Crise : pourquoi le Tchad rappelle son ambassadeur au Cameroun

Mahamat Deby Itno fâché contre le Cameroun

Par un communiqué de presse rendu public hier soir par sa télévision nationale, le Tchad informe l’opinion nationale et internationale qu’il rappelle son ambassadeur au Cameroun pour consultation. Une grande première dans les relations entre les deux pays-frères et voisins. En diplomatie, il s’agit de l’expression du désaccord d’un Etat à un autre lorsque la relation diplomatique qui les lie est affectée par une tension d’une gravité jugée extrême. Et c’est une grande première entre les deux pays voisins et frères. Dans le communiqué signé du Dr Gali Ngothe Gatta, secrétaire général de la présidence de la République tchadienne, il est écrit que : « en ce 20 avril 2023, par voie de presse, le Tchad a appris la signature d’un accord prévoyant la cession par une filiale de Savannah Energy PLC de 10% du capital de Cameroon oil transportation company S.A (Cotco), en contradiction avec les conventions et les statuts de COTCO, à la Société nationale des hydrocarbures (SNH) du Cameroun ». Cotco étant une structure camerounaise impliquée dans la gestion du pipeline Tchad-Cameroun. Le différend porte donc sur la gestion du pipeline Tchad -Cameroun.

Et justement, cela survient au lendemain de la signature d’un protocole d’accord entre le ministre de l’Eau et de l’énergie (MINEE) et la société britannique Savannah energy RCM limited. La compagnie britannique devant reprendre les travaux de construction du barrage et de la centrale hydroélectrique de Bini à warak suspendus depuis 2019, ainsi que des travaux annexes. Cette société qui est au centre d’une crise entre les deux pays depuis quelques temps. Même si le protocole d’accord signé hier entre Gaston Eloundou Essomba et Andrew Knott le patron de Savannah Energy, en présence de Christian Dennys McClure le Haut-commissaire de Grande-Bretagne au Cameroun, n’évoque pas ce sujet, le Tchad semble avoir des informations soutenant cette cession. Peut-être une autre convention. De toutes les façons, dans un éditorial qu’il a commis sur le sujet, Haman Mana, Directeur de publication du quotidien Le Jour, indique que ce qui divise les deux pays est la gestion des actifs d’Exxon mobile sur le marché du pipeline Tchad-Cameroun, copropriété de l’Etat du Tchad, du Cameroun et d’Exxon mobile. A en croire le journaliste, « Exxon mobile décide de quitter l’affaire. Comme il est de coutume dans les associations de business, les acteurs pour l’acquisition de ces parts, ce sont en priorité les associés. Seulement, une entreprise dénommée Savannah Energy se présente, afin d’acquérir les parts désormais libérées. Sourcilleux, le gouvernement tchadien est réticent car cette entreprise ne représente rien dans l’échiquier mondiale des entreprises pétrolières», rapporte Haman Mana.

Il faut rappeler que cette crise survient au moment où le Tchad a décidé en mas dernier de nationaliser les actifs de production du pétrole sur son sol, et donc avalant des actifs de production de Savannah Chad inc (SCI), ainsi qu’une bonne partie des actifs de Savannah dans Tchad oil transportation company (TOTCO), propriétaire de l’exploitation de la section tchadienne di pipeline Tchad-Cameroun. SCI était anciennement appelée Esso exploration and production Chad inc (EEPCI), qui appartenait à Exxon mobile.

Franck Biya chez Mahamat Into Deby

En marge des négociations officielles, la partie tchadienne constate des interactions suspectes dans le dossier et vit des interventions parallèles et souterraines : « Il est à noter que dès l’entame des discussions au sujet de la venue de la société Savannah Energy au Tchad, il est apparu que derrière cette société gravitaient de nombreuses personnalités camerounaises et d’autres pays africains, qui n’ont cessé d’interférer auprès des officiels tchadiens », relève Gali Ngothe Gatta. Et Haman Mana de préciser que Franck Emmanuel Biya, fils du président de la République du Cameroun, a effectué une visite à Ndjamena en septembre 2022 : « le motif de la visite est sans ambages : il plaide auprès du président tchadien, la cause de Savannah Energy», rapporte Haman Mana. Mais « après cette visite, le Tchad freine des quatre fers sur le dossier». Le pays de Paul Biya ne lâche pas : «du 21 au 30 novembre 2022, une délégation conduite par M. Elung Paul Che, secrétaire général adjoint de la présidence de la République du Cameroun, séjourne à Ndjamena et mène des discussions avec les autorités compétentes du Tchad. Cette délégation appuie une fois de plus la transaction par l’entremise de Savannah Energy, que les Tchadiens jugent inapte pour l’opération », confie Haman Mana.

Actifs de Petronas

Outre ce dossier avec la « nébuleuse Savannah», le Tchad évoque un autre dossier : celui de l’acquisition des actifs de Petronas. Le pays de Mahamat Deby Itno se plaint que plus d’un mois après, seul le Cameroun n’a pas encore répondu aux lettres de demande d’avis de non-objection adressées par la CEMAC à chaque ministre des pays membres. Lettres qui conditionnent la convocation de la commission de la concurrence au sujet du dossier d’agrément déposé « en bonne et due forme » auprès des services en charge de la concurrence de la CEMAC.

Face à cette situation, et en apprenant que le Cameroun a déjà signé des accords avec Savannah Energy, le Tchad a l’impression que le Cameroun lui impose un partenaire qu’il redoute pour ses suppôts tapis dans l’ombre. Et Mahamat Itno Deby n’entend pas céder face à cette attitude du Cameroun. D’où la réaction du président de transition du Tchad. « Le Tchad se trouve une fois de plus dans l’obligation de défendre ses intérêts et sa respectabilité, et dénonce les agissements répétés du Cameroun et de ses représentants qui mettent à mal, dans ces dossiers et en CEMAC, les relations entre les deux pays», menace le secrétaire général de la présidence tchadienne. La réaction de Yaoundé est attendue.

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