En décembre 2023, après l’échec de la Société de transports et équipements collectifs de Yaoundé (Stecy SA), la Communauté urbaine de Yaoundé (CUY) a lancé un nouvel appel à manifestation d’intérêt pour revitaliser le transport de masse. Quatre opérateurs se sont manifestés. Mais à l’issue des discussions, trois se sont retirés, laissant seul en lice Salam Tours Mfoundi (STM).
En signant son contrat de concession en décembre de la même année, STM s’est engagé à déployer un réseau pilote sur trois lignes, avec au moins 50 bus, à aménager une base logistique et à installer des arrêts matérialisés sous six mois. Pourtant, plus d’un an plus tard, rien n’a vraiment bougé. « Les négociations n’ont pas abouti », confie Patrick Mfoulou Olugu, économiste spécialiste des transports à la CUY, dans Cameroon Business Today.
« Bien que la Communauté urbaine ait signé un contrat de concession, le prestataire n’a pas pu lever les fonds nécessaires pour acquérir le matériel roulant », précise-t-il. Un nouvel échec qui s’ajoute à une longue série dans la capitale, où, depuis 2005, trois tentatives successives ont échoué, plombées par des routes délabrées, des embouteillages endémiques et un modèle économique difficilement viable sans subventions ni voies dédiées.
Face à cette impasse, les autorités ont décidé de changer de cap. « La nécessité de relancer un nouvel avis de sollicitation est en réflexion. Parallèlement, le gouvernement a engagé des études dans les villes de Douala et Yaoundé avec Scania pour mettre en place un véritable système de transport par bus. Les termes de référence sont déjà finalisés », révèle Patrick Mfoulou. Concrètement, il s’agit d’un projet co-construit avec le constructeur suédois Scania, soutenu par l’agence suédoise de financement public Swedfund.
SCANIA PRÉPARE LE TERRAIN
Interrogé par Défis Actuels, François Lechat, directeur général de Scania West Africa, confirme que des études de faisabilité sont bel et bien en cours, partiellement financées grâce à Swedfund. « Ce n’est pas un partenariat direct entre Scania et le gouvernement camerounais, mais entre le gouvernement suédois via Swedfund et le gouvernement camerounais via le ministère de l’Habitat et du Développement Urbain (Minhdu) », précise-t-il.
Ces études, indispensables, doivent permettre de calibrer le projet avec précision. « Nous avons besoin d’informations fiables pour construire un réseau adapté. Notre partenaire, RHT Africa, chargé du design du réseau, doit disposer de données précises afin que nous puissions offrir les bons produits et services (véhicules et services associés) », poursuit François Lechat.
C’est d’ailleurs Scania qui est à l’initiative de ces études, ayant sollicité Swedfund pour soutenir le projet. « Ces études doivent nous fournir toutes les informations nécessaires pour concevoir un réseau urbain efficace », insiste-t-il.
UN PROJET STRUCTURÉ AU PLUS HAUT NIVEAU
Les études de faisabilité ne sont que la première étape d’un projet beaucoup plus vaste. Le 4 avril 2024, une délégation de Scania a été reçue par le Premier ministre Joseph Dion Ngute pour lui présenter cette vision, élaborée depuis deux ans avec RHT Africa et l’opérateur camerounais Intercity Blue Bus. L’objectif est de déployer 600 bus à Yaoundé et Douala d’ici 2027, en complément des futurs Bus Rapid Transit (BRT).
Le projet prévoit aussi la réhabilitation des dépôts existants, l’installation de quelque 500 arrêts par ville, ainsi que la mise en place de portiques de lavage pour les véhicules. Au cœur de cette stratégie, une flotte verte, composée de bus fonctionnant à 100 % au biodiesel ou au biogaz, avec l’ambition de produire localement ces carburants à partir de déchets ou de graines d’hévéa. La modernisation ne s’arrête pas aux véhicules. Elle inclut une billettique dématérialisée, une information en temps réel pour les usagers, la création d’autorités de transport locales inspirées d’Abidjan (AMUGA) et de Dakar (CETUD), ainsi qu’un dispositif robuste de maintenance (pièces détachées, ateliers, assistance technique par Scania sur place).
Le projet intègre aussi un vaste programme de formation, avec l’objectif de former 2 000 conducteurs et techniciens locaux. Pour soutenir cet investissement ambitieux, Scania propose un crédit acheteur garanti par l’État suédois, afin de ne pas alourdir immédiatement la dette publique du Cameroun. Et si ce projet pilote se révèle concluant, Scania et RHT Africa envisagent de s’implanter durablement dans le pays.