alors déceler toute anomalie, tout écart par rapport à ses prévisions, de façon à prendre au plus vite les mesures qui s’imposent pour prévenir tout accident.

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