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Flux financiers illicites: MTN et Orange sur le banc des accusés

D’après le ministère de l’Administration territoriale, la faiblesse du système d’identification mis en place à l’achat des cartes Sim, a facilité le transfert de plus de 300 millions de FCFA vers des hors-la-loi qui réclamaient des rançons pour la libération d’otages.

Lundi 8 avril 2024, Paul Atanga Nji, ministre de l’Administration territoriale (Minat) a réuni dans ses services, les directeurs généraux de l’Agence Nationale des Technologies de l’Information et de la Communication (Antic), d’Orange Cameroun, de MTN Cameroun, d’Orange Money et de MTN mobile Money. Le membre du gouvernement voulait leur faire part des évolutions inquiétantes liées au financement des activités illégales via les services de E-money. A en croire le Minat, plus de 300 millions de FCFA ont transité ces 12 derniers mois via les services financiers mobiles Orange Money et Momo de Mtn, grâce notamment à 450 cartes Sim que possèdent des individus non identifiés.  Cet argent a principalement servi à payer des rançons aux auteurs de kidnapping et enlèvements dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest en proie à une crise sécuritaire depuis 2016, et dans l’Extrême-Nord, où la secte islamiste Boko Haram maintient sa présence, malgré la résorption de sa capacité de nuisance par l’armée. Dans les deux premières régions, les militants indépendantistes qui y sèment la terreur, ont perçu 320 millions de FCFA via les services financiers mobiles, au titre de paiement de rançons.  Dans l’Extrême-Nord et l’Adamaoua, les ravisseurs ont empoché 75 millions de FCFA.

60 jours pour se conformer

C’est au vu de ce qui précède qu’au sortir de la réunion évoquée supra, Paul Atanga Nji a servi une injonction aux responsables des entreprises susmentionnées. «Le Minat a appelé à la vigilance de ces responsables de la téléphonie mobile, et a ordonné l’identification immédiate des cartes SIM dans ces régions dans un délai de 60 jours.», soulignent les services de communication de ce ministère. Depuis 2016, tout usager qui achète une carte Sim doit fournir une carte d’identité valide pour son identification, afin de pouvoir profiter pleinement des services fournis par les différents opérateurs de téléphonie mobile. Cette mesure a été entérinée, en raison de l’utilisation fréquente des téléphones portables comme détonateur lors de différents attentats perpétrés par la secte islamiste Boko Haram dans l’Extrême-Nord. Sa mise en place a également été motivée par l’utilisation récurrente des services de E-Money dans le paiement et l’encaissement des rançons dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest. A en croire le gouvernement, la procédure d’identification des puces de téléphones est l’un des moyens permettant de suivre les traces de ces malfaiteurs.

Contexte

Ce n’est pas la première fois que le gouvernement rappelle à l’ordre MTN et Orange. En 2021, l’Agence de régulation des télécommunications (ART) a indiqué dans une correspondance adressée à MTN et Orange, que les opérations d’identification des abonnés à la téléphonie ne se déroulent pas dans les normes. Le directeur général de cette institution en voulait pour preuve, le fait que «« Il m’a été donné de constater que certains opérateurs n’utilisent pas le numéro unique règlementaire des cartes nationales d’identité (CNI) dans le cadre de la procédure d’identification des abonnés », a-t-il  écrit. En raison de ces irrégularités, l’ART a procédé au 1er trimestre 2019,  à la suspension 73 000 numéros non identifiés.

Cette nouvelle interpellation intervient dans un contexte où le Cameroun est, depuis juin 2023, l’un des pays inscrit sur la liste grise des pays soumis à une « surveillance renforcée », dressée par Le Groupe d’action financière (Gafi), l’organisation de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Cette décision a été fortement motivée par les données qui figurent dans le rapport 2021 de la Commission nationale anti-corruption publié en 2022. Dans ce document, qui repend des données de l’Agence nationale d’investigation financière (Anif), on apprend que le préjudice financier causé au Cameroun par la circulation des flux financiers illicites liés au blanchiment d’argent, au financement du terrorisme et aux trafics divers se chiffre à 135 milliards FCFA. Selon le classement effectué par la même institution, les services de Monnaie électronique occupe le 3e rang des principaux vecteurs du blanchiment d’argent et du financement du terrorisme au Cameroun, derrière les opérateurs de transfert d’argent et les banques.

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