Gicam-Ecam: La fusion qui divise

Deux camps, pro et anti/fusion, s’affrontent ouvertement au sein du Groupement inter patronal du Cameroun. Critiqué par le Comité des sages, le président Célestin Tawamba maintient sa position.

De rebondissement en rebondissement, la fusion entre le Groupement inter patronal du Cameroun et E-Cam est loin de livrer son épilogue. Pour preuve, les membres de ce patronat ont tenu leur conseil d’administration le 30 mai, malgré l’interdiction pour menaces à l’ordre public du sous-préfet de Douala 1er. Cette interdiction de l’autorité administrative, fait suite à l’ambiance délétère qui prévaut au sein du patronat. Une ambiance qui n’a pas laissé indifférent le président du Gicam. « La gravité de cet instant particulier, induite par des attaques inédites que subit notre groupement depuis plusieurs mois, m’oblige à m’adresser à vous, les souverains de notre commune organisation », a indiqué Célestin Tawamba, dans une mise au point le 30 mai dernier. « Il vous souvient, poursuit-il, de ce que je vous ai récemment indiqué que les Conseils d’administration de E-Cam et du Gicam avaient décidé de fusionner les deux institutions ».

Pour ce faire, ils ont donné leur mandat à leurs présidents respectifs, à l’effet d’élaborer et signer un traité de fusion. Chose qui est faite depuis le 5 avril 2023. Selon Célestin Tawamba, « l’étape de la signature du traité ayant abouti, le conseil d’administration a décidé à la majorité de la poursuite du processus de fusion, et à cet effet, a décidé de fixer au mardi 11 juillet 2023 la date à laquelle vous vous réunirez en Assemblée générale extraordinaire pour statuer sur la fusion », a indiqué le président du Gicam. Sauf que, entretemps, au sein de la maison Gicam, la fusion avec E-Cam ne fait pas l’unanimité. Emmanuel Wafo, le président de la Commission Economie et développement de l’entreprise pense que cette fusion consacre explicitement la mort du Gicam.

LIRE AUSSI : Patronat : La fusion Gicam-Ecam sera examinée au cours d’une assemblée générale le 11 juillet 2023

De manière invariable, précisait-il, la fusion fait référence à une nouvelle centrale patronale, une assemblée générale constitutive, de nouveaux statuts, fusion-création, etc. « Toutes choses qui, selon lui, sont contraires à l’esprit de consolidation de la maison commune qu’est le Gicam ». Bien plus, poursuit-il, en se référant à l’article 26 traitant de la dissolution, cette dernière ne peut être prononcée que par l’assemblée générale extraordinaire. Un point de vue balayé en partie d’un revers de la main, le président du Gicam. La fusion du Gicam avec E-Cam s’inscrit dans le cadre de l’unification du mouvement patronal que j’avais annoncée dès 2017- lors de sa prise de fonction, Ndlr- , présenté comme un objectif essentiel. Naturellement cet argument avait déjà été évoqué par Aline Valérie Mbono. La directrice exécutive du Gicam, s’exprimait au cours d’une interview accordée à la chaîne de télévision Canal 2 international.

Comité des sages

Au sein du Comité des sages du Gicam, la fusion n’a pas laissé indifférence. Deux camps – anti et pro/fusion- sont nés. Pour les premiers, soutenu par le président du Comité des sages, Richard Howe, il faut « surseoir immédiatement toute activité sur le traité de fusion jusqu’à l’exécution à la satisfaction du Comité des sages d’un due diligence par un cabinet compétent pour réassurer les membres du Gicam sur le bien-fondé du dossier ».

LIRE AUSSI : Fusion Gicam-Ecam: Le comité des sages du Gicam s’oppose

Dans une moindre mesure, propose-t-il, « en lieu et place d’une fusion, le président du Gicam doit inviter E-Cam à s’abonner au Gicam et de leur proposer un siège institutionnel au conseil d’administration ». Cette décision, précise le président du Comité des sages dans le procès-verbal issue de leur réunion du 25 mai dernier, a été faite à l’unanimité du comité, constitué de son président, d’Olivier Behle ; Henri Fosso et André Siaka. François A et Mbayen R étaient représentés alors que Paul Fokam et Louis Yinda étaient absents. Toutefois, ils ont été consultés. Dans la foulée, André Siaka, dans une interview, corrobore les dires de son président. L’ancien président du Gicam, non moins ancien directeur général de la société anonyme des brasseries du Cameroun, marque clairement son opposition au traité de fusion. « Il aurait été plus honnête et juste de parler d’un projet de traité de fusion », point de départ d’un processus codifié.

