Lundi dernier, le Conseil constitutionnel a déclaré Paul Biya vainqueur de l’élection présidentielle du 12 octobre 2025 avec un score de 53,66%, suivi d’Issa Tchiroma (35,19%). Confirmant une information qui était déjà connue depuis la fin des travaux de la Commission nationale de recensement général des votes présidée par le magistrat Emile Essombe. Une issue qui clos officiellement le processus électoral en vue de la réélection du président de la République. Mais il a plané sur cette cérémonie comme un vent de boycott. Très peu ou presqu’aucun visage de diplomates ont été aperçus dans la salle de la cérémonie au Palais des Congrès de Yaoundé. Un signe, tant ce genre de cérémonie est rehaussé par la présence de diplomates accrédités à Yaoundé.
Plus grave encore, très peu de réactions ont été enregistrées venant des pays amis. Quelques rares voisins comme les présents centrafricains et tchadiens, ont félicité leur voisin et homologue pour sa réélection. Pas du tout de réaction venant de grandes puissances africaines. Dans un contexte marqué par des troubles de plus en plus violents. Depuis que Issa Tchiroma s’est autoproclamé vainqueur deux jours après le vote, ses partisans manifestent dans les rues du pays pour exiger la reconnaissance de la « vérité des urnes ». Des manifestations qui se multiplient depuis la proclamation des résultats officiels. Avec en face une répression de plus en plus violente. Au départ, la police et la gendarmerie, très vite dépassés par les événements, et désormais, c’est l’armée qui est rentrée en jeu. Les militaires sont déployés dans certaines villes et parfois le Bataillon d’intervention rapide (BIR), une force spéciale de l’armée camerounaise, généralement déployée dans les zone de guerre.
Condamnations
Du côté de l’Occident, aucune réaction du tout. La France est présentée comme le premier partenaire du Cameroun sur le plan diplomatique et économique notamment. Même le pays d’Emmanuel Macron est resté muet face à cette situation. Sur les antennes de RFI, Éléonore Caroit, la ministre française déléguée chargée de la Francophonie, des partenariats internationaux et des Français de l’étranger, a rompu le silence à propos, hier mardi: juste pour indiquer que son pays «observe la situation », et appelle les Français établis au Cameroun, à la prudence.
L’attitude de l’occident et tout simplement de la communauté internationale, est un signe certainement, que la communauté internationale ne se sent pas concernée par cette actualité. Déjà, aucun des pays qui traditionnellement accompagnent le Cameroun dans ses processus électoraux, ne s’est manifesté cette fois-ci. Seul le Système des Nations unies a apporté son soutien financier au Cameroun dans l’organisation des différents processus électoraux de 2025 à 2027. Des appuis que l’opposition, notamment le Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC) a dénoncée comme opaque, amenant les Nations unies à publier les clauses des accords querellés. Pas de quoi rassurer les contestataires, tant toutes les parties aux processus électoraux n’y ont pas été associés dès le départ.
En revanche, tant l’Union européenne que les Nations unies, ont condamné les violences et surtout la répression violente des manifestations qui se multiplient à travers le territoire national. L’Union européenne appelle d’ailleurs son partenaire à respecter les droits de l’homme et les principes démocratiques. Et surtout à ouvrir une enquête sur les morts par balles enregistrés lors des manifestations.
Les réactions officielles, publiées le 28 octobre, traduisent une inquiétude croissante face à la dérive sécuritaire et politique du pays. Le Secrétaire général des Nations unies, par la voix de son porte-parole Stéphane Dujarric, a dit avoir « pris note » des résultats proclamés le 27 octobre par le Conseil constitutionnel, mais s’est déclaré « profondément préoccupé » par la vague de violence post-électorale. Le communiqué fait état de « pertes en vies humaines et de blessés » parmi les manifestants et les forces de sécurité, sur fond d’accusations d’usage excessif de la force. L’ONU appelle à « une enquête approfondie et indépendante » sur ces incidents.
Ce terme d’« enquête indépendante » renvoie à une procédure menée en dehors de toute influence du pouvoir exécutif, par des organes judiciaires ou des commissions nationales et internationales reconnues. L’objectif, selon le système onusien, est d’établir les faits, de situer les responsabilités et d’éviter l’impunité.
Le Secrétaire général exhorte les acteurs politiques à « faire preuve de retenue » et à « rejeter la violence ». Il insiste sur « la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales », rappelant l’obligation des autorités de garantir la sécurité de tous les citoyens, y compris des personnes arrêtées à la suite des manifestations. Il invite enfin au « dialogue inclusif », un processus politique ouvert à toutes les sensibilités, visant à résoudre les différends par des voies légales et pacifiques.
