mercredi, avril 30, 2025
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Le Cameroun négocie avec Bloomfield Investment Corporation pour sa notation financière

Le Cameroun envisage d’obtenir une notation financière auprès de l’agence ivoirienne Bloomfield Investment Corporation. L’annonce a été faite le 11 avril 2025 à Yaoundé par Eloi Tiigribe, sousdirecteur du Plan de trésorerie à la Direction générale du Trésor, lors du colloque sur la dette souveraine des États de la CEMAC. Une initiative motivée par la volonté de diversifier les sources d’évaluation du risque souverain et de développer une culture locale de la notation.

Le Cameroun pourrait bientôt rejoindre la liste des pays notés par Bloomfield Investment Corporation, première agence de notation financière d’Afrique francophone. C’est ce qu’a annoncé Eloi Tiigribe, sous-directeur du Plan de trésorerie à la Direction générale du Trésor du ministère des Finances, lors du colloque sur la dette souveraine des États de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC) qui s’est tenu à Yaoundé du 10 au 11 avril 2025. « Nous avons actuellement des discussions en cours avec une agence de notation locale, Bloomfield Investment, qui se propose de noter les États de la CEMAC, et le Cameroun a entamé des discussions avec cette agence de notation », a déclaré le responsable du Trésor public.

Pour lui, l’idée de se faire évaluer par une agence locale s’inscrit dans une démarche d’émulation régionale. « Je crois que si nous avons une notation locale et que l’évaluation est faite sur ces notations faites par les agences de notation locale, ce serait une bonne solution. Cet idéal est déjà en pratique en zone UEMOA. Nous cherchons juste à copier ce qu’il se fait de mieux ailleurs », a-t-il déclaré.

UN PRÉCÉDENT EN GUINÉE ÉQUATORIALE

L’annonce du responsable camerounais intervient quelques heures seulement après la présentation officielle, le 11 avril 2025 au Palais du Peuple à Malabo, du rapport de notation financière de la Guinée équatoriale par Bloomfield Investment Corporation. Ce pays d’Afrique centrale a obtenu pour la première fois une notation financière auprès de l’agence ivoirienne. La note attribuée est de « BBB » à long terme et « A2 » à court terme, toutes deux en monnaie locale et assorties de perspectives stables. Selon les autorités équato-guinéennes, il s’agit des notes les plus élevées dans la zone CEMAC parmi les pays notés par cette agence.

Le processus de notation a été conduit à partir des données financières de l’année 2023, fournies par l’État. L’opération a bénéficié de l’appui de la Banque africaine de développement (BAD), de la Banque des États de l’Afrique centrale (BEAC) et du Fonds monétaire international (FMI). « La collecte d’informations a inclus des entretiens avec l’ensemble des institutions financières nationales », a précisé Stanislas Zézé, directeur général de Bloomfield Investment Corporation. Cette méthodologie illustre la rigueur et la proximité de l’agence dans l’analyse du risque souverain africain.

UNE AGENCE ENRACINÉE EN AFRIQUE FRANCOPHONE

 Créée il y a 16 ans, Bloomfield Investment Corporation est la première agence de notation financière implantée en Afrique francophone. Basée à Abidjan, en Côte d’Ivoire, elle dispose également d’une représentation au Cameroun. En un peu plus d’une décennie et demie d’activité, elle a attribué plus de 2 000 notations financières à des États, des entreprises, des institutions financières ou encore des collectivités locales. L’agence se distingue par une approche adaptée aux réalités économiques, sociales et politiques africaines.

Elle évalue le risque de crédit des émetteurs d’obligations, qu’il s’agisse de pays, de banques ou d’entreprises, en tenant compte de leurs spécificités. Les notes qu’elle délivre traduisent le risque de défaillance de ces acteurs, permettant ainsi aux prêteurs – banques et investisseurs obligataires – d’ajuster les marges d’intérêt ou les primes de risque qu’ils appliquent.

Cette capacité d’adaptation aux environnements complexes des marchés africains a fait d’Abidjan une capitale pionnière en matière de notation financière en Afrique francophone. Aujourd’hui, Bloomfield Investment est en pleine phase d’expansion à la fois sur le continent africain et en Europe, avec une expertise de plus en plus sollicitée par les États et les institutions. VERS UNE

SOUVERAINETÉ EN MATIÈRE DE NOTATION ?

Au-delà de la simple volonté de multiplier les sources d’évaluation du risque, le Cameroun cherche aussi à se prémunir contre les effets déstabilisateurs d’une notation extérieure jugée parfois inadaptée. En août 2023, l’agence américaine Standard & Poor’s (S&P) avait dégradé de six crans la note souveraine du Cameroun, plaçant le pays dans la catégorie « SD/SD » (défaut sélectif) en raison de retards de paiement sur des obligations envers Deutsche Bank Spain entre janvier et novembre 2022.

Selon S&P, ces retards, de deux semaines à dix-huit jours sur certains paiements, constituaient un défaut technique. « Pour éviter tout défaut, les paiements doivent être effectués dans les cinq jours ouvrables suivant la date d’échéance », rappelait alors l’agence. Cette décision avait provoqué une vive réaction au sein de l’administration camerounaise, qui affirmait au même moment que le pays n’accusait aucun retard sur sa dette extérieure. Le ministère des Finances soulignait notamment que 256 milliards de FCFA avaient été remboursés sur la seule période de juin-juillet 2023, portant à 647 milliards de FCFA le montant global des paiements extérieurs réalisés entre janvier et juillet.

Deux jours plus tard, le 16 août 2023, Standard & Poor’s révisait sa position, relevant la note du Cameroun à CCC+/C, soit le premier niveau de la catégorie dite « extrêmement spéculative », située quatre crans au-dessus du défaut de paiement. Malgré ce réajustement, l’épisode avait laissé des traces, relançant un débat de fond sur la pertinence des approches de notation internationales en Afrique. Un rapport du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), publié en mai 2024, indiquait d’ailleurs que les méthodes utilisées par les trois grandes agences occidentales – S&P, Moody’s et Fitch – ne sont pas toujours adaptées aux spécificités des pays africains.

 POUR UNE NOTATION CRÉDIBLE ET INDÉPENDANTE

Dans ce contexte, le recours à une agence africaine telle que Bloomfield s’impose comme une réponse stratégique. Mais la question de la crédibilité des agences locales se pose également, reconnaît Eloi Tiigribe. « La question peut être posée dans la mesure où, partout dans le monde, la tendance pour les agences de notation internationales, c’est de faire des agences de notation locales leurs filiales pour essayer d’avoir le contrôle sur elles»,a-t-il expliqué.

Pour être crédibles, selon lui, les agences africaines doivent démontrer une indépendance vis-à-vis des États, tout en assurant une communication régulière de leurs travaux. « Il n’y a que l’indépendance et la communication régulière de ces agences qui pourraient leur donner plus de crédibilité », estime-t-il.

Et de citer l’exemple de la Chine, où une agence de notation locale est aujourd’hui largement consultée par les investisseurs dans l’évaluation du risque souverain. « Il faudrait tout simplement que nous développions cette culture de notation au niveau local, je crois que les Africains en ont la capacité », conclut-il.

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