jeudi, septembre 11, 2025
spot_img
AccueilA LA UNEReforme: La nouvelle Société Nationale d'Investissement à l'épreuve de la gouvernance

Reforme: La nouvelle Société Nationale d’Investissement à l’épreuve de la gouvernance

Le président de la république à travers un décret rendu public le 10 juillet 2024 a fait de la Société nationale d’investissement son bras séculier en matière d’investissements, d’études et de conseils. toutefois, d’après des analystes économiques tels que Emmanuel Noubissie Ngankam, le mode de gouvernance locale pourrait perturber la concrétisation des nouvelles missions dévolues à cette société.

La Société nationale d’investissement (SNI) telle qu’on la connaissait jusqu’ici va disparaître. Grâce à un décret du président de la République rendu public le 10 juillet 2024, elle devient une société à capital public avec l’Etat comme unique actionnaire, et ses missions, ainsi que son capital social ont été réaménagés, passant d’une trentaine de milliards de FCFA à 200 milliards. Cette nouvelle entité hérite également des actifs et des missions de la Commission technique de réhabilitation des entreprises du secteur public et parapublic, du Bureau de mise à niveau des entreprises et de la Commission technique de privatisation et de liquidation des entreprises du secteur public et parapublic. En outre, la nouvelle SNI sera désormais soumise à la réglementation de l’acte uniforme Ohada, relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique.

Bras Séculier de l’Etat en matière d’investissements

Depuis ce réaménagement, certains observateurs avertis de la sphère économique locale sont dithyrambiques. C’est notamment le cas de Geoffray Desire Mbock, président du Conseil d’administration de la SNI qui croit savoir que le président de la République, à travers son décret, a fait de de la société dont il préside le conseil d’administration, la cheville ouvrière de l’économie nationale. «En signant les décrets que vous évoquez, par les nouvelles missions qu’ils lui assignent, par la variété de sources de financement auxquelles ils lui donnent accès, le président de la République a en réalité, procédé à la refondation de la SNI, c’est-à-dire, à la création d’un nouvelle entité, afin que cette dernière redevienne le bras séculier de l’Etat en matière d’investissements productifs, dans les domaines aussi variés que l’industrie, l’agriculture, les mines, la finance, le commerce et les services. En conclusion, avec ces décrets, la nouvelle SNI devrait, dans le domaine des investissements productifs, devenir la cheville ouvrière de la restructuration en profondeur de l’économie camerounaise telle que prévue par la stratégie nationale de développement SND30

Daniel Claude Abate, président Exécutif des entreprises du Cameroun (Mecam) partage également cette analyse. Pour cet homme d’affaires, l’ancienne SNI n’avait plus les coudées franches pour jouer le rôle auquel elle a toujours été prédestinée. «L’ancienne SNI était d’abord limitée dans ses missions. Au vu des évolutions dans le secteur économique et financier, elle était complètement dépassée par les évolutions, il fallait donc la réformer. Elle n’avait pas l’autorisation de mener des opérations sur le marché boursier, ou de gérer des actifs publics ou privés. Elle faisait certes des prises de participation à titre personnel, mais aujourd’hui on est beaucoup plus précis. La SNI peut intervenir en bourse, elle peut gérer des actifs au profit des démembrements de l’Etat et des organismes publics. Elle est donc un peu aujourd’hui comme le véritable bras d’investissement des pouvoirs publics», pense-t-il.

 Même son de cloche pour Viviane Ondoa Biwele, experte en politique publique qui s’étonne même que l’Agence de promotion des investissements (API) n’ait pas été reversée à la SNI. «Avant la réforme actuelle, les activités de la SNI ont été émiettées dans plusieurs domaines. On peut comprendre pourquoi l’Etat dans son souci de rationalisation redevient employeur. Il y a une sorte de réorganisation qui donne à la SNI, la responsabilité non seulement de la création, et du suivi, mais éventuellement de la privatisation. Puisque désormais, c’est elle qui va décider de ce qui reste dans le portefeuille de l’Etat et ce qui va partir. Pour résumer en un mot, la SNI va gérer la politique actionnariale de l’Etat. On aurait pu s’attendre également que l’Agence de promotion des investissements soit reversée à la SNI», indique-t-elle.

Comment faire réussir la réforme présidentielle

L’analyste économique et ancien haut fonctionnaire de la Banque mondiale Emmanuel Noubissie Ngankam est beaucoup moins enthousiaste, même s’il milite depuis des années pour que la société nationale d’investissement soit transformée en un fonds souverain d’investissement. Les réaménagements opérés par le président de la République répondent certes aux recommandations qu’il a formulées dans une tribune publiée dans le journal Le Jour il y a deux ans, toutefois, il subsiste un léger goût d’inachevé. «Je suis persuadé que l’ouverture du capital de la SNI à des investisseurs privés aurait eu une plus-value. Une Société d’économie mixte dans laquelle le secteur privé serait actionnaire majoritaire aurait été un signal fort dans l’optique de l’attrait de l’investissement privé dont le Cameroun a tant besoin. La présence d’un représentant du patronat au sein du Conseil d’Administration comme le prévoit le décret est une bonne chose, mais l’ouverture du capital aurait été mieux», a-t-il confié à nos confrères de l’Economie.

Cependant, il est convaincu que l’Etat peut encore se rattraper en choisissant pour la nouvelle SNI, des dirigeants compétents, capables de concrétiser les nouveaux espoirs placés en elle. «La nouvelle entité devrait être dirigée par une équipe constituée d’hommes et de femmes hautement compétents, ayant le sens de l’intérêt général, porteurs de valeurs éthiques et morales irréprochables et capable d’indépendance notamment vis-à-vis des considérations politiques. Une bonne expérience du secteur privé serait un atout indéniable. Le choix de ces hommes et de ces femmes sera un indicateur de la volonté de l’Etat de sortir du schéma classique de désignation des dirigeants des entreprises publiques. Le succès de la réforme en dépend», peut-on lire dans les colonnes du même journal.

Il y a 3 ans, en évoquant la SNI dans un article scientifique paru dans Le Jour, Emmanuel Noubissie Ngankam, posait déjà comme condition préalable à un retour de l’efficience et de l’efficacité au sein de cette institution, la migration vers une économie beaucoup plus inclusive. Cela suppose, expliquait-il, la création de marchés inclusifs, la mise en œuvre d’une politique de champions nationaux, qui pourrait contribuer à attirer les investisseurs, tout en confiant à des hommes intègres et compétents la gestion de certains pans de l’économie nationale. «Dans un environnement débarrassé des ogres de la puissance publique, l’Etat reprendrait la place qui est la sienne notamment par le biais de la SNI qui serait un des principaux leviers de la mobilisation et de l’allocation optimale des ressources», a-t-il écrit.

spot_img
LIRE AUSSI
0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.

0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires

ACTUELLEMENT EN KIOSQUE

spot_img

LES PLUS RECENTS

0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x