Célestin Monga: « Mes propositions pour transformer l’économie camerounaise »

En conférence au Gicam, l’économiste, professeur en politiques publiques aux Etats-Unis, ancien de la Banque Mondiale et de la Banque Africaine de Développement suggère une nouvelle approche pour stimuler la croissance au Cameroun. Les obstacles, selon lui, ne sont ni la corruption ni le déficit infrastructurel…

Solutions aux 4 vrais déficits du Cameroun

«Nos réels problèmes économiques ont des raisons non économiques. Le déficit de leadership, le déficit de résolution de conflits, le déficit d’amour propre (Nous sommes en permanence en train d’attendre que les gens nous disent que ce que nous faisons est bien), le déficit de savoir et de connaissance (la volonté d’apprendre et de copier). Il n’y a pas une situation que le Cameroun a vécu et qui n’a pas déjà été vécu ailleurs. Pourquoi ne pas envoyer chaque année des membres du gouvernement faire une formation dans d’autres pays ? Nous sommes curieux, sauf de bonnes choses. Une autre image sur le déficit de savoirs et de connaissances. En Afrique même dans les zones reculées vous allez trouver une excellente bière mais pas de l’eau à boire. Qu’est-ce que les brasseries connaissent, et que le gouvernement ne sait pas faire ? Il faut donc réduire l’irrationnel et inculquer l’altruisme à chaque citoyen. Seules les régions de l’Ouest et du centre sont mieux loties. On ne peut pas développer un pays si une immense majorité de nos populations sont dans la misère. La vraie clé, ce sont les idées et la capacité d’apprendre en permanence. Exploiter notre principal produit d’exportation qui est pour moi, le talent. Les camerounais sont très intelligents. La clé pour faire croître une économie, en dehors du capital, du travail, de la technologie et la productivité tels que développés par Robert Solow, c’est les idées, apprendre en permanence. 

Une nouvelle politique macroéconomique

Il faut une politique budgétaire prudente mais pas tellement prudente qu’elle vous ferme complètement des poignées, les mains et par ce que vous voulez remplir tel indicateur de performance qu’on vous a donné dans un programme.

Dans un tel contexte, on peut se retrouver avec des situations où les enfants ne vont pas aller à l’école, les hôpitaux n’auront pas un équipement minimal pour recevoir les femmes qui viennent accoucher. De ce point de vue, sur la dette publique, je ne pense pas qu’on ait un problème de dette publique au Cameroun. Je pense que le problème des pays africains sur la dette, c’est que nous nous sommes laissés imposer une manière de mesurer la soutenabilité de la dette. On nous dit que la dette ne doit pas dépasser un tel seuil, mais il n’y a aucune théorie qui explique pourquoi. Ici à la Cemac comme dans toutes nos unions économiques régionales, on a copié collé le traité de Maastricht sur ce qu’on appelle les indicateurs de performance. On vous dit que la dette publique ne doit pas dépasser 60% du PIB. Pourquoi pas 50% ? Qu’est ce qui justifie cela ? rien. Et tout le monde accepte cela. Il faut savoir pourquoi on s’endette, c’est pour financer quoi ? Est-ce que ça va être rentable ? Cet investissement va-t-il permettre de payer la dette ? La dette peut être très bonne si elle est productive. Si elle finance des activités productives. La soutenabilité de la dette se mesure en comparaison à ce que vous allez vendre pour pouvoir payer cette dette. Et on ne le calcule pas très bien. Nos sous-sols sont remplis de ressources.

Sur le Franc CFA et la politique monétaire

On a trop politisé la question du franc CFA. Certains sont pour le franc CFA parce qu’ils disent qu’il nous donne de la stabilité. Et d’autres sont contre, par ce qu’ils sont contre la France. Pour moi la monnaie est un outil de politique macroéconomique. On doit simplement choisir ce qui donne les résultats. Ce qui va nous sortir sur le plan économique de la pauvreté, c’est essentiellement le commerce. L’industrialisation pour vendre. Mais le marché du Cameroun doit être le marché mondial Pourquoi limiter nos ambitions ? Et si la vérité économique est que l’industrialisation c’est produire et vendre, dans ce cas la monnaie devient très importante parce que c’est elle qui permet le lien avec l’extérieur. Actuellement c’est le FCFA qui est en réalité une version de l’euro. Ce qui veut dire que nous n’avons pas de facilités à contrôler, échanger des choses avec l’extérieur. Or vous ne pouvez pas faire le commerce à l’extérieur si vous avez une monnaie avec une parité fixe dans une zone monétaire et penser que vous allez croitre à 10% en 30 ans comme les chinois. L’Euro est une monnaie forte. C’est-à-dire que ça ne vous permet pas d’avoir vos produits locaux moins chers aux Etats unis, ou à des prix compétitifs en Chine. Parce que ça va arriver dans une monnaie forte. Donc il faut être pour la réforme de la zone franc, n’est pas être contre la France.

