Martin Eyebe Soppo, économiste : « il faut créer des flux financiers qui vont générer d’autres valeurs monétaires »

Expert des questions économiques et financières, il explique les enjeux géostratégies mondiaux de la question du pétrole et parle des circuits d’approvisionnement du pétrole sur le marché international.

Pétrole
Martin Eyebe Soppo

UNE ÉBAUCHE SUR LES MARCHÉS PÉTROLIERS ET LES APPROVISIONNEMENTS DES PRODUITS RAFFINÉS IMPACTANT LES MÉNAGES AU CAMEROUN PRODUCTEUR DE PÉTROLE.

Pour tout ménage camerounais, les approvisionnements des produits raffinés, dans le secteur pétrolier, jouent un rôle important, tant ces produits, destinés à la consommation courante, sont impactés, soit : par les systèmes de transport, surtout maritimes, nécessitant un ravitaillement en gasoil ; soit par des besoins d’énergies nécessaires à l’industrie le gasoil occupant une place de choix, l’éclairage par les lampes de pétrole est également touché ; soit, globalement, sur les produits, de première nécessité, victimes de la perturbation de la cadence des cargaisons des navires aux ports de Douala et Kribi. Mais, à mon humble avis, pour tenter de comprendre pourquoi notre secteur économique est, autant, impacté, il serait peut être souhaitable de se pencher un peu plus sur un état des lieux constaté de la situation globale de ce marché. Nous allons voir, ensemble, quelques paramètres géo stratégiques qui influencent notre vie ; puis, enfin, voir ce qui peut être préconisé afin que la situation des subventions, tel que précise le ministre des finances avec raison, ne perdure pas.


Globalement, la plupart des pays producteurs de pétrole sont aussi acheteurs sur les mêmes marchés. Cela assure la liquidité pour le bon fonctionnement du marché financier des instruments de paiement de première utilisation tels que les lettres de crédits commerciales et leurs garanties d’exécution que sont les « Performance Bond », puis les instruments dérivés de deuxième utilisation que sont les options de couvertures à termes, ou en « cash fund ». Pour étayer ce mécanisme nous allons prendre comme modèle deux blocs de pays producteurs différents pour illustrer notre propos dans une approche technique simplifiée : Les USA et Les Emirats. Les USA ont l’une des plus grosses réserves mondiale de pétrole, ils sont en même temps l’un des plus gros acheteurs aux Emirats. Ils vont utiliser des mécanismes d’arbitrage pour gérer les écarts types entre leur réserve (la valeur réelle de leur réserve) et leurs achats de pétrole brut (par lettre de crédits commerciales) pour faire tourner leurs industries de raffinages. Ils vont couvrir ces achats de brut sur les marchés à termes (avec des instruments financiers à termes) pour maitriser les taux, les cours qui leurs permettent de diminuer les pertes potentielles sur les achats de brut ; tout en exécutant des contrats d’approvisionnement, dans le même esprit, sur du long, moyen, court terme ou spot dans d’autres pays producteurs. Les USA assurent ainsi la rotation de leurs industries de raffinage pour animer le marché des approvisionnements chez eux et éventuellement dans le reste du monde à travers leurs raffineries. -Les Emirats ont, à peu près, le même schéma dans une autre approche variante. Ils vendent leur pétrole, ils se couvrent sur le marché à terme par des contrats acheteurs ; puis, ils achètent le pétrole brut lourd pour des besoins énergétiques en se couvrant sur les marchés à termes par des contrats ventes à termes. Ils créent ainsi des écarts types très importants qui génèrent des flux financiers énormes. Dans notre pays, le Cameroun, sans faire la politique dont nous ne connaissons pas ses règles; nous pouvons constater que nous avions aussi une approche qu’on peut aimer ou pas, qui évoluait, d’une certaine manière, selon les mêmes principes.


Notre outil de production SONARA avait un process de traitement qui raffinait le pétrole brut léger, alors que nos puits produisent beaucoup plus du pétrole brut lourd, d’où les approvisionnements sur le pétrole léger du Nigéria. Ceci pourrait se traduire, sauf erreur de ma part, par une faible importation de produits raffinés puisque nous produisons tout de même en réalisant une marge conséquente pour satisfaire notre demande interne. Le fait que cette industrie ne soit plus en activité, suppose que la faible partie des importations augmentent, puisqu’on va faire appel au marché international des approvisionnements à travers les « marketeurs ». Cet état de chose crée un déficit ou plutôt un manque à gagner dans la recette publique. Mais à cause de la guerre en Ukraine, la rotation des approvisionnements a été perturbée créant une hausse des cours du brut sur le marché. Le baril de pétrole est autour de 102 dollars aujourd’hui. Nous réalisons alors des marges supplémentaires sur la partie de pétrole brut que nous étions contraints de vendre puisque la SONARA ne la traitait pas. On peut ainsi constater que le Cameroun réalise simultanément une marge limitée à travers les importations et une marge spéculative sur les marchés de capitaux. Une position que l’administration doit gérer pour éviter des tensions de trésorerie à moyen terme ; car, si les cours baissent, les primes sur les marges spéculatives ne pourront plus permettre la mise en place des subventions allouées à ce secteur. L’une des urgences serait que les contrats d’approvisionnement soient réels et que leurs accréditifs soient couverts pour livraisons effectives.


