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AccueilA LA UNEAndré Siaka : « Le partenariat Etat-Secteur privé revitalise l’attractivité d’une économie »

André Siaka : « Le partenariat Etat-Secteur privé revitalise l’attractivité d’une économie »

Je voudrais remercier Me Jonathan Nyemb et son équipe pour m’avoir associé à l’organisation de cette importante manifestation qui vise à faire éclore des idées voire des solutions pour l’émergence économique du Cameroun. Le thème que je vais aborder : « Dialogue public – privé : vers un renouveau du partenariat État – Secteur privé » s’inscrit en droite ligne dans cette démarche. Mais peut-on l’aborder sérieusement sans avoir fait l’état des lieux du partenariat ? Le partenariat, selon Wikipédia, se définit comme une association active de différents intervenants qui, tout en maintenant leur autonomie, acceptent de fédérer leurs efforts en vue de réaliser un objectif commun. Dans le cas qui nous concerne, les intervenants sont l’Etat du Cameroun et le Secteur privé. Mais au fond, ce partenariat a-t-il jamais vraiment existé ? Certes il y a eu des mécanismes de Dialogue entre les deux entités. Au fil du temps, ces mécanismes ont pris des formes diverses avec en toile de fond, il faut le reconnaître, une volonté plus ou moins partagée de trouver des compromis sur des questions spécifiques sans que pour autant ces mécanismes revêtissent toutes les caractéristiques d’un partenariat.

 Les premières démarches structurées qui ont prévalu jusqu’au début des années 2000 portaient l’estampille du Comité Interministériel Elargi au Secteur Privé. Cet événement annuel confinait à une forme de Conseil des ministres auquel le Secteur privé était convié. L’agenda, les participants, les dates et lieu étaient décidés par le gouvernement sans aucune concertation. Pour certains, convier le Secteur privé à une telle grand-messe était un privilège qui lui était concédé. La synergie de pensée et d’action qui aurait pu servir de trame de dialogue entre les deux entités n’existait pas.

Cependant, sur un plan strictement sectoriel et par la volonté et le leadership du Ministre de l’Economie et des Finances d’alors, de 1997 à 2001, le Patronat a été fortement impliqué dans les négociations et la mise en œuvre des programmes conclus avec le FMI et la Banque mondiale. De fait, le secteur privé était partie prenante dans la mise en œuvre des réformes qui ont entre autres abouti à l’atteinte du Point de Décision de l’Initiative PPTE en octobre 2000.

 Dans la même veine le Patronat a été pleinement impliqué dans la réforme fiscale qui a abouti à la suppression de la Taxe sur le Chiffre d’Affaires (TCA) et l’introduction de la Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA) en 1998, dopant de manière significative la mobilisation des ressources intérieures de l’Etat. Ces initiatives isolées ne fondent pas pour autant un partenariat structuré et agissant entre l’Etat et le secteur privé.

Au Comité Interministériel Élargi au Secteur Privé a succédé à partir de 2009 le Cameroon Business Forum (CBF) sous l’impulsion d’un acteur extérieur en l’occurrence la Société Financière Internationale (IFC). L’intention louable de IFC était de dupliquer au Cameroun le modèle vietnamien réussi de dialogue public-privé. Sauf que la greffe n’a pas pris, et ce pour des raisons diverses notamment celle d’un déficit de confiance entre les deux parties et la mise en avant d’une visée essentiellement transactionnelle et comptable, le secteur privé étant perçu par certains acteurs publics sous le seul prisme de pourvoyeur de ressources pour l’Etat à travers la fiscalité.

15 ans après sa première édition qui s’est tenue en février 2010, il est difficile de faire une évaluation de l’atteinte des objectifs du CBF tant les indicateurs des dits objectifs n’ont pas été clairement définis en dehors du classement du rapport Doing Business dans lequel le Cameroun a été 167ème sur 181 en 2009 et encore 167ème sur 190 en 2020 !!!!! C’est dire que le CBF, malgré l’accompagnement technique de IFC est loin, très loin d’avoir atteint son objectif majeur. C’est dans ce contexte que le Patronat claque la porte du CBF en 2021 et depuis lors, le dialogue entre l’Etat et le secteur privé est dans l’impasse. Comme par simple coïncidence, le Cameroon Business Forum s’arrête en même temps que la Banque mondiale met un terme à la publication du rapport Doing Business. La proposition faite à l’époque par le Patronat, à savoir la création du Cameroon Business Council (CBC) n’a pas fait sourciller le Gouvernement qui y a réservé une fin de nonrecevoir.

