Pour apaiser la colère des artistes qui
s’opposent à ce projet de loi, le ministère des arts et de la culture a initié
une rencontre le 2 juillet dernier, pour faire la lumière sur quelques griefs
exprimés.
Depuis son
dépôt auprès de la Commission des affaires sociales et culturelles de
l’Assemblée nationale, le projet de loi régissant les associations artistiques
et culturelles au Cameroun a fait naître une vague de contestations sur les
réseaux sociaux. Nombre d’associations, de promoteurs culturels et d’artistes
s’opposent à son adoption. Ils disent n’avoir pas collaboré à la phase de
conception de ce projet de loi qu’ils présentent comme « un sérieux recul par
rapport aux questions de liberté d’association et une atteinte grave aux
intérêts du secteur culturel ». Face à la colère des artistes réfractaires à ce
document, le ministère des Arts et de la Culture (Minac) a organisé le 2
juillet dernier, une rencontre pour apporter des réponses aux craintes des
acteurs placés sous sa tutelle.
Sur les pouvoirs du Minac
Les griefs soulevés par le mouvement des
artistes réfractaires au projet de loi régissant les associations artistiques
et culturelles au Cameroun sont en effet nombreux. Mais c’est incontestablement
l’intervention du ministère dans la vie de ces associations culturelles, la
délivrance de l’agrément, ainsi que ses conditions de renouvellement qui
constituent l’un des points de discorde, auquel ils ajoutent l’ingérence de la
tutelle et de ses services centraux. Les artistes y voient « la prégnance et la
prééminence quasi absolue du Minac dans les actes et activités qui rythment la
vie des associations artistiques et culturelles, à tous les niveaux de
regroupement et qui frisent une hypercentralisation, contraire à la
décentralisation ». En réponse à cette inquiétude, le Minac présente le décret
N° 2012/381 du 14 septembre 2012 portant organisation du ministère des Arts et
de la Culture dans son article 1er alinéa 2 pour rappeler qu’il a la mission de
promouvoir l’encadrement professionnel des artistes. A cet effet, l’encadrement
juridique des associations culturelles est rendu nécessaire avec la
modification souhaitée des dispositions de l’alinéa 4 de l’article 5 de la loi
n°90/053 du 19 décembre 1990, relative à la liberté d’association. Ainsi donc,
s’il est adopté, le projet de loi va contraindre toute association nationale ou
étrangère qui souhaite accéder au statut d’association culturelle et
artistique, à obtenir préalablement un agrément du Minac. Ceci pour rester dans
le respect de la législation.
Sur les statuts des fédérations
Le projet de
loi en examen à l’Assemblée nationale définit à cet effet les différents types
d’associations artistiques et culturelles à placer sous la tutelle du Minac. Et
pour les artistes, il s’agit d’une autre « incongruité » en ce sens que le
Minac les priverait de leur liberté d’établir les statuts-types de leurs
fédérations. Ces derniers se réfèrent notamment à l’article 22 qui dispose que
: « L’organisation et le fonctionnement des fédérations des associations artistiques
et culturelles obéissent aux dispositions des statuts-types rendus exécutoires
par arrêté du ministre chargé de la Culture ». Les responsables du Minac
répondent en évoquant à leur tour l’article 28 dudit projet de loi, qui précise
en son alinéa 1 : « Les compagnies, unions, guildes et fédérations se créent
librement », et en conséquence, ont l’indépendance pour ce qui est d’établir
leurs statuts. Les «statuts-types » dont il est question renvoient, d’après le
Minac, aux dispositions obligatoires qui sont des rappels d’ordre public à
toutes les associations, afin d’effectuer un cadrage de leurs activités
conformément au respect de la législation en vigueur. Par ce projet visant la
création de fédérations, « le Minac se propose de structurer l’ensemble du
paysage culturel et artistique national pour optimiser l’impact de son action
et partant, la productivité artistique de notre pays. Il vient garantir la
structuration du mouvement artistique et culturel, et l’organisation du
sous-secteur Arts et Culture en fédération, dans le but de rassembler par
discipline les professionnels en association pour l’accroissement qualitatif et
quantitatif de la production artistique et culturelle du Cameroun », a expliqué
le ministre Ismaël Bidoung Mkpatt au cours de son exposé le 1er juillet dernier
aux députés.
Sur Le financement des associations
culturelles
Les artistes
craignent également qu’une fois adopté par le Parlement, le projet de loi
régissant les associations artistiques et culturelles au Cameroun pourrait
signer l’arrêt des financements internationaux, sans une formulation concrète
de l’aide fournie par les pouvoirs publics. A ce sujet, l’alinéa 2- b de
l’article 37 est évoqué par les représentants du Minac, pour rappeler que : «
Les associations artistiques et culturelles […] ainsi que les fédérations
peuvent : recevoir des dons et legs de toute nature, ainsi que des financements
d’organismes nationaux ou internationaux dans le cadre de leurs activités, sous
réserve de l’autorisation préalable du ministre chargé de l’Administration
territoriale ». Et encore, se réfèrent-ils alinéa 2-c du même article qui
précise que lesdites associations peuvent « recevoir des subventions des
personnes morales de droit public » qui peuvent être l’Etat et toutes les
Collectivités Territoriales Décentralisées en train d’être mises en place. Pour
les représentants du ministère des Arts et de la Culture, ce projet de loi
n’est donc ni anticonstitutionnel, ni liberticide, encore moins ambiguë. Au
Minac, l’on rappelle à ce propos aux artistes que ledit projet de loi ne fixe
qu’un cadre général, que des dispositions et textes particuliers (arrêté,
décision…) de la tutelle peuvent venir compléter en cas de besoin.