À Bruxelles, la réaction de l’Union européenne va dans le même sens. Dans une déclaration du Service européen pour l’action extérieure (EEAS), l’UE se dit « profondément préoccupée par la répression violente des manifestations des 26 et 27 octobre », et déplore « la mort par arme à feu de plusieurs civils ». L’institution rappelle que ses relations avec le Cameroun reposent sur l’Accord de Samoa, un traité signé avec les pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, qui fixe les principes de gouvernance démocratique, de respect des droits humains et de l’État de droit.
L’Union européenne appelle les autorités camerounaises à « identifier les responsabilités », à « faire preuve de transparence » et à « faire justice », trois exigences qui renvoient à la lutte contre le recours excessif à la force et les détentions arbitraires. Elle demande la « libération immédiate » des personnes arrêtées pour avoir exprimé leur opinion ou manifesté pacifiquement. L’UE invite en outre les acteurs politiques à s’abstenir de tout « discours de haine » et à privilégier « un dialogue constructif » pour préserver la stabilité et la cohésion nationale.
Ces prises de position simultanées de l’ONU et de l’Union européenne, rarement aussi concordantes depuis la crise anglophone de 2016, marquent un tournant diplomatique. En soulignant la nécessité d’un « environnement sûr et sécurisé » et d’une « justice transparente », les deux institutions adressent un signal clair à Yaoundé sur les attentes de la communauté internationale.
Sur le terrain, les tensions demeurent vives. Dans plusieurs quartiers de Yaoundé, Douala, Bafoussam et Bamenda, des affrontements ont opposé forces de l’ordre et manifestants contestant la réélection du chef de l’État, au pouvoir depuis plus de quatre décennies. Des vidéos circulant sur les réseaux sociaux montrent des rues désertes, des commerces fermés et un déploiement massif de gendarmes.
Amnesty International, dans un communiqué distinct publié le même jour, parle d’un « usage disproportionné de la force » et demande la « fin immédiate des arrestations arbitraires ». L’ONG souligne que « le droit de manifester pacifiquement est garanti par la Constitution camerounaise » et exhorte les autorités à respecter les engagements internationaux du pays.
En moins d’une semaine, la présidentielle de 2025, censée consolider la stabilité du Cameroun, a fait basculer le pays dans une zone d’incertitude politique et diplomatique. Tandis que les chancelleries occidentales appellent au calme et à la transparence, la situation sur le terrain laisse craindre une crise prolongée. Le Cameroun, pilier de la stabilité en Afrique centrale, se trouve ainsi sous observation étroite, au moment où les regards se tournent vers la capacité de Yaoundé à restaurer la confiance et à rouvrir le dialogue national.
Dès les premières heures, l’ambiance d’une « ville morte » s’est imposée à Yaoundé. Au carrefour Mvog-Mbi, la station de service, les quincailleries, les ateliers de couture et les boutiques de quartier ont baissé rideau. Fabien, soudeur au lieu-dit Carrefour Régie, a préféré fermer tôt. « Le Conseil constitutionnel a proclamé Paul Biya vainqueur. Je n’y crois pas », lâche-t-il, en rangeant ses outils. Comme lui, beaucoup de commerçants et artisans ont suspendu leurs activités dans la capitale politique, redoutant d’éventuels débordements.
Les grands axes économiques de la capitale présentaient le même visage. À Mokolo, l’un des plus importants marchés de la ville, les allées habituellement bondées sont restées vides. À Bata Nlongkack, les boutiques et les petits restaurants de rue n’ont pas ouvert. Sur la route de la Mobil Omnisports et au terminus Mimboman, les transporteurs ont garé leurs véhicules, réduisant le flux de circulation dans le centre urbain. Même constat au marché Ekounou, où les comptoirs sont restés fermés toute la journée.
Dans le centre-ville, la Poste centrale, espace commercial de référence, offrait un spectacle inhabituel. Les vendeurs ambulants avaient disparu, remplacés par un important dispositif sécuritaire. Véhicules d’assaut, brigades anti-émeute et patrouilles de gendarmerie occupaient les lieux. Dans les quartiers environnants, les va-et-vient des forces de l’ordre étaient constants. Le quartier Briqueterie, connu pour sa forte densité commerciale, a été le théâtre d’une tentative de marche de sympathisants du candidat du Front pour le salut national du Cameroun (FSNC), Issa Tchiroma. L’intervention rapide des forces de sécurité a dispersé le regroupement.
Dans les établissements scolaires, la journée n’a pas échappé à la paralysie. Au lycée d’Elig Essono, les élèves ont été renvoyés chez eux, faute de professeurs. Même scénario dans plusieurs écoles publiques de la ville aux sept collines. Les responsables ont préféré suspendre les cours pour prévenir tout incident.
Les enseignes et entreprises tenues par des expatriés sont restées closes. Selon plusieurs sources, les représentations diplomatiques et les chefs de communautés étrangères avaient conseillé à leurs ressortissants de ne pas ouvrir leurs établissements, par mesure de prudence. Cette consigne a contribué à accentuer la baisse d’activité dans les zones commerciales de la capitale.