Depuis lors les concertations entre l’Etat et le Secteur privé sont devenues velléitaires : en effet, le 29 juillet 2021, le Cameroun s’est engagé dans un programme avec le FMI, programme soutenu par deux accords triennaux au titre de la Facilité Elargie de Crédit et du Mécanisme Elargi de Crédit. Ces accords sont sous-tendus par des conditionnalités. De par l’une de ces conditionnalités imposées par le FMI, le gouvernement s’est engagé à « renforcer le format de concertation entre les secteurs public et privé en intégrant des groupes thématiques avec des réunions au moins tous les six mois pour suivre la mise en œuvre des recommandations du Cameroon Business Forum ». Cette immixtion du FMI qui aurait permis de réamorcer la pompe du dialogue entre les secteurs public et privé n’a pas non plus produit les résultats escomptés.

Il est donc loisible de constater que malgré des interventions extérieures notamment celles de IFC et du FMI, le dialogue, encore moins le partenariat, entre l’Etat et le Secteur privé est resté velléitaire. Et pourtant les enjeux sont de taille et les sorts des deux entités État et Secteur privé sont liés : il devient impérieux, si le Cameroun veut réaliser son plein potentiel, qu’un véritable partenariat soit noué entre l’Etat et le secteur privé, un partenariat allant au-delà du simple dialogue et des rencontres épisodiques dont on ne retient que la photo de famille et le gala de clôture. Par ailleurs, au-delà de la part prépondérante du secteur privé dans le volume des investissements en capital, les enjeux sont encore plus importants au regard des objectifs et de la mise en œuvre de la SND30 qui est la boussole économique du Cameroun. Le partenariat que j’appelle de tous mes vœux est un impératif absolu sans lequel les principaux piliers de la SND30 notamment, la transformation structurelle de l’économie, la promotion de l’emploi et de l’insertion économique, ou encore l’orientation stratégique relative à la politique d’import-substitution, ne seraient que des incantations. Faut-il le rappeler, la transformation structurelle de l’économie qui est le pilier central de la SND30 réfère explicitement à « une démarche et des actions qui seraient implémentées pour parvenir à un accroissement substantiel de la part du secteur secondaire (industrie) et la diversification de l’économie ». Il est évident de constater que pratiquement tous les objectifs de la SND30 relèvent de la responsabilité et des actions du Secteur privé qui en toute logique devrait être consulté à défaut d’être associé à la détermination des prérequis à l’atteinte des dits objectifs. Dès lors, il est indéniable que le partenariat entre l’Etat et le Secteur privé est un gage de renforcement de la confiance, d’amélioration du climat des affaires, de revitalisation de l’attractivité et la compétitivité d’une économie.

 Ce partenariat doit être un mécanisme institutionnel de collaboration structuré visant à produire des résultats. Pour qu’il soit fécond, le partenariat requiert la solidité et la fiabilité des superstructures institutionnelles des secteurs public et privé et de leur capacité à définir de manière concertée leurs objectifs communs, les responsabilités de chacune des parties et les mécanismes de suivi et d’évaluation de la mise en œuvre des engagements des partenaires.

Au-delà des rencontres périodiques qui sont certes importantes mais ne constituent pas une fin en soi, les superstructures institutionnelles de l’Etat et du secteur privé doivent être imbriquées pour devenir un système. Et pour que ce système fonctionne harmonieusement, le partenariat doit avoir pour socle la confiance et la reconnaissance de la légitimité des partenaires. Par ailleurs, pour que ce partenariat revitalisé fonctionne de manière optimale, il doit reposer sur un postulat : L’acceptation du fait que les acteurs des secteurs public et privé ont l’impérieux devoir de travailler ensemble pour développer une économie prospère. En conclusion, comme nous l’avons montré à plusieurs reprises plus haut, la réalisation du dessein économique du Cameroun passe entre autres par l’amélioration du climat des affaires dont le préalable est le renouveau du partenariat entre l’Etat et le Secteur privé. Ce renouveau passe par des changements systémiques notamment en ce qui concerne d’une part la considération que l’Etat accorde au secteur privé et d’autre part, la représentativité du secteur privé plombée par un déficit d’inclusivité. Ne dit-on pas qu’il faut être deux pour danser le Tango ! Sans se marcher sur les pieds. Je vous remercie pour votre attention.

Par André Siaka, homme d’affaires, 20 mars 2025

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