Cette rencontre n’a pas été une simple réunion technique ; elle a constitué un véritable espace de dialogue stratégique », a déclaré la Ministre Minette Libom Li Likeng, dans une adresse empreinte d’optimisme. Elle s’exprimait au nom du gouvernement camerounais, en saluant « l’esprit de fraternité, de responsabilité et d’engagement mutuel » qui a marqué les échanges tout au long de la mission tchadienne, menée du 13 au 16 mai, et visant à rétablir une coopération numérique longtemps entravée.
Les travaux, qui ont réuni les opérateurs historiques CAMTEL et SOTEL-Tchad, ainsi que les régulateurs ART et ARCEP, ont permis de poser les jalons d’une nouvelle ère dans l’interconnexion des réseaux entre les deux pays. Leurs conclusions se déclinent en engagements concrets autour de trois priorités : la sécurisation des infrastructures, la transparence dans la supervision, et la révision des tarifs de location de fibre. Parmi les mesures phares figurent l’accord de CAMTEL pour permettre au Tchad l’installation d’équipements de monitoring à la sortie du câble sous-marin, une ouverture inédite dans un secteur longtemps cloisonné. « Une interconnexion plus fiable, mieux maîtrisée », promet Yaoundé.
Sur le plan tarifaire, la nécessité d’adapter les prix à la réalité du marché régional a fait consensus. Les deux parties ont convenu d’un ajustement pour les capacités dépassant les 100 Gbps, un pas important vers une tarification plus juste, favorable à l’inclusion numérique et à la compétitivité des opérateurs tchadiens. Mais au-delà de la technique, c’est la politique des fréquences qui a occupé une place centrale dans les discussions.
Une réunion conjointe entre l’ART et l’ARCEP, tenue le 15 mai, a abouti à des mesures conservatoires immédiates : réduction de la puissance d’émission, révision de l’accord bilatéral sur la coordination des fréquences, et mise en œuvre effective du free roaming CEMAC. Lors de cette rencontre, les responsables des télécommunications des deux pays ont abordé la coordination des fréquences aux frontières et l’itinérance mobile, en présence des opérateurs Orange Cameroun et MTN Cameroon. « Cette rencontre a permis de poser les bases d’une coordination renforcée en matière de gestion des fréquences aux frontières et de mise en œuvre effective du free roaming sous-régional, conformément aux directives de la CEMAC », a déclaré la ministre camerounaise des Postes et Télécommunications.
Signés en novembre 2021, les protocoles d’accord bilatéraux entre les États membres de la CEMAC visent à faciliter la libre circulation des communications téléphoniques sans surcoût pour les populations. Après un délai de trois mois accordés en mars 2025 aux parties prenantes pour finaliser la mise en œuvre du projet, le Cameroun et le Tchad actent aujourd’hui l’entrée en vigueur du mécanisme d’itinérance gratuite. Une avancée qui pourrait transformer l’expérience des abonnés mobiles en Afrique centrale, leur permettant de communiquer sans frais supplémentaires entre les pays de la sous-région.
Objectif est de désenclaver numériquement les zones frontalières et assurer la souveraineté numérique des deux États. « Les défis sont communs, les solutions doivent l’être aussi », a insisté la Ministre, qui appelle à une « solidarité active » pour transformer les avancées actées en réalité durable.
Les prochains mois s’annoncent déterminants, avec la finalisation des tronçons critiques, l’audit des performances réseau, les contrôles accrus des opérateurs interconnectés, et la mise en place de comités mixtes de suivi. Une réunion d’évaluation est déjà prévue pour mi-juillet à Yaoundé. Au terme de cette séquence, les deux pays réaffirment leur volonté de bâtir un espace numérique interconnecté, sécurisé et prospère. « Ce que nous engageons aujourd’hui est plus qu’un chantier technique. C’est une vision partagée de l’avenir numérique de notre sous-région », a conclu la Ministre. Une vision qui devra désormais se traduire sur le terrain. Car la connectivité, au-delà des câbles, est aussi une affaire de confiance.