L’opération « Extrême-Nord : 100 000 jeunes unis derrière le président Paul Biya », prévue le 10 mai 2025 à Maroua a mobilisation en faveur de la candidature de Paul Biya à l’élection présidentielle 2025, projetée par Boukar Abdourahim, directeur de cabinet (Dircab) de Cavaye Yeguie Djibril, président de l’Assemblée nationale (PAN), continue de faire des vagues. Contestations et contre-contestations se multiplient. Et c’est un texte signé de Jacques Fame Ndongo, ministre de l’Enseignement supérieur et secrétaire à la communication du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc) qui en donne le ton : « Le rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc) tient à porter à la connaissance de l’opinion publique que cette initiative n’a en aucun cas, été approuvée ni par les organes compétents du parti au niveau régional, ni par les hautes instances du comité central», peut-on y lire. «En conséquence, il est formellement demandé à M. Elhadj Boukar Abdourahim, de sursoir immédiatement à ladite initiative qui ne relève nullement de sa compétence, et dont la poursuite contreviendrait aux principes fondamentaux du fonctionnement du Rdpc», poursuit-il.
Aussitôt, à fort renfort de soutiens, son prétendu auteur l’a méconnu, dénonçant une manipulation. La ligne était déjà tracée. Un autre communiqué attribué à S.M Abdoulaye Yérima Bakari, lamido de Maroua, nouvellement nommé membre du Comité central du parti, dénonce le fait que les organisateurs n’ont «ni pris en compte des forces vives du département du Diamaré, ni consulté les autorités traditionnelles, politiques et militantes locales qui constituent pourtant l’ossature de la légitimité d’un tel rassemblement dans la capitale régionale ». Aussi, « bien qu’affichée comme régionale, cette mobilisation s’apparente davantage à une initiative strictement circonscrite aux militants et ressortissants du Mayo Sava, département d’origine du promoteur». Plus grave, le document soutient que le rassemblement projeté va « relancer les tensions et divisions que certains acteurs, notamment du Mayo Sava, ont contribué à alimenter ces dernières années entre les élites du Diamaré». Comme Fame Ndongo, le lamido de Maroua n’a pas attendu longtemps pour dénoncer l’authenticité du document. Du moins, Abdoulaye Yérima Bakari ne se reconnaît pas en ce communiqué, et menace d’ailleurs de représailles les auteurs des officines qui ont entrepris un tel projet en son nom.
Pendant que contestations et contre-contestations se multiplient, Cavaye Yeguie Djibril qui a été présenté comme parrain de l’affaire a saisi le secrétaire général du Comité central du Rdpc, pour soutenir le projet. «Les organisateurs ont formellement obtenu notre approbation préalable». Il y précise que l’initiative est « un appel à la mobilisation tous azimuts derrière Paul Biya, indépendamment des chapelles politiques, malgré que l’activité est organisée par le Rdpc ». Depuis lors, la contestation s’est estompée. Mais des voix étouffées par la sortie de Cavaye Yeguie Djibril continuent de méconnaître au tout puissant Dircab/PAN toute qualité pour un tel projet.
Hamadou Bachirou
Cela survient dans un conteste de batailles au sein du parti de Paul Biya. Et l’Extrême-Nord en constitue un des principaux théâtres. Cavaye Djibril est le patron du parti dans la région, mais commence à perdre du poids face à une jeune garde assoiffée de reconnaissance et intéressée par le pouvoir. Entre autres le ministre Malachie Manaouda, de la Santé publique, dont la popularité ne cesse de grimper. Le PAN, lui, du fait de l’âge, a cédé de larges pans de pouvoir à son Dircab, au point que celui-ci finisse par être perçu par certains comme le « vrai patron » de la Chambre basse du parlement. Des initiatives du genre « Extrême-Nord : 100 000 jeunes unis derrière le président Paul Biya », sont des occasions de se donner une contenance certaine tant aux yeyx de l’opinion que du sommet de l’Etat.
C’est du côté de la société civile que les dénonciateurs s’affichent officiellement. Un certain Hamadou Bachirou, a commis une tribune dans laquelle il interdit aux organisateurs la manipulation des jeunes. Pour Hamadou Bachirou, les jeunes ne doivent être ni des «instruments de mobilisation de masse, ni des bétails électoraux que l’on agite». Et, « au lieu de convoquer 100 000 jeunes pour scander des slogans politiques, pourquoi ne pas initier ‘’l’opération 10 000 microprojets pour les jeunes de l’Extrême-Nord’’ ou alors «l’opération 100 000 actes de naissance pour les enfants de l’Extrême-Nord» ? Pourquoi ne pas lancer une ‘’opération 100 000 tables-bancs pour les écoles?’’», s’interroge-t-il. L’homme trouve que la mobilisation projetée est «politiquement déplacée dans un contexte de détresse sociale marquée par des promesses non tenues. Ce type d’initiative n’aide pas le président Paul Biya qu’elle prétend soutenir».