On peut voir, à travers les pratiques des zones prises en exemple, que le marché de l’approvisionnement a toujours pris des disponibilités en termes de stocks puisque les pays fonctionnent globalement de la même manière pour satisfaire la demande. Cette demande est jugulée par des contrats d’achats, On sait, à titre d’exemple, que le Cameroun ou un importateur a commandé 10 cargaisons. Alors le contrat va prévoir une mise à disposition des cargaisons sur une période de gestion de deux ans par exemple, pour les quantités dites. Les quais d’embarquement vont être programmés pour recevoir les bateaux nominés pour l’enlèvement de ces cargaisons à des périodes correspondantes au calendrier préétabli. Alors si les produits n’arrivent pas au Cameroun, la raison sera bien connue. Les incidences internes, tel que la hausse des denrées ou manque de produits de première nécessité, ne seront que la conséquence due au non enlèvement détecté des cargaisons mises à disposition, si elles existent.


L’intervention des bailleurs de fonds n’a rien à voir ici, ils attendent les recettes produites par la nation pour se servir. De même nous restons sceptiques quant à l’influence globale due par la situation ukrainienne qui n’est pas le gouvernement du monde. Par contre nous adhérons au fait que, le monde étant devenu un petit village, la situation des uns puisse perturber les mécanismes des autres. Aussi l’incertitude, du fait que les paramètres économiques soient aléatoires, nous invite au réajustement permanent de notre secteur. A titre d’exemple l’Inde est devenu un gros fournisseur alors qu’ils ne sont pas producteurs. La livraison directe ne pouvant se faire aux conditions requises, le marché s’est ajusté autrement.

« …Le fait que cette industrie ne soit plus en activité, suppose que la faible partie des importations augmentent, puisqu’on va faire appel au marché international des approvisionnements à travers les « marketeurs ». Cet état de chose crée un déficit ou plutôt un manque à gagner dans la recette publique …».

A mon avis, pour prévoir les manques à gagner, comme dans des zones citées plus haut, on peut créer des flux financiers qui vont générer d’autres valeurs monétaires tel que les monnaies banques centrales que nous n’avons pas, compte tenu de la réalité de notre zone monétaire, nous pouvons penser à la titrisation, à travers la BEAC, un bon substitut à la monnaie banque centrale qui lui n’est pas virtuel. C’est une solution intéressante préconisée par la CEMAC. Nous pouvons aussi intervenir sur les deux marchés d’instruments de paiement évoqués , à savoir celui de la lettre de crédit commerciale que nous émettons et celui de l’instrument de paiement pour couvrir nos approvisionnements et susciter la liquidité puis la permanence de livraison si nous avons la source/fournisseur : En émettant une lettre de crédit commerciale, sa livraison est forcément couverte à l’international par un instrument financier, à hauteur de 2 à 5% en fonction de l’appréciation des risques de livraison. Ce pourcentage nous permet d’accéder dans un gisement qui nous fera éviter de perdre à la livraison.

Alors comment ?

Il faut savoir que l’un des principes du marché à terme, c’est la possibilité d’élargir les champs d’intermédiation des traders pour favoriser la croissance de la liquidité sur les marchés financiers. Peut être qu’il serait judicieux, ici, d’illustrer ce propos. Sur le marché à terme on gagne lorsque le marché est à la hausse ou lorsqu’il est à la baisse. Alors si on a vendu un produit physique à 1 000 Fr on va acheter un contrat qu’on ne détient pas à 1 000 Fr. Pour payer ce contrat, on va payer une prime de 4% correspondante à la valeur du contrat soit 40 Fr. Lorsque que le cours va évoluer à la hausse puisqu’on est acheteur sur le contrat on va gagner un pourcentage applicable à 1 000 Fr et non à 40 Fr. Ainsi ce qu’on perd sur la vente physique on le récupère sur le contrat d’achat. A la livraison, l’arbitrage entre le contrat physique et le contrat optionnel d’achat va s’équilibrer avec un écart type très faible. On ne perdra pas 50% de la valeur si le marché s’écroule, mais plutôt 1 ou deux pour cent. L’hypothèse que nous venons d’évoquer peut paraitre sophistiquée, ce n’est qu’une illusion. Le Cameroun n’est pas un Etat en déficit de croissance, même si c’était le cas ce serait le moment d’y investir, parce qu’un Etat n’est jamais en faillite. Dans ce cas, on peut, encore une fois, constater que les « Marketeurs » paient avant livraison, au Cameroun. Cela veut dire que le tissus bancaire n’a aucun risque d’opération structurelle à accompagner les émissions de crédit à l’importation à terme, le nantissement sur les cargaisons livrées renforcerait ses émissions d’accréditifs. Des crédits payables à 90 jours soit 3 mois, date de livraison, alors que dès l’arrivée des produits bacs à terre à Douala ou à Kribi, les encaissements se font. Cette option de gestion génère la liquidité sur le marché et anime les autres compartiments de l’économie nationale, concernés par les produits de première nécessité par exemple. Nous pensons en réalité que nous sommes victimes de la certitude des approvisionnements des cargaisons ou de la non maitrise des systèmes de navigation maritimes et pourquoi pas les banques qui ne seraient pas actives puisque le marché est liquide, prêt à payer.

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