Être seuls ensemble. Telle pourrait être résumée la toute nouvelle alliance entre les sécessionnistes du Nord-Ouest et du Sud-Ouest du Cameroun et ceux des États du Sud-est du Nigeria. Lucas Cho Ayaba et Nnamdi Kanu ont multiplié les arguments xénophobes contre leurs compatriotes des États qu’ils souhaitent quitter. Principale cible de leurs attaques : les Peuls.
N. Kanu considère cette communauté originaire du nord du Nigeria comme le principal responsable du « viol de la terre du Biafra » depuis l’indépendance du pays. Un argument aux apparences historiques à la résonnance toute actuelle. Le président Muhammadu Buhari a fait classer l’Indigenous People of Biafra (IPOB), le principal mouvement irrédentiste du sud-est du Nigeria, comme un mouvement terroriste et l’a fait interdire en 2017. Et le fait que le chef de l’État fédéral soit Peul plaide globalement contre sa communauté.
D’une manière plus surprenante, le Camerounais Ayaba Cho développe des arguments encore plus virulents contre cette communauté pourtant considérée comme un peuple autochtone au Nord-Ouest. Comme pour satisfaire à un parallélisme des formes vis-à-vis de son interlocuteur du jour, sa cible est Ahmadou Ahidjo. Quel crime a commis le premier président de la République du Cameroun ? Avoir pactisé avec ses « frères du Nigeria » pour couper les régions de l’actuel NoSo des États du Sud-est du Nigeria, des peuples qui sont « génétiquement et culturellement » liés.
Il considère qu’en tenant la frontière au moment de la guerre du Biafra (1967-1970), le président Ahidjo a inauguré une césure toujours plus importante entre les populations des deux pays. La conséquence directe a été la mise à l’agonie de l’économie locale. Selon lui, sans cette politique d’endiguement, les ports de Tiko et de Victoria (lire Limbe) seraient aujourd’hui à l’image de Port Harcourt au Nigeria. De quoi expliquer le ciblage quasi-systématique des communautés de pasteurs Bororo – Peuls nomades – par les groupes sécessionnistes au Nord-Ouest !
« Alliance Vitale »
Si l’objectif final est de parvenir à une hypothétique indépendance, les deux hommes visent à moyen terme la création d’un groupe homogène qui transcende les frontières issues de la décolonisation. Exactement « comme les groupes terroristes peuls qui sévissent à la fois au Nigeria, au Cameroun, en RCA, au Niger, – avec des relais jusqu’au Mali ou comme les Yorouba soutenus par leurs frères du Benin », plaide Nnamdi Kanu. Les deux partenaires sont d’accord que cette « alliance est vitale pour la survie du peuple biafrais et ambazonien », et ils affichent la même détermination.
Devant les caméras, cependant, Nnamdi Kanu se satisfait d’une plus grande reconnaissance internationale de son activisme – notamment par les médias américains, tandis que Cho Ayaba insiste sur l’urgence pour ses interlocuteurs de conquérir la liberté les armes à la main à l’image de ce qui se passe au NoSo. « Biafrais ne laissez pas les étrangers utiliser vos ressources pour s’armer et vous chasser de vos terres. Vous devez vous défendre », leur a-t-il suggéré.
Par Jean Omb Njéé