La pluie, tombée sans discontinuer une grande partie de la journée, a renforcé la morosité ambiante. Entre inquiétude politique et paralysie économique, Yaoundé a vécu une journée grise, à l’image d’un pays suspendu à une annonce décisive. Quelques heures plus tard, le Conseil constitutionnel confirmait la victoire du président sortant Paul Biya, réélu avec 53,66 % des voix. Mais dans la capitale, l’économie urbaine, informelle comme formelle, était restée à l’arrêt.
Ça y est! Paul Biya est le vainqueur de l’élection présidentielle du 12 octobre 2025. Les chiffres rendus publics par le Conseil constitutionnel donnent le président sortant gagnant avec 53,66% des suffrages valablement exprimés, contre 35,19% pour Issa Tchiroma. Cabral Libii arrive en 3ème position comme en 2018, suivi de Patricia Tomaïno Ndam Njoya. Moins que la 4ème place d’il y a sept ans, Joshua Osih du SDF dégringole et sort du top 5 pour chuter en 6ème place sur les 12 candidats retenus initialement par le Conseil constitutionnel.
Confirmant logiquement ce qu’avait déjà indiqué la Commission nationale de recensement général des votes. Cette instance qui est compile au niveau national les procès verbaux issus des bureaux de vote, puis des antennes communales et départementales d’Elections Cameroon (Elecam).
C’est la fin du processus électoral en vue de l’élection présidentielle 2025. Issa Tchiroma s’était déclaré vainqueur deux jours après le scrutin. Depuis lors, le territoire national camerounais vit au rythme des contestations et répressions. Pour la seule journée du 26 octobre 2025, le ministre de l’Administration territoriale (Minat) parle de 104 arrestations dans la seule ville de Douala, et 04 morts, ainsi qu’un véhicule de la police incendié par des manifestants.
Le risque d’une exacerbation de la situation est grand, avec en perspective une arrestation d’Issa Tchiroma. Selon des sources crédibles à Garoua, des hommes armés et des snipers postés depuis le toit d’une maison voisine appartenant au candidat du Front pour le Salut national du Cameroun (Fsnc) tirent à bout portant sur des jeunes qui montent la garde autour du domicile de l’ancien ministre, retranché dans cette résidence du quartier Poumpoumre depuis le soir de l’élection. L’homme qui avait échappé à une arrestation grâce à l’intervention de ses partisans, s’y était réfugié et n’en est plus jamais sorti.
Le Conseil constitutionnel a proclamé, ce 27 octobre, les résultats officiels de l’élection présidentielle du 12 octobre au Cameroun. Paul Biya, 92 ans, est reconduit à la tête de l’État pour un huitième mandat consécutif avec 53,66 % des suffrages, selon les chiffres annoncés par l’institution présidée par Clément Atangana.
Son principal rival, Issa Tchiroma Bakary, candidat du Front pour le salut national du Cameroun (FSNC), obtient 35,19 % des voix. Le reste se répartit entre les huit autres candidats en lice.Sur les dix régions électorales, Paul Biya arrive en tête dans huit, tandis qu’Issa Tchiroma l’emporte dans deux.
Cette répartition traduit un recul du président sortant, qui voit son socle électoral se fragiliser, notamment dans le Nord, fief historique du pouvoir où son adversaire réalise ses meilleurs scores. Cette configuration donne la mesure d’un scrutin disputé, marqué par un contexte de défiance populaire et d’accusations de fraude.
Le Conseil constitutionnel, dont les membres sont réputés proches du pouvoir, a rejeté l’ensemble des recours déposés par l’opposition avant de valider les résultats définitifs. Cette décision s’inscrit dans une continuité institutionnelle qui ne surprend guère, après le rejet en août de la candidature de Maurice Kamto, deuxième lors du scrutin de 2018.
Si le président Biya conserve le pouvoir jusqu’en 2032, sa victoire intervient dans un climat politique et social tendu. Plusieurs observateurs y voient moins un triomphe qu’un signal d’usure. Nos confrères guinéens de Le Djely notait avant même la proclamation des résultats que le chef de l’État “ne pourra pas longtemps contenir le vent de contestation qui monte de toutes parts”. À Yaoundé, un collectif d’intellectuels, journalistes et universitaires réunis au sein du Cipa-CAM a estimé dans les colonnes du quotidien Le Jour que “la seule vérité des urnes” est celle revendiquée par Issa Tchiroma Bakary.