André Siaka condamne également l’amalgame entre les rôles et les pouvoirs du Conseil d’administration, l’Assemblée générale et le Comité des sages du Gicam. « Ni le président, ni le conseil d’administration n’ont compétence pour [dissoudre le Gicam] ». Selon lui cela relève du pouvoir exclusif de l’Assemblée générale extraordinaire des membres, après consultation pour avis de conformité du Comité des sages. Pour le président du Gicam, Célestin Tawamba, les choses doivent être claires. « Le Comité des sages est une instance consultative, composée d’anciens dirigeants du Gicam [présidents et viceprésidents] qui a pour seuls rôles d’apporter à l’exécutif du Gicam, les conseils et éclairages qui lui sont demandés ».

Procès-verbal non conforme

La position du président du Gicam est largement partagée par Henri Fosso. Ce membre du Comité des sages- présent à la réunion du 25 mai dernier-, et par ailleurs président de Fimex international, a réagi après la diffusion du communiqué final du Comité des sages que Défis actuels a relayé dans sa parution du 29 mai dernier.

LIRE AUSSI : Cameroun : De la nécessité de l’équité dans la fusion GICAM-ECAM

Selon lui, lit-on dans sa correspondance en circulation sur les réseaux, il n’a jamais été question de demander au président du Gicam, Célestin Tawamba, de « surseoir immédiatement toute activité sur le traité de fusion signé le 5 avril 2023 entre le Gicam et E-Cam », tel que l’a rendu public le président du Comité des sages, Richard Howe. « Le Comité des sages s’est réuni le 25 mai au siège du Gicam, aux fins d’examiner la fusion en cours avec le mouvement E-Cam. Le procès-verbal qui a suivi et qui circule, n’est ni conforme à nos échanges, ni même en cohérence avec la nature statutaire du Comité des sages, tel qu’il a été pensé lors de sa création. Je ne peux en toute responsabilité, et en mon âme et conscience, valider des délibérations non conformes à la réalité de nos débats », révèle-t-il.

En outre, cet ancien vice-président déclare : « toutefois, je comprends que d’aucuns dans la famille du patronat aient un avis divergent de celui-ci. Je note d’ailleurs, que cette fusion suscite des inquiétudes chez certains. C’est leur droit. Et, c’est le principe même de la démocratie associative. Nous devons respecter le sacro-saint principe du contradictoire dans notre groupement. Prenant en compte certainement ce débat, le président du Comité des sages, Richard Howe, nous a convoqués à une réunion pour requérir nos avis. C’était l’objet de ladite réunion. L’instrumentalisation des résolutions de celle-ci, porte un coup grave à l’image et la posture des sages que nous sommes et que nous devrions être ». Pour conclure, le sage indique que le comité dont il est membre ne saurait se substituer aux organes régulièrement élus du Gicam.

Soupçon d’un troisième mandat

Au-delà du Gicam, d’aucuns, accusent le gouvernement d’avoir manœuvré pour l’aboutissement de la fusion Gicam/EEcam. Pour quel objectif, s’interroge-ton ? Selon des sources au sein du gouvernement, cette fusion « instruite » par le chef du gouvernement a pour but de renforcer le patronat camerounais afin qu’il soit capable de contribuer au développement de l’économie nationale tel que l’indique le Snd-30.

LIRE AUSSI : Patronat. Le Gicam et ECAM se mettent ensemble

Au-délà de toutes ces querelles, soulignons que Célestin Tawamba dont le second mandat à la tête du Gicam est censé s’achever cette année, est soupçonné de vouloir se maintenir à la tête du patronat. En effet, après avoir claqué la porte du Gicam en 2008, à la suite d’un désaccord entre certains membres du Gicam et l’équipe dirigeante d’alors, Célestin Tawamba et Protais Ayagma créent E-Cam et deviennent respectivement président et vice-président. Le premier susmentionné revient à la maison en 2017, directement comme président pour un mandat de 5 ans.

Après son élection, il révise les statuts du Gicam, ramène le mandat à trois ans renouvelable une fois. Il est réélu en 2020. Créé en 1957, le Gicam revendique 1000 adhérents, dont 27 associations professionnelles. Selon ses données ses membres génèrent 75% du chiffre d’affaires des entreprises modernes, contribuent à 74% aux recettes fiscales de l’Etat et comptent près de 200 000 employés.

Source : Defis Actuels n°772 du jeudi 1er juin au 04 juin 2023

- Publicité -

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.