Des maisons d’habitations et des marchés occupent des espaces inappropriés avec des risques d’inondation et de naissance de bidonvilles.
Selon les données fournies par la mairie de la ville de Douala, les demandes de permis de bâtir ne représentent pas 10% des constructions existantes. Le constat est donc clair. L’occupation du sol se fait de manière anarchique. En plus de la mauvaise volonté pour certains et pour d’autres la méconnaissance des textes, les urbanistes pensent que cette situation est également causée par des imprévus démographiques. Selon l’Ordre National des Urbanistes du Cameroun, environ 500 000 personnes ont migré ces dernières années vers les villes de Yaoundé et Douala. La capitale économique à elle seule accueillerait le plus de flux des personnes qui y viennent pour chercher du travail dans les nombreuses industries qui y sont installées ou se lancer dans une activité économique. La conséquence directe de ces imprévus démographiques est finalement la difficulté pour ces nouvelles personnes à se loger. Elles sont donc pour la plupart contraintes de s’installer sur des espaces inappropriés pour l’habitat comme les zones humides qu’on appelle généralement marécages.
90 000 titres fonciers sur plus de 800 000 constructions
Plusieurs secteurs de la ville de Douala identifiés comme non propices à l’habitat sont aujourd’hui envahis par des maisons d’habitation. Entre autres, le quartier grand hangar et Bonabéri dans l’arrondissement de Douala 4 eme, le front nord avec les quartiers comme PK 20 et la zone de Yassa et Japoma. La ville entame ainsi une sorte d’urbanisation vers les périphéries et la plupart des habitants de ces zones n’ont pas d’actes d’urbanisme. La ville dispose à ce jour d’environ 90 000 titres fonciers tandis que les données font état d’au moins 800 000 constructions. Soit un gap important entre les titres fonciers délivrés et les constructions existantes. L’autre occupation anarchique des sols a trait à la prolifération des marchés. Dans plusieurs zones de la ville, sont nés des marchés spontanés. L’essentiel des activités économiques relevant du secteur informel. Les conséquences de cette extension urbaine non contrôlée au plan environnemental sont notamment les inondations récurrentes. Au plan socioéconomique, les ménages se retrouvent exposés à ces dangers environnementaux mais aussi à un coût plus élevé de la vie. En allant plus loin de la ville, des coûts supplémentaires de transport par exemple surviennent. Il devient également plus difficile d’accéder à certains services sociaux de base comme l’éducation ou la santé, tout comme pour l’Etat d’offrir à la population des services comme les logements décents, l’énergie ou des infrastructures éducatives et sanitaires.
Les solutions de la mairie de la ville
La communauté urbaine de Douala s’est dotée en 2015 d’un plan de l’occupation des sols, qui selon l’exécutif actuel n’est malheureusement pas respecté. Le maire Roger Mbassa Ndiné a fait savoir au dernier forum économique Douala qu’il est prévu cette année de réviser ce plan qui ne cadre plus avec les réalités.
Au plan organisationnel, il a été créé à la CUD, un guichet unique de facilitation des actes d’urbanisme comme dans d’autres Communautés urbaines tel que prévu par un décret du premier ministre du 10 décembre 2018. Les objectifs de cette structure sont de simplifier les procédures d’accès et réduire les délais de délivrance des différents actes. Soit à 15 jours pour les certificats d’urbanisme et 30 jours pour les permis de construire. Ce guichet fonctionne depuis deux ans mais ne détient pas encore tous les instruments prévus. La Mairie de la ville envisage de les mettre tous en place d’ici 2022.
Malgré les efforts fournis, le nombre de personnes détentrices de titres fonciers est toujours faible. « En 2020, nous avons reçu 637 dossiers de demandes de permis de construire tandis que les constructions dans la ville de Douala se font à un rythme annuel d’au moins 6000 à 7000 constructions », explique le coordonnateur de ce guichet, Beb A Ikoue. L’exécutif compte désormais changer d’approche en vue d’amener la majorité de la population à se conformer aux lois en termes d’urbanisme pour éviter cette occupation anarchique du sol. Il est question notamment de sensibiliser sur les risques et mettre en place des facilités d’accès aux documents fonciers.
La CUD s’est par ailleurs dotée d’un plan directeur d’urbanisme à l’horizon 2025 dont le financement par des fonds publics uniquement reste insuffisant. La mairie de la ville entend se tourner vers d’autres mécanismes de financement comme le partenariat public privé.
Réaction
Guy Clarck, urbaniste
« Développer des logements accessibles à la classe moyenne »
« La population de Douala d’après les projections devrait passer de 2 ,1 à 3,7 millions d’habitants entre 2010 et 2020. Au vu des imprévus démographiques, on pourrait se situer aujourd’hui autour de 4 millions d’habitants. Du coup, les espaces humides vont souffrir, ce qui va engendrer la prolifération des bidonvilles. La collectivité doit anticiper sur l’occupation anarchique de l’espace. Il sera par exemple convenable de revoir le modèle d’occupation des sols, identifier les domaines qui sont la propriété de la collectivité et y développer des logements accessibles à la classe moyenne pour pouvoir endiguer l’expansion anarchique.
Il ya trois ans la CUD avait livré son projet de drains. Ces servitudes pour moi constituent des plus values foncières qu’il faudrait penser à valoriser. Nous constatons que ces emprises libérées commencent à être réaffectées à l’habitat et sont de plus en plus empruntées comme des voies de secours par les mototaxis pourtant ce sont des couloirs qui peuvent être aménagés en espaces verts par exemple. Nous invitons aussi les autorités à faire de la sensibilisation décentralisée auprès des regroupements de quartiers. Faire comprendre que lorsqu’un individu veut un lopin de terre, avant d’aller chercher le démarcheur, il faut d’abord se diriger vers la communauté urbaine, pour avoir le certificat d’urbanisme. Question d’être sûr que le terrain est convenable à la construction. Plus de 50% du tissu urbain de la ville est sous structurée et sans accessibilité, c’est pourquoi la CUD n’arrive pas à tirer les recettes des constructions qui sont faites. La Cud doit recenser les constructions qui ont des permis de construire ainsi se rassurer qu’elles ont des certificats de conformité cela permettra d’avoir une redevance qui permettra de financer les projets. »