Pour ces acteurs, la présidentielle de 2025 constitue, à tout le moins, une rupture symbolique. L’opposition a, pour la première fois depuis longtemps, réussi à bousculer les équilibres politiques et à affaiblir l’image d’invincibilité du régime.Mais au-delà des calculs politiques, le scrutin du 12 octobre aura révélé une mutation profonde du rapport entre pouvoir et société. Les Camerounais, longtemps résignés, ont massivement pris part au vote et surveillé de près son déroulement.
Cette mobilisation, inédite depuis des décennies, a imposé une nouvelle réalité politique, celle d’un peuple qui exprime de plus en plus ouvertement son désaccord avec la continuité d’un système en place depuis 43 ans.Le huitième mandat de Paul Biya s’ouvre donc sur un paradoxe. Une légitimité juridique confirmée par les institutions, mais affaiblie par une contestation sociale et politique persistante.
Derrière la stabilité affichée, le message des urnes, celui d’un désaveu latent, s’impose comme l’un des faits politiques majeurs de cette élection.
Le Cameroun retient son souffle. Ce lundi 27 octobre 2025, le Conseil constitutionnel doit proclamer les résultats officiels de la présidentielle, deux semaines après un scrutin qui a profondément divisé le pays. Le verdict est certain, ses conséquences, elles, demeurent imprévisibles.
Dimanche 26 octobre 2025, le pays a basculé dans une journée de toutes les tensions. À Douala, de nombreux partisans d’Issa Tchiroma Bakary ont défilé dans plusieurs quartiers populaires, principalement à New-Bell. Des vidéos relayées sur les réseaux sociaux montraient des foules scandant le nom du leader du FSNC, brandissant des pancartes réclamant la “victoire du peuple”. Des coups de feu ont retenti et Des témoins évoquent au moins deux morts, sans confirmation officielle.
À Yaoundé, des manifestants ont tenté de se regrouper à Tsinga et Mokolo avant d’être dispersés par la police à coups de gaz lacrymogènes. Dans la soirée, les sirènes et le fracas des bottes ont rythmé plusieurs artères de la capitale, tandis que les habitants se barricadaient chez eux.
Même climat d’effervescence dans le Nord, où Garoua, fief d’Issa Tchiroma, s’est embrasée. Des cortèges ont parcouru la ville toute la journée, bravant les interdictions préfectorales. À Maroua, des affrontements ont opposé manifestants et forces de sécurité. Selon des sources locales, une cinquantaine de personnes auraient été arrêtées. À Kousséri, des barricades ont été érigées sur plusieurs axes avant d’être démantelées dans la nuit.
La tension s’est également propagée à Bafoussam, Buéa, Bafang, Nkongsamba et Meiganga, où des marches spontanées ont éclaté dans les artères principales.m. L’appel de Tchiroma à “une marche pour la libération du Cameroun” a donc été largement suivi, malgré les interdictions de rassemblement décrétées sur tout le territoire.
L’appel à la résistance de Tchiroma
Depuis plusieurs jours, le candidat du Front pour le salut national du Cameroun (FSNC) maintient une posture de défiance. “Ma victoire est indéniable”, a-t-il déclaré à la BBC Africa le 24 octobre, affirmant détenir les procès-verbaux prouvant qu’il a remporté l’élection avec 54 % des voix contre 31 % pour Paul Biya. “Nous n’accepterons jamais que nos votes soient volés”, a-t-il insisté, appelant ses partisans à “défendre la vérité des urnes”.
Ce discours de résistance a galvanisé ses soutiens, notamment dans le septentrion, où les manifestations ont pris des allures de défi au pouvoir central.
Toute cette agitation q plongé le pays dans une sorte de psychose généralisée.Les quartiers populaires, d’ordinaire animés, offraient dimanche soir un spectacle inhabituel : rues quasi désertes, boutiques closes, stations-service barricadées. Dans les marchés de Douala et Yaoundé, les populations ont fait des provision bien avant, craignant des violences à l’annonce des résultats.
Dans les grandes métropoles, les autorités ont multiplié les restrictions pour tenter de prévenir un scénario de chaos. À Douala, le préfet du Wouri, Sylyac Marie Mvogo, a interdit la circulation des motos-taxis entre 18 h et 6 h dans plus de vingt quartiers. À Yaoundé, son homologue du Mfoundi, Emmanuel Mariel Djikdent, a limité les horaires d’ouverture des snacks-bars et imposé un couvre-feu nocturne à partir de minuit. Des mesures similaires ont été prises à Garoua, Dschang et Bertoua, où la vente de carburant en bidons a été proscrite.
Face à cette atmosphère d’attente anxieuse, le gouvernement multiplie les initiatives d’apaisement. Des missions ministérielles ont sillonné les régions pour relayer le message du chef de l’État appelant au calme et à la cohésion nationale.
Mais sur le terrain, les appels à la retenue peinent à dissiper la crainte d’un lendemain incertain. L’heure du verdict approche, et avec elle, la redoutable question que se posent désormais des millions de Camerounais : le pays saura-t-il rester debout après le résultat ?
L’appel d’Issa Tchiroma Bakary lancé au peuple camerounais a eu un écho favorable. Et sur le territoire national, des manifestations ont été enregistrées, avec diverses vitesses. Si la soldatesque qui a envahi les grands axes de Yaoundé a permis de juguler toutes les velléités de manifestations, il n’a pas été possible d’imposer cette mainmise partout sur le territoire.
Et c’est dans le Grand-Nord que le déploiement a été particulièrement engagé. A Garoua, l’heure du rendez-vous a été respecté. Selon des sources locales, la ville a observé son calme habituel, jusqu’à 15h, pour voir des marcheurs prendre d’assaut les rues de la capitale de la région. A Maroua, les quelques attroupements initiés ont très vite été dispersés, selon des journalistes locaux. A Kousseri, pas mieux. Les foules qui se sont mobilisées ont été neutralisées par les forces de maintien de l’ordre.
C’est Ngaoundéré qui a enregistré les échauffourées les plus rudes. Les marcheurs n’ont pas pu aller au bout de leur marche vers le centre ville. Les gaz lacrymogènes n’ont pas découragé les contestataires déterminés à se faire entendre. De nombreux blessés.
Douala
Mieux que Ngaoundéré, Douala, ville réputée frondeuse, n’a pas manqué de défier toutes les autres. Ici les marcheurs ont bravé l’autorité de l’Etat. Dans divers quartiers de la capitale économique, des masses de manifestants auxquels se sont joints des pilleurs et autres hors-la-loi, ont imposé leur rythme aux forces de maintien de l’ordre qui, dépassées, ont dû »cheminer » à un moment avec les marcheurs agrippés sur le camion antiémeutes. Malgré les gaz lacrymogènes lancés sur les contestataires, les partisans d’Issa Tchiroma ont réussi à paralyser les activités de la ville des heures durant. Poussant les forces de maintien de l’ordre à ouvrir le feu. Au moins un mort sur le carreau. Certaines sources parlent de trois morts, d’autres parlent d’un seul mort. Toujours est-il qu’il y a au moins un mort. Dans un communiqué, le gouverneur du Littoral regrette la mort de citoyens tombés dans le cadre de ces événements et dénonce les actes engagés par les marcheurs. Tout en mettant en garde les fauteurs de troubles sur leur entêtement à braver les interdictions des autorités. Demain est un autre jour. Celui de la publication des résultats de l’élection présidentielle. Avec des risques de reprise des manifestations de contestation, tant les chiffres issus de la Commission nationale de recensement général des votes se sont avérés être très éloignés de ceux brandis par Issa Tchiroma Bakary pour soutenir qu’il gagné l’élection.
Avant de tourner notre regard vers l’avenir, qu’il me soit permis d’adresser mes sincères félicitations au Professeur Benedict Oramah.
Pendant dix ans, vous avez incarné une vision et un esprit qui ont fait d’Afreximbank bien plus qu’une banque : un moteur de l’intégration africaine.
Sous votre direction, l’institution est devenue un partenaire stratégique des gouvernements, un refuge en temps de crise et une source d’innovation financière qui a ouvert de nouveaux horizons pour le continent.
Pour le Cameroun, vos actions ont eu un impact concret et décisif.
La banque a accompagné nos efforts de développement, renforcé notre résilience et soutenu nos ambitions.
Je citerai quelques exemples :
• le financement de 80 millions d’euros pour le développement du terminal à conteneurs du port de Douala, consolidant notre rôle de hub régional ;
• un investissement de 53 millions d’euros (34,7 milliards FCFA) pour l’électrification rurale, permettant à plus de 200 localités d’avoir accès à l’électricité ;
• un prêt de 200 millions d’euros (131 milliards FCFA) en janvier 2024 pour financer les infrastructures de notre Stratégie nationale de développement (SND30) ;
• une opération innovante de 300 millions d’euros (200 milliards FCFA) en juillet 2025, injectée dans nos obligations du Trésor fongibles, grâce à un mécanisme unique de conversion euro/FCFA avec la BEAC ;
• enfin, un crédit direct de 381 millions d’euros (250 milliards FCFA) octroyé aux banques locales avec la garantie d’Afreximbank.
À ce titre, Monsieur le Président, au nom du Président de la République, Chef de l’État, Son Excellence Monsieur Paul Biya, et de la Nation tout entière, je tiens à vous exprimer notre profonde gratitude.
Votre nom restera à jamais associé à la marche de l’Afrique vers l’autonomie économique.
Distingués invités,
Ce jour marque le début d’une nouvelle ère, avec l’installation du Dr George Elombi à la tête d’Afreximbank.
Monsieur le Président, votre élection n’est pas une simple transition institutionnelle.
C’est une promesse, une source d’espoir, une expression de la confiance que l’Afrique a placée en vous.
J’ai eu l’honneur de vous recevoir à Yaoundé le lendemain de votre élection, et j’ai été frappé par la clarté de votre vision : faire de la finance africaine un instrument de transformation structurelle, mobiliser de nouvelles ressources, dynamiser le secteur privé et donner à l’Afrique les moyens de parler d’égal à égal avec le reste du monde.
Votre investiture intervient dans un contexte mondial marqué par de profonds bouleversements : ralentissement de la croissance, inflation persistante, prix élevés des matières premières, endettement croissant, tensions géopolitiques et effets du changement climatique.
À ces défis s’ajoutent ceux propres à notre continent : dépendance excessive aux exportations de matières premières, faible base industrielle, infrastructures insuffisantes, et accès limité au financement.
Mais, au cœur de ces défis, se trouvent aussi d’immenses opportunités : une population jeune et dynamique, un potentiel agricole considérable, une transition numérique en marche et une volonté commune de bâtir une Afrique intégrée et prospère.
Dans ce cadre, Afreximbank reste un acteur clé pour transformer ces défis en véritables opportunités de développement.
Au Cameroun, cet engagement se traduit par la mise en œuvre de la Stratégie nationale de développement 2020–2030 (SND30), adoptée sous la haute impulsion du Président de la République, Son Excellence Paul Biya.
Cette stratégie vise à industrialiser notre économie, moderniser les infrastructures, améliorer le bien-être des populations, diversifier les sources de croissance et créer des emplois pour les jeunes.
Elle repose sur quatre piliers essentiels :
1. la transformation structurelle et la diversification économique ;
2. le développement du capital humain et le bien-être social ;
3. la promotion de l’emploi et de l’inclusion économique ;
4. la gouvernance et la performance du service public.
Cependant, des défis subsistent : mobiliser les ressources nécessaires pour financer un programme estimé à 37 500 milliards FCFA, renforcer la résilience face aux chocs externes, maîtriser la dette, moderniser le secteur productif, et intégrer efficacement les jeunes et les femmes dans la dynamique de croissance.
C’est pourquoi les partenariats avec des institutions comme Afreximbank sont essentiels.
Ils permettent de diversifier nos financements, de soutenir le secteur privé et d’accompagner la transformation économique que nous appelons de nos vœux.
Le Cameroun est aujourd’hui un pays debout, résilient et tourné vers l’avenir.
Notre économie enregistre une croissance soutenue supérieure à 4 % en 2025, appelée à se renforcer dans les années à venir.
Notre dette publique, maîtrisée à environ 42 % du PIB, reste bien en dessous du seuil communautaire de 70 % fixé par la CEMAC — preuve de notre rigueur et de notre prudence.
À ces atouts macroéconomiques s’ajoute une position géostratégique unique :
le Cameroun est le carrefour de l’Afrique centrale, ouvert sur le golfe de Guinée, doté de ports modernes à Douala et Kribi, et riche en potentiels agricoles, miniers, énergétiques et industriels.
Nos réformes structurelles, notamment la modernisation du cadre fiscal et la digitalisation des services publics, rendent chaque jour notre environnement plus attractif et compétitif.
Nous appelons donc Afreximbank à rester à nos côtés.
Ensemble, transformons ce potentiel en richesse, ces espoirs en réalité, et faisons de notre partenariat un moteur de prospérité partagée pour toute l’Afrique.
Docteur George Elombi, votre parcours est une illustration de l’excellence africaine :
l’intelligence mise au service de la rigueur, la vision alliée à la loyauté, et l’ouverture au monde enracinée dans des valeurs solides.
Vous incarnez cette génération de dirigeants qui ne se contentent pas d’accompagner le changement, mais l’anticipent et le façonnent.
Votre élection dépasse le cadre personnel : elle représente la reconnaissance du mérite, la confiance de vos pairs, et la continuité d’un leadership inspiré — celui que promeut le Président Paul Biya, fondé sur l’engagement, la compétence et la diplomatie d’influence.
C’est aussi un message d’espoir à la jeunesse africaine : la preuve que par le travail, la rigueur et la persévérance, l’Afrique peut produire des dirigeants capables de transformer son destin.
Monsieur le Président, vous incarnez cette Afrique ambitieuse et compétente, qui ne se contente plus de recevoir, mais tend la main à ses enfants et à ses partenaires.
Permettez-moi d’inviter cette assemblée distinguée à saluer les réalisations du Professeur Benedict Oramah et à souhaiter plein succès au Dr George Elombi, nouveau Président d’Afreximbank.
Puisse votre mandat être marqué par davantage d’innovation, de prospérité durable et d’intégration économique renforcée, au service du développement de notre continent.
Ce 25 octobre 2025 au Caire en Égypte, Dr George Elombi a pris officiellement la tête de l’African Export-Import Bank (Afreximbank) en qualité de nouveau Président de l’institution, héritant d’une institution renforcée mais confrontée à des enjeux nouveaux — industrialisation, conformité et nécessité d’ancrer la croissance dans la transformation locale des ressources. Cette cérémonie du Caire s’est déroulée en présence du Ministre Camerounais dz Finances, qui a saisi l’opportunité pour dresser un bilan de la coopération entre le Cameroun et Afreximbank et parler des attentes du Cameroun vis-à-vis du nouveau président qui est d’ailleurs un Camerounais. Le choix d’un cadre historique de la banque illustre un pari sur la continuité technique pour piloter un virage stratégique.
Juriste de formation et employé de la maison depuis 1996, Elombi gravit les échelons jusqu’au poste d’exécutif-vice-président en charge de la gouvernance et des services juridiques. Sa nomination par les actionnaires — annoncée à l’issue de l’assemblée annuelle d’Abuja en juin — a été présentée comme la désignation d’un dirigeant capable d’assurer la continuité opérationnelle tout en menant des réformes.
Dans ses premières allocutions publiques, Elombi a détaillé une feuille de route volontariste — souvent résumée en une « agenda en plusieurs points » — qui vise notamment à accroître fortement les capacités financières de la banque (objectif affiché : porter les actifs d’environ 44 milliards de dollars à 250 milliards sur dix ans) et à recentrer les instruments de financement vers des projets créateurs de valeur ajoutée plutôt que vers l’exportation de matières premières brutes. Ce double objectif — monter en puissance financière et financer la montée en chaîne de valeur — constitue le fil conducteur de son discours d’entrée en fonction.
Les organes décisionnels d’Afreximbank ont, au cours de l’année, approuvé des résolutions visant à renforcer l’arsenal financier de la banque (notamment l’élargissement du guichet de financement concessionnel) et ont soutenu la création de structures dédiées au commerce de produits à forte valeur ajoutée. Ces initiatives montrent que l’orientation annoncée par Elombi s’inscrit dans des décisions déjà entérinées par les actionnaires.
Pour autant, l’arrivée d’Elombi intervient à un moment où l’institution est plus exposée aux défis de gouvernance et de conformité — une réalité que commentent plusieurs analystes. Passer d’un modèle centré sur l’expansion de l’intermédiation financière à un modèle qui finance des chaînes de transformation locales implique d’assumer des risques opérationnels différents (infrastructures, logistique, capacités industrielles locales) et d’affiner la gestion du risque souverain dans une conjoncture mondiale incertaine. Les observateurs soulignent que la réputation et la robustesse des procédures internes seront déterminantes pour que la nouvelle stratégie produise des résultats durables.
Concrètement, recentrer les instruments d’Afreximbank vers la « valeur ajoutée » signifie favoriser des prêts, garanties et investissements destinés à : la transformation agricole et minière sur le continent, la construction d’unités de transformation, le renforcement des capacités logistiques et des chaînes d’approvisionnement régionales, ainsi que le soutien aux entreprises locales capables d’exporter des produits manufacturés ou semi-transformés. Cette approche vise à capter une plus grande part de la valeur produite sur le continent, créer des emplois et réduire la vulnérabilité aux chocs de prix des matières premières. Plusieurs dispositifs lancés récemment — ou en cours de lancement — vont dans ce sens.
L’ambition d’Elombi ne dépendra pas que des moyens propres d’Afreximbank : elle nécessite une coordination étroite avec les États, les plateformes industrielles privées, les fonds d’investissement et les institutions régionales (AfCFTA, banques de développement). Le profil institutionnel d’Elombi — long parcours interne et expérience en gouvernance — devrait faciliter la négociation de partenariats, mais le calendrier et la mise en œuvre opérationnelle resteront cruciaux.
À court terme, les attentes porteront sur la capacité d’Elombi à transformer les résolutions et les annonces en lignes de crédit opérationnelles, en montages industriels et en projets pilotes mesurables. À moyen terme, les observateurs suivront l’évolution des ratios prudentiels, la qualité des actifs nouvellement financés et la façon dont la banque gère les tensions entre croissance rapide des actifs et maintien d’une gouvernance rigoureuse.
« On ne sait jamais ce qui peut se passer après lundi. » Au marché de la Cité des Palmiers, à Douala, Jeanne N., commerçante, range nerveusement ses sacs de riz dans une petite échoppe bondée. Autour d’elle, la foule s’agite. des ménagères achètent du poisson en masse, d’autres remplissent des sacs de pâtes et de conserves.
Depuis quelques jours, la rumeur d’une proclamation anticipée des résultats — initialement annoncée sur les réseaux sociaux pour le 23 octobre — a déclenché une véritable fièvre acheteuse. La confirmation, jeudi, par le président du Conseil constitutionnel Clément Atangana que les résultats ne seraient proclamés que le lundi 27 octobre, n’a pas suffi à apaiser les esprits. Au contraire, ceux qui n’ont pas pu s’approvisionner mercredi, se sont rués dans les rayons jeudi.
Un spectacle observé à Douala, Yaoundé, Bafoussam, Bertoua. Ces villes ont également connu une forte désertion des écoles par les élèves. Certains parents, convaincus que la proclamation des résultats aura lieu ce jour et craignant une escalade de la violence, ont préféré gardé leurs enfants à la maison.
La peur s’invite dans les foyers
À Yaoundé, Juliette K. traverse chaque soir la ville pour rentrer de son travail. Depuis deux jours, elle a adopté une nouvelle routine : quitter le bureau plus tôt. « Dès 20h, les rues se vident. Même les taxis se font rares », raconte-t-elle. Jeudi soir, le chauffeur qui la ramenait de Mokolo à Nkoabang a dû faire un long détour pour trouver quelques clients éparpillés dans la capitale.
Cette atmosphère de méfiance contraste avec la vie trépidante habituelle dans cette grande ville. Dans les quartiers populaires de Yaoundé comme Mvog-Mbi, Elig-Edzoa ou Tsinga, les conversations tournent désormais autour d’une seule question : « Que se passera-t-il après la proclamation ? ». La tension est palpable, amplifiée par les vidéos de manifestations et de heurts circulant sur les réseaux sociaux.
Les autorités ont multiplié les mesures pour prévenir tout débordement. À Douala, le préfet du Wouri, Sylyac Marie Mvogo, a interdit la circulation des motos-taxis entre 18h et 6h dans une vingtaine de quartiers, dont Deïdo, Ndokoti, Bonamoussadi ou Kotto. La mesure s’étendra au jour de la proclamation et à celui de la prestation de serment du futur président.
Même scénario à Garoua et Dschang, où les préfets ont pris des arrêtés similaires pour « préserver la paix et le bon ordre public ». À Garoua, fief du candidat Issa Tchiroma Bakary, autoproclamé vainqueur du scrutin, les cortèges de partisans se sont multipliés ces derniers jours. Dans la Menoua, les autorités ont également interdit la vente de carburant en bidons et toute manifestation publique.
À Yaoundé, le préfet du Mfoundi, Emmanuel Mariel Djikdent, sillonne la ville mégaphone en main, exhortant les habitants à « préserver la paix ». « Le désordre peut être collectif, mais la sanction est individuelle », a-t-il martelé devant des commerçants du marché central et de l’avenue Kennedy.Les tensions observées depuis la fermeture des bureaux de vote se sont propagées à plusieurs villes du pays.
À Bafoussam, des militants du Front pour le salut national du Cameroun (FSNC) ont perturbé les travaux de la commission électorale ; à Dschang, des édifices publics ont été incendiés ; à Bonamoussadi, des locaux d’Elections Cameroon ont été saccagés.
Face à ces incidents, la Gendarmerie nationale rappelle sur sa page officielle qu’elle « assume pleinement son rôle régalien » et reste mobilisée ». Son message insiste sur la « préservation de la paix et la protection de l’intérêt supérieur de la nation », dans un effort de rassurer une population déjà sur le qui-vive.Le Conseil constitutionnel, qui s’est déclaré incompétent mercredi 22 octobre sur plusieurs recours introduits par des candidats et des acteurs politiques, demeure la seule instance habilitée à proclamer les résultats définitifs.
En attendant cette ultime étape, des résultats émanant prétendument de la Commission nationale de recensement général des votes, attribuant 53 % des suffrages au président sortant Paul Biya contre 35 % à Issa Tchiroma Bakary ont également contribué à mettre le feu aux poudres.
Le FSNC affirme que son candidat a obtenu 62 % des voix. Les manifestations de ses partisans dans le Nord et à Yaoundé se sont multipliés depuis lors. À Douala comme à Garoua, beaucoup prévoient de rester chez eux le jour de la proclamation. Les habitants stockent denrées et carburant, tandis que certaines entreprises envisagent de suspendre leurs activités. « On vit dans l’attente, comme avant un orage », confie un jeune conducteur de moto-taxi rencontré à Bonabéri.
Dans un message officiel, le gouverneur de l’Adamaoua, Kildadi Taguiéké Boukar, a exhorté les habitants à accueillir les résultats « dans la paix et le respect des institutions ». Même son de cloche à l’étranger. La France a recommandé à ses ressortissants au Cameroun de « faire preuve de vigilance » et d’éviter les rassemblements.
À mesure que le 27 octobre approche, l’espoir d’un dénouement apaisé se mêle à la crainte du pire. Entre attente, peur et résignation, le Cameroun retient son souffle.