Même, l’Algérie, la Tunisie, le Vietnam étaient dans la zone franche. Ils en sont sortis. Personne ne leur en veut d’en être sorti. Il faut une vraie réflexion de bon sens, sans politiser. A mon avis, la Beac, la Bceao devraient organiser un débat franc sur le sujet pour voir quels sont les pour et les contre et voir comment faire.

Propositions pour l’industrialisation

Il faut faire du ciblage. C’est-à dire, le gouvernement, la société civile, le secteur privé ont eu de vraies études sur des secteurs actuels et potentiels où on peut être très compétitifs. Si on souhaite lancer industrie, on peut avec ces statistiques, regarder le cours mondial, les coûts de production, de transport etc.

Faire des analyses et voir s’il y a une viabilité mondiale au niveau économique pour ce produit. Si on pense simplement qu’on va libéraliser et puisque le marché va régler tous les problèmes, non. Tous ces gens, malaisiens, vietnamiens qui ont réussi ont réfléchi et ont réalisé qu’on ne peut pas créer 100 industries et avoir du succès sur la scène mondiale. Ils se sont dits, on va vers les plantes maraichères, celles où nous sommes les plus compétitifs. Ce ciblage doit être fait avec ceux qui commercialisent mais aussi les universitaires, les experts etc après avoir identifié les filières. Et en ce moment-là, mettre en place une politique d’infrastructures pour soutenir ces filières. Au lieu de dire qu’on va faire les infrastructures et se fermer.

Digitalisation, chaînes de valeur et zones économiques spéciales

Il faut une stratégie pour accélérer la digitalisation. On ne peut pas s’en sortir sans banque de développement. Ce n’est par ce qu’on avait fermé la Banque camerounaise de développement qu’il faut faire une croix dessus. Les banques de développement font ce que les banques commerciales ne peuvent pas faire. Dans ces banques, les ressources sont généralement des ressources à vue, donc des dépôts à court terme. Il est urgent d’en ouvrir et d’avoir même une pour l’agriculture pour faire l’agro-industrie.

Les épices, les fruits peuvent permettre d’engranger des milliards de FCFA chaque année par exemple. Il faut aussi développer les chaînes de valeur. Quand vous prenez un avion Boeing, chaque pièce est fabriquée dans un pays différent. Il faudrait aussi organiser des sessions de formation régulières pour les acteurs des PME et grandes entreprises. Puis, créer des zones économiques spéciales pour adresser les problèmes par secteur d’activités.

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Tatiana Meliedje est titulaire d'une licence en journalisme obtenue en 2014. Elle a une expérience diversifiée en presse écrite, télévision et en radio. Finaliste de la bourse RFI Ghislaine Dupont & Claude Verlon 2020, elle a ainsi figuré dans le top 10 des jeunes journalistes radio d’Afrique Francophone. Après des débuts dans la capitale camerounaise Yaoundé, elle est basée aujourd’hui à Douala, et travaille en tant que correspondante du journal d’expression économique Défis Actuels et de son site Newsducamer.com. Une orientation professionnelle soutenue par une formation en journalisme économique offerte en 2019 par le bureau pays de la Banque mondiale.

1 COMMENTAIRE

  1. Trop de bavardage pour rien, et malgré vos mille doctorats, vous tous soi-disant intellectuels n’arrivez pas à pointer la véritable cause du sous-développement : l’injustice. Vous croyez que si votre théorie est appliquée dans une société injuste les choses marcheront? C’est justement ça le problème : votre théorie ne peut pas être appliquée dans un système qui repose sur l’injustice. Mais vous pouvez toujours essayer. Il n’y a pas d’argent au Gicam?? Pourquoi attendre le gouvernement…?

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