Dès les premières heures, l’ambiance d’une « ville morte » s’est imposée à Yaoundé. Au carrefour Mvog-Mbi, la station de service, les quincailleries, les ateliers de couture et les boutiques de quartier ont baissé rideau. Fabien, soudeur au lieu-dit Carrefour Régie, a préféré fermer tôt. « Le Conseil constitutionnel a proclamé Paul Biya vainqueur. Je n’y crois pas », lâche-t-il, en rangeant ses outils. Comme lui, beaucoup de commerçants et artisans ont suspendu leurs activités dans la capitale politique, redoutant d’éventuels débordements.
Les grands axes économiques de la capitale présentaient le même visage. À Mokolo, l’un des plus importants marchés de la ville, les allées habituellement bondées sont restées vides. À Bata Nlongkack, les boutiques et les petits restaurants de rue n’ont pas ouvert. Sur la route de la Mobil Omnisports et au terminus Mimboman, les transporteurs ont garé leurs véhicules, réduisant le flux de circulation dans le centre urbain. Même constat au marché Ekounou, où les comptoirs sont restés fermés toute la journée.
Dans le centre-ville, la Poste centrale, espace commercial de référence, offrait un spectacle inhabituel. Les vendeurs ambulants avaient disparu, remplacés par un important dispositif sécuritaire. Véhicules d’assaut, brigades anti-émeute et patrouilles de gendarmerie occupaient les lieux. Dans les quartiers environnants, les va-et-vient des forces de l’ordre étaient constants. Le quartier Briqueterie, connu pour sa forte densité commerciale, a été le théâtre d’une tentative de marche de sympathisants du candidat du Front pour le salut national du Cameroun (FSNC), Issa Tchiroma. L’intervention rapide des forces de sécurité a dispersé le regroupement.
Dans les établissements scolaires, la journée n’a pas échappé à la paralysie. Au lycée d’Elig Essono, les élèves ont été renvoyés chez eux, faute de professeurs. Même scénario dans plusieurs écoles publiques de la ville aux sept collines. Les responsables ont préféré suspendre les cours pour prévenir tout incident.
Les enseignes et entreprises tenues par des expatriés sont restées closes. Selon plusieurs sources, les représentations diplomatiques et les chefs de communautés étrangères avaient conseillé à leurs ressortissants de ne pas ouvrir leurs établissements, par mesure de prudence. Cette consigne a contribué à accentuer la baisse d’activité dans les zones commerciales de la capitale.
La pluie, tombée sans discontinuer une grande partie de la journée, a renforcé la morosité ambiante. Entre inquiétude politique et paralysie économique, Yaoundé a vécu une journée grise, à l’image d’un pays suspendu à une annonce décisive. Quelques heures plus tard, le Conseil constitutionnel confirmait la victoire du président sortant Paul Biya, réélu avec 53,66 % des voix. Mais dans la capitale, l’économie urbaine, informelle comme formelle, était restée à l’arrêt.







