samedi, mars 15, 2025
spot_img
spot_img
AccueilInterviewCatherine Gerst,« Des pays consacrent une part considérable de leurs ressources à juste...

Catherine Gerst,« Des pays consacrent une part considérable de leurs ressources à juste payer les intérêts de la dette »

L’ancienne Directrice générale de Moody’s France, invitée au séminaire sur les financements structurés, répond aux questions de Défis Actuels sur les mécanismes de financements des Etats, la dette et la notation financière.

Experte en stratégie financière, vous encouragez les Etats à faire recours à la titrisation pour se financer. Comment appréciez-vous  aujourd’hui l’usage de ce mécanisme de financement dans la zone Cemac en comparaison de la zone Uemoa ?

La zone Uemoa a commencé la titrisation comme un moyen récurrent de financement aussi bien pour les Etats que pour les entreprises et les banques il y a quelques années,  avec un cadre réglementaire tout à fait adéquat. Semble-t-il, suite à ce séminaire que le Cameroun et plus largement la zone Cemac ait l’intention de se lancer également dans ce type de financement. Et je pense que c’est une excellente chose. Comme je l’ai expliqué, c’est une source de diversification de financement dans des zones qui ont besoin de diversifier les financements  au regard de ce que les organisations multilatérales disent qu’elles allaient manquer elles-mêmes des financements dans le futur, et que  donc il fallait attirer des financements privés. La titrisation est un très bon  moyen de le faire. Et on le voit par ce que ça fonctionne bien dans la zone Uemoa. Il n y a pas de raison que ça ne se passe pas de la même façon ici.

 Qu’est ce qui selon vous fait de la titrisation, un meilleur mécanisme de levée de fonds comparé aux autres ?

Ce que la titrisation apporte de différent et de nouveau, c’est qu’elle permet de se servir des portefeuilles que l’on a à l’actif de son bilan : des portefeuilles de crédit pour les banques, ou de créance pour les entreprises, que l’on vend à une structure spéciale, qui lève l’argent dans le marché. La titrisation permet de transformer des actifs illiquides, tels que les créances, en titres négociables. Ça existe depuis très longtemps. C’est pratique. Sauf qu’autrefois, ce sont les banques qui apportaient l’argent. Maintenant, à travers cette technique, ce sont les marchés financiers. C’est-à-dire, aller chercher dans les marchés financiers, des ressources venant d’investissements privés, institutionnels, fonds de pension, fonds souverains, qui ne sont pas des ressources bancaires.

Le Cameroun est effectivement aujourd’hui  engagé dans une démarche de diversification de ses sources de financements, allant au-delà du secteur bancaire. Quels conseils pouvez-vous donner pour optimiser l’utilisation de la titrisation?

Premièrement, il faut que le Cameroun se montre. C’est-à-dire créer  une sorte de visibilité pour faire venir les investisseurs.  Leur donner confiance et leur montrer qu’on est prêt à mettre en place des produits innovants comme les opérations de titrisation, par ce qu’il y a longtemps eu cette demande de diversification. Les investisseurs veulent bien venir à  condition qu’on leur offre aussi en plus de la dette de l’Etat d’autres produits de financements  qui leur permettent de diversifier leurs apports. C’est très important de donner confiance par le cadre réglementaire. Le désir de le faire, le fait de montrer qu’on peut le faire aussi bien que les autres.

Au cours de ce séminaire, vous avez également abordé la question de la notation financière. On va dire, qui suscite beaucoup de polémique notamment sur la note souveraine des Etats africains.  Qu’est ce qui explique cela, vous qui avez dirigé Moody’s France?

La polémique  autour des agences de notation sur les notes souveraines des Etats,  n’est absolument pas propre à l’Afrique. On l’a connu dans la zone Euro. Et on continue de le connaître je dirai dans le monde entier par le fait qu’un État souverain a besoin de se faire noter s’il veut attirer des investisseurs internationaux. Dans ce domaine-là,  il existe trois grands notateurs qui sont les plus anciens, qui ont établi une certaine sorte de standards. Mais, ils l’ont établi en accord avec  investisseurs,  pas tous seuls. Et ce sont des standards qui conviennent aux investisseurs internationaux pour l’instant, en dépit parfois de quelques erreurs. Donc si un pays africain ou d’une autre zone, souhaite faire venir des investisseurs internationaux, aujourd’hui il n’existe pas d’autres possibilités que de se faire noter par l’une des agences acceptées  par les investisseurs internationaux  qui sont les trois agences essentiels. Maintenant, vous allez noter comme moi que l’Afrique vient d’annoncer la création d’une agence panafricaine. Je salue cette initiative. J’ai déjà dit que dans la zone euro nous ne sommes jamais arrivés à faire cela, à créer une agence paneuropéenne. Si  l’Afrique y arrive je dis bravo. Je sais que la route est semée de défis et l’un des défis c’est que si l’Afrique crée cette agence  comme elle l’a annoncée, il faudrait qu’elle envisage la quasi obligation de ne pas noter uniquement ses propres Etats mais de noter le reste du monde. Qu’elle devra noter la dette des États-Unis ou la dette de l’Europe ou des pays asiatiques. C’est assez savoureux  comme  idée. Si  une agence veut être crédible auprès des investisseurs internationaux il faut qu’elle note les autres zones. Vous imaginez bien qu’une agence panafricaine qui ne note que l’Afrique ça devient une agence locale. J’espère qu’une fois qu’elle sera établie, de venir noter  la France,  le Brésil etc. Et j’attends avec curiosité que  cela se fasse.Sortons par la dette souveraine des Etats.

A votre avis, à quel moment peut-on effectivement considérer la dette  d’un pays comme étant soutenable?

Les agences en matière de dette souveraine ne regardent qu’un point très précis,  c’est la capacité d’un État avec ses ressources à amortir son stock de dettes. Ça devient problématique quand une partie importante de ces ressources ne sert plus qu’à payer l’intérêt de la dette.  On en est à ce stade dans certains pays mais notamment en Afrique. Un grand nombre de pays consacre une part considérable de leurs ressources à juste payer les intérêts de la dette.  A partir de ce moment-là, ça ne devient pas juste soutenable. Non pas pour rembourser la dette mais pour développer l’économie du pays et que les gens continuent à vivre.

spot_img
LIRE AUSSI

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.

EN KIOSQUE

spot_img

LES PLUS